Sais-tu comment construire un commentaire de texte d’argumentation ? Le jour de l’épreuve écrite de français, les candidats ont le choix entre deux exercices, la dissertation ou le commentaire de texte. Ce qui implique que tu sois bien au point sur ces deux méthodes. Dans cet article, nous te présentons le commentaire de texte et te donnons 5 exemples de commentaires composés de textes d’argumentation, choisis pour leur diversité et leur richesse.
Le déroulé des épreuves anticipées du bac de français 2026
En classe de première, tu passeras deux épreuves anticipées de français : une écrite et une orale, chacune notée avec un coefficient 5.
L’épreuve écrite
Tu auras 4 heures pour choisir entre :
- Un commentaire de texte (sur un extrait d’œuvre étudiée ou du même siècle).
- Une dissertation sur un des trois sujets proposés.
Pour la voie technologique, la dissertation est remplacée par une contraction de texte, qui consiste à résumer précisément un texte argumentatif en respectant le nombre de mots imposé.
L’épreuve orale
Tu devras préparer en 30 minutes un commentaire linéaire sur un extrait étudié dans l’année, puis le présenter à l’examinateur pendant 20 minutes :
- Lecture à voix haute (2 points)
- Explication linéaire du texte (8 points)
- Question de grammaire (2 points)
- Discussion sur une des œuvres intégrales étudiées (8 points)
N’oublie pas de réviser la méthodologie du commentaire linéaire pour être à l’aise lors de ton passage.
Les confessions, Rousseau – Exemple de sujet corrigé de commentaire de texte
Nous prendrons ici pour exemple l’épisode du ruban volé issu des Confessions de Jean-Jacques Rousseau.
Extrait étudié : Les Confessions – Jean-Jacques Rousseau
Il est bien difficile que la dissolution d’un ménage n’entraîne un peu de confusion dans la maison, et qu’il ne s’égare bien des choses : cependant, telle était la fidélité des domestiques et la vigilance de monsieur et madame Lorenzi, que rien ne se trouva de manque sur l’inventaire. La seule mademoiselle Pontal perdit un petit ruban couleur de rose et argent déjà vieux. Beaucoup d’autres meilleures choses, étaient à ma portée ; ce ruban seul me tenta, je le volai ; et comme je ne le cachais guère, on me le trouva bientôt. On voulut savoir où je l’avais pris. Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. Marion était une jeune Mauriennoise dont madame de Vercellis avait fait sa cuisinière quand, cessant de donner à manger, elle avait renvoyé la sienne, ayant plus besoin de bons bouillons que de ragoûts fins. Non seulement Marion était jolie, mais elle avait une fraîcheur de coloris qu’on ne trouve que dans les montagnes, et surtout un air de modestie et de douceur qui faisait qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer ; d’ailleurs bonne fille, sage, et d’une fidélité à toute épreuve. C’est ce qui surprit quand je la nommai. L’on n’avait guère moins de confiance en moi qu’en elle, et l’on jugea qu’il importait de vérifier lequel était le fripon des deux. On la fit venir : l’assemblée était nombreuse, le comte de la Roque y était. Elle arrive, on lui montre le ruban : je la charge effrontément; elle reste interdite, se tait, me jette un regard qui aurait désarmé les démons, et auquel mon barbare coeur résiste. Elle nie enfin avec assurance, mais sans emportement, m’apostrophe, m’exhorte à rentrer en moi-même, à ne pas déshonorer une fille innocente qui ne m’a jamais fait de mal ; et moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu’elle m’a donné le ruban. La pauvre fille se mit à pleurer, et ne me dit que ces mots : Ah ! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place. Voilà tout. Elle continua de se défendre avec autant de simplicité que de fermeté, mais sans se permettre jamais contre moi la moindre invective. Cette modération, comparée à mon ton décidé, lui fit tort. Il ne semblait pas naturel de supposer d’un côté une audace aussi diabolique, et de l’autre une aussi angélique douceur. On ne parut pas se décider absolument, mais les préjugés étaient pour moi. Dans le tracas où l’on était, on ne se donna pas le temps d’approfondir la chose ; et le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux, se contenta de dire que la conscience du coupable vengerait assez l’innocent. Sa prédiction n’a pas été vaine; elle ne cesse pas un seul jour de s’accomplir. (…) Ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme s’il n’était commis que d’hier. Tant que j’ai vécu tranquille il m’a moins tourmenté, mais au milieu d’une vie orageuse il m’ôte la plus douce consolation des innocents persécutés : il me fait bien sentir ce que je crois avoir dit dans quelque ouvrage, que le remords s’endort durant un destin prospère, et s’aigrit dans l’adversité. Cependant je n’ai jamais pu prendre sur moi de décharger mon cœur de cet aveu dans le sein d’un ami. La plus étroite intimité ne me l’a jamais fait faire à personne, pas même à madame de Warens. Tout ce que j’ai pu faire a été d’avouer que j’avais à me reprocher une action atroce, mais jamais je n’ai dit en quoi elle consistait. Ce poids est donc resté jusqu’à ce jour sans allégement sur ma conscience ; et je puis dire que le désir de m’en délivrer en quelque sorte a beaucoup contribué à la résolution que j’ai prise d’écrire mes confessions.
