Jean-Luc Lagarce : biographie et œuvres

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Au programme du bac français 2024, la pièce de théâtre intitulée Juste la fin du monde a été écrite par Jean-Luc Lagarce. Dans cet article, nous te proposons de revenir sur sa vie, son enfance et son parcours, afin d’éclairer ses écrits. Nous avons par ailleurs rédigé un article sur Juste la fin du monde, que tu peux retrouver juste ici. Bonne lecture !

Qui est Jean-Luc Lagarce ?

Jean-Luc Lagarce naît à Héricourt en Franche-Comté (nord-est de la France) en 1957. Ses parents sont protestants et ouvriers chez Peugeot. Ils se sont rencontrés dans un atelier de théâtre amateur. En 1965, la famille s’installe dans le pays de Montbéliard, dans le Doubs. Jean-Luc Lagarce effectue toute sa scolarité à Valentigney et écrit une première pièce de théâtre alors qu’il n’est encore qu’au collège.

En 1975, il s’inscrit au conservatoire d’art dramatique et à la faculté de philosophie de Besançon. Auteur et metteur en scène, il est encore en licence lorsqu’il fonde avec d’autres étudiants le Théâtre de la Roulotte, en 1977, dont le nom rend hommage à Jean Vilar (comédien de théâtre et de cinéma, metteur en scène, directeur de théâtre et auteur français).

Son mémoire de master de philosophie, intitulé « Théâtre et Pouvoir en Occident », est publié. Cependant, il décide par la suite d’abandonner sa thèse, afin de se consacrer à la mise en scène et à l’écriture. Il met notamment en scène Marivaux, Labiche, Ionesco, puis ses propres textes.

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La carrière de Jean-Luc Lagarce

Il officie en tant que chef d’une troupe de théâtre, La Roulotte, tantôt dans l’est de la France, tantôt dans la capitale. Il s’installe finalement à Paris à la fin des années 1980. Ses mises en scène de pièces classiques ont souvent beaucoup plus de succès que celles de ses propres textes, les représentations des premières permettant de financer les secondes.

Sept ans avant sa mort, il apprend qu’il est atteint du sida et se sait condamné. Il centre alors son écriture sur la disparition et la famille, que celle-ci soit biologique ou choisie. Au printemps 1990, il reçoit le prix Léonard-de-Vinci (la bourse de la Villa Médicis pour l’étranger) et part trois mois à Berlin où il rédige Juste la fin du monde. À son retour en France, très peu sont ceux qui comprennent et acceptent cette pièce. Une semaine avant sa mort, il termine Le Pays lointain dans une tentative de réécriture après son dernier échec. Il s’agit d’une version plus ample et complète de Juste la fin du monde.

Il meurt à 38 ans, le 30 septembre 1995, laissant une œuvre théâtrale de vingt-trois pièces, un volumineux Journal, des récits, des essais, un film vidéo et un roman, les Adieux. Reconnu de son vivant comme metteur en scène, il ne le sera pleinement comme auteur qu’après sa mort où la scène révélera des chefs-d’œuvre. Jean-Luc Lagarce est aujourd’hui un auteur culte, le contemporain le plus joué en France au XXIe siècle, traduit en trente langues.

Les œuvres de Jean-Luc Lagarce

La maladie, l’adieu avant la mort, le retour hantent son œuvre.

Une partie de son théâtre est largement autobiographique. Elle met également en scène un double de l’auteur en lien avec les relations difficiles qu’il entretient avec sa famille et ses origines. Les pièces Retour à la citadelle (1984), Juste la fin du monde (1990), J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne (1994) et le Pays lointain (1995) traitent du thème du retour et des adieux, et invoquent les origines provinciales et prolétaires de Lagarce. Il y traite aussi de son homosexualité et de sa maladie. Une autre part de son œuvre théâtrale consiste en une peinture de la vie provinciale, ainsi que des petits théâtres, comme dans Music-hall (1989) et Derniers Remords avant l’oubli (1987).

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Le style de Jean-Luc Lagarce

Le style de Jean-Luc Lagarce fait alterner les vrais dialogues et les monologues entrecroisés. Il cherche à tenir à distance l’émotion pour mieux exprimer la souffrance et le besoin d’amour dans une écriture sèche, sans fioritures. L’inscription de Juste la fin du monde au répertoire de la Comédie-Française, en 2007, est l’un des signes du succès posthume de cette œuvre moderne, dont l’action et la posture des personnages est plus souvent statique que mobile.