Introduction
Dans l’introduction doivent apparaître les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant : le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature; le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ; la structure du texte, le plan et la problématique.
Ici, il s’agit d’un extrait des Confessions de Rousseau (1782), un texte d’argumentation autobiographique. Cet extrait est un des passages phares de l’œuvre, c’est la confession du vol du ruban par Rousseau des années après le larcin. Ce vol est donc le thème de l’extrait, et le registre est à la fois argumentatif, sentimental et pathétique. Rousseau cherche à persuader par les émotions. Le texte est divisé en deux grandes parties : le récit du larcin et le souvenir qu’il lui en reste encore aujourd’hui. Nous étudierons tout d’abord l’aspect confessionnel de l’extrait, puis la tentative de justification qui se cache derrière. Dans quelle mesure ce passage des Confessions est tout sauf une confession objective et exacte d’un larcin ?
I . La confession
I.1. La mise en place du cadre : Au début du passage, Jean-Jacques Rousseau met en place le cadre du récit tel qu’il le ferait pour une confession (« Il est bien difficile que la dissolution d’un ménage n’entraîne un peu de confusion dans la maison, et qu’il ne s’égare bien des choses : cependant, telle était la fidélité des domestiques et la vigilance de monsieur et madame Lorenzi, que rien ne se trouva de manque sur l’inventaire. » l 1-3). Il insiste ici sur la bonté et l’honnêteté qui règnent dans la maison où il habite. Ce cadre de bonté permet à Rousseau d’atténuer l’annonce de son larcin (« La seule mademoiselle Pontal perdit un petit ruban couleur de rose et argent déjà vieux. Beaucoup d’autres meilleures choses, étaient à ma portée ; ce ruban seul me tenta, je le volai » l 3-5). Comme c’est souvent le cas, le cadre a une importance capitale dans une confession, elle annonce le nœud du problème et l’orientation que l’on donnera à la confession. Nous le verrons par la suite, le cadre d’honnêteté, de fidélité et de bon coeur sera capital dans ce texte d’argumentation.
I.2. L’omniprésence de la première personne : Si l’on étudie l’ensemble du passage, on peut remarquer la grande présence du pronom personnel « je ». Bien que ce soit normal dans un récit avec un narrateur personnage, dans le cas présent, son omniprésence est notable. C’est une caractéristique fondamentale de la confession. En voici quelques exemples : « ce ruban seul me tenta, je le volai ; et comme je ne le cachais guère, on me le trouva bientôt. » (l 5-6), « Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. » (l 7), « et moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu’elle m’a donné le ruban. » (l 20-21).
I.3. L’apparence de transparence et de clarté : Le récit donné par Rousseau apparaît d’une grande honnêteté, d’une grande clarté. Le style qu’il adopte donne une apparence de vérité non déguisée à ce qui est dit. C’est le style de la confession. Il emploie tout d’abord le présent simple de la description : « Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. » (l 7). Ensuite, il décrit Marion de manière détaillée : « Marion était une jeune Mauriennoise dont madame de Vercellis avait fait sa cuisinière quand, cessant de donner à manger, elle avait renvoyé la sienne, ayant plus besoin de bons bouillons que de ragoûts fins. Non seulement Marion était jolie, mais elle avait une fraîcheur de coloris qu’on ne trouve que dans les montagnes, et surtout un air de modestie et de douceur qui faisait qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer ; d’ailleurs bonne fille, sage, et d’une fidélité à toute épreuve. » (l 8-13). Il décrit aussi ses sentiments au moment même de mentir et d’accuser Marion à sa place : « C’est ce qui surprit quand je la nommai. L’on n’avait guère moins de confiance en moi qu’en elle, et l’on jugea qu’il importait de vérifier lequel était le fripon des deux. » (l 13-15). Et enfin, il décrit chronologiquement ce qui se passe : on l’attrape, il accuse Marion, « on la fit venir » (l 15), tous deux échangent, elle lui dit avec tristesse qu’elle croyait qu’il avait un bon cœur puis ils sont tous les deux virés. L’usage du présent simple et du passé simple ainsi que la présence de nombreux détails sur leurs attitudes donnent une apparence de transparence au récit qui se veut être une confession.
II. La justification
Toutefois, ce passage n’est qu’en apparence une simple confession honnête, transparente et désintéressée. Jean-Jacques Rousseau cherche en réalité à justifier son acte.
II.1. Un vol contre nature pour un être fondamentalement bon : La manière dont est présenté le vol est une tentative de justification de celui-ci, car il semble contre nature venant d’un être bon. De plus, cela le rend exceptionnel, comme un écart de conduite que l’on peut pardonner. Il nous faut signaler l’innocence du petit Jean-Jacques : « ce ruban seul me tenta, je le volai ; et comme je ne le cachais guère, on me le trouva bientôt. Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. » (l 5-7). Ensuite, l champ lexical de la bonté s’oppose à celui du mal : « modestie », « douceur », « bonne fille, sage », « fidélité », « innocente », « angélique douceur » # « fripon », « mon barbare cœur », « démons », « une impudence infernale », « une audace aussi diabolique ». L’usage d’hyperboles dans l’attitude « diabolique » du petit garçon signale que ce n’est pas naturel chez lui. La preuve en est que cette même personne, des années plus tard, revient sur le fait et prend ses distances avec le garçon coupable du vol, car il ne le reconnaît pas. Les remords de ce dernier sont un ultime élément de preuve que ce larcin, ces mensonges étaient contre nature pour un garçon de nature bonne.
II.2. Le récit biaisé du vol : Le récit du vol, bien qu’en apparence objectif, est subjectif et biaisé. Il est orienté par Rousseau afin de pouvoir mettre en avant son bon caractère et présenter le vol comme un écart de conduite incompréhensible et unique. Nous le voyons notamment avec l’évocation du ruban au début du texte : « un petit ruban couleur de rose et argent déjà vieux ». Ce ruban ne semble avoir aucune valeur, les détails de son âge et de sa couleur servent à dédramatiser le vol. De même, avec le choix de certains détails comme la seule parole rapportée de son dialogue avec Marion : « Ah ! Rousseau, je vous croyais un bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place. » (l 20-22). Le lecteur ignore ce qu’a pu dire le jeune Rousseau, mais sait qu’on lui connaissait un bon cœur grâce aux mots de Marion. Ce choix est très important, car il contribue à présenter Rousseau comme un enfant de bon cœur, une victime plutôt qu’un jeune menteur agressif. Le récit biaisé du vol est donc bien une stratégie pour justifier et faire pardonner son acte a posteriori.
II.3. L’hyperbole pathétique dans ses sentiments et l’euphémisme de départ : Enfin, afin de justifier son acte, Jean-Jacques Rousseau utilise un contraste entre l’euphémisme et l’hyperbole. Il utilise l’euphémisme pour évoquer son larcin (« La seule mademoiselle Pontal perdit un petit ruban couleur de rose et argent déjà vieux. Beaucoup d’autres meilleures choses étaient à ma portée ; ce ruban seul me tenta, je le volai » l 4-6). Au contraire, il a recours à l’hyperbole pathétique pour évoquer ses sentiments et son mal-être (« Je me trouble, je balbutie, et enfin je dis, en rougissant, que c’est Marion qui me l’a donné. » l 7, « Elle arrive, on lui montre le ruban : je la charge effrontément ; elle reste interdite, se tait, me jette un regard qui aurait désarmé les démons, et auquel mon barbare cœur résiste. » l 16-17, « une fille innocente qui ne m’a jamais fait de mal ; et moi, avec une impudence infernale, je confirme ma déclaration, et lui soutiens en face qu’elle m’a donné le ruban. » l 19-21). Ce contraste accentue l’impression d’un acte excusable et prouve bien la tentative de justification de son vol de la part de Rousseau. De plus, ses remords sont immenses : « Ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme s’il n’était commis que d’hier. » (l 30-32). Le caractère pathétique de ce récit, le mal-être du voleur et l’exagération d’un petit larcin suscitent la compassion du lecteur et l’encouragent à pardonner le geste.
Conclusion
Dans la conclusion, tu devras synthétiser les grandes idées du commentaire de manière chronologique. Dans le cas présent, évoquer l’adoption du style de la confession dans ce passage de récit d’un vol de Jean-Jacques Rousseau étant enfant. Ensuite, nuancer le propos en insistant sur l’entreprise de justification du Rousseau adulte qui écrit cet extrait.
Essais, Montaigne, Les Essais, livre III, chapitre IX (extrait) « De la vanité » – Exemple de commentaire de texte corrigé
Extrait étudié : Essais – Michel de Montaigne
J’ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu’homme du monde. La diversité des façons d’une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soient des assiettes d’étain, de bois, de terre : bouilli ou rôti : beurre ou huile de noix ou d’olive : chaud ou froid, tout m’est un : et si un, que vieillissant, j’accuse cette généreuse faculté et aurais besoin que la délicatesse et le choix arrêtât l’indiscrétion de mon appétit et parfois soulageât mon estomac. Quand j’ai été ailleurs qu’en France, et que, pour me faire courtoisie, on m’a demandé si je voulais être servi à la française, je m’en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d’étrangers. J’ai honte de voir nos hommes enivrés de cette sotte humeur de s’effaroucher des formes contraires aux leurs : il leur semble être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village. Où qu’ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils festoient cette aventure : les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de mœurs barbares qu’ils voient. Pourquoi non barbares, puisqu’elles ne sont françaises? Encore sont-ce les plus habiles qui les ont reconnues, pour en médire. La plupart ne prennent l’aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés d’une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d’un air inconnu.
Ce que je dis de ceux-là me ramentoit, en chose semblable, ce que j’ai parfois aperçu en aucuns de nos jeunes courtisans. Ils ne tiennent qu’aux hommes de leur sorte, nous regardant comme gens de l’autre monde, avec dédain ou pitié. Otez-leur les entretiens des mystères de la cour, ils sont hors de leur gibier, aussi neufs pour nous et malhabiles comme nous sommes à eux. On dit bien vrai qu’un honnête homme c’est un homme mêlé.
Au rebours, je pérégrine très saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile (j’en ai assez laissé au logis) : je cherche des Grecs plutôt, et des Persans : j’accointe ceux-là, je les considère : c’est là où je me prête et où je m’emploie. Et qui plus est, il me semble que je n’ai rencontré guère de manières qui ne vaillent les nôtres. Je couche de peu, car à peine ai-je perdu mes girouettes de vue.
Introduction
Dans l’introduction doivent apparaître les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant : le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature ; le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ; la structure du texte, le plan et la problématique.
Ici, nous avons à faire à un extrait des Essais de Montaigne (1580), un texte d’argumentation où l’auteur étudie l’âme, les sentiments et les expériences du genre humain. Il y traite de tous les thèmes possibles. Cette partie de l’extrait traite de l’attitude des hommes de la Cour française lorsqu’ils sont en voyage. Le registre y est argumentatif et critique. Montaigne cherche à convaincre par la raison et par l’exemple (le sien). Le texte se compose de trois parties : l’évocation de sa manière de voyager, puis de celle des courtisans français et enfin une critique acerbe