Par ailleurs, l’écriture de Lagarce repose sur le discours et plus particulièrement sur le ressassement, la répétition, comme si chaque phrase était une correction de la phrase qui précède. En outre, une place importante parmi ces figures de style est occupée par l’épanorthose, qui consiste à revenir sur ce que l’on vient de dire, soit pour nuancer le propos, soit au contraire pour le réexposer avec plus d’énergie et de précision. L’étymologie du mot désigne la correction, il s’agit donc non pas de réitérer les mêmes propos, mais de les reprendre pour les retravailler. L’épanorthose souligne l’importance de la parole chez Lagarce, dont l’écriture montre une recherche presque frénétique de la vérité et du mot juste. Paradoxalement, en voulant préciser les choses au maximum, le texte devient paradoxalement de plus en plus flou.

De plus, en se focalisant sur les répétitions, on remarque chez Lagarce une forte musicalité due à l’effet de refrain. La répétition montre l’émotion, l’inquiétude, la panique et le tâtonnement des personnages. La langue qu’emploie Lagarce reproduit, mime les errements, les bégaiements, les fourvoiements de l’oral que l’écrit essaie d’effacer.

La place de l’implicite

L’écriture de Lagarce est une écriture empreinte d’implicite, de non-dit. Les personnages ne disent jamais ce qu’ils pensent véritablement et le lecteur doit être attentif aux moindres détails. Cela implique pour le lecteur d’être actif dans sa lecture pour bien saisir ces zones blanches du texte. Lagarce mêle ainsi l’allusion, l’ironie et des aposiopèses. Il s’agit pour cette dernière d’une figure de style qui consiste à suspendre le sens d’une phrase en laissant au lecteur le soin de la compléter. L’aposiopèse révèle une émotion ou une allusion se traduisant par une rupture immédiate du discours.

Les inspirations de Jean-Luc Lagarce

Dans les années 1950, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de ses atrocités, naît le mouvement de l’absurde. On le retrouve dans le roman, mais aussi dans le théâtre. Ce théâtre de l’absurde est un anti-théâtre qui va bouleverser la vision que le spectateur a de l’action, du personnage, de dialogue… Parmi les auteurs prépondérants de ce théâtre, on retrouve Samuel Beckett (auteur de En attendant Godot). La caractéristique de ces pièces est qu’il ne se passe généralement rien. De ce fait, les personnages n’ont plus rien du héros traditionnel. Chez Beckett, autre auteur phare de ce mouvement, il est même la plupart du temps un être abîmé, éclopé, à la dérive moralement ou socialement, et surtout plongé dans la solitude.

Avec Eugène Ionesco, la scène devient le lieu où le langage ne signifie plus rien. Impossible de communiquer, nous sommes voués à débiter des banalités que de toute façon l’autre n’écoute pas.

Par ailleurs, l’auteur prône un mode d’expression qui repose sur l’idée de l’humilité, et de l’utile. C’est ce qu’il affirme lorsqu’il énonce que “Nous devons conserver au centre de notre monde le lieu de nos incertitudes, le lieu de notre fragilité, de nos difficultés à dire et à entendre”, dans Du luxe et de l’impuissance (1994).

Pour aller plus loin

Parce qu’une interview filmée permet de varier les supports et les approches, nous te proposons celle de Jean-Luc Lagarce, dans laquelle il s’exprime à propos du Sida et de son œuvre. Il s’agit d’un extrait de l’émission Ruban rouge (France 3) enregistrée en juillet 1995 au Festival d’Avignon. L’émission s’interroge en particulier sur le rapport entre sida et création artistique.

Par ailleurs, afin de compléter le portrait de Jean-Luc Lagarce, nous t’invitons vivement à visionner Juste la fin du monde, dont la pièce, jouée par la Comédie française, est disponible en intégralité sur Youtube. Il s’agit d’une des meilleures versions de l’œuvre, en accès libre, que tu peux regarder en cliquant ici.

Enfin, Radio France a réalisé une émission sur Jean-Luc Lagarce, qui fait intervenir des comédiens, universitaires et même sa mère à propos de l’auteur et de son œuvre, que tu peux écouter en cliquant sur ce lien !

Les œuvres du bac français

Pour rappel, et dans la mesure où Jean-Luc Lagarce est un des auteurs dont l’œuvre est au programme de la session 2024 du bac de français, nous te remettons ici les liste complète des œuvres sur lesquelles tu es susceptible de tomber aussi bien à l’écrit qu’à l’oral :

Pour rappel, le programme du bac de français est composé de 12 ouvrages :

Tu trouveras sur notre site internet des fiches de lectures pour chacune de ces œuvres ! N’hésite pas à cliquer directement sur l’article qui t’intéresse : nous avons réalisé pour chacune d’elle une fiche détaillée, avec son résumé et son analyse.

La postérité

Pour finir, si Jean-Luc Lagarce n’a pas connu un immense succès en tant qu’auteur de son vivant, ses mises en scène d’autres pièces lui ont permis d’acquérir une notoriété importante dans le monde du théâtre. De plus, son œuvre personnelle semble avoir fait l’objet d’une réévaluation, par la (re)découverte de ses propres textes, qui font désormais de lui un auteur majeur du XXe siècle en France.

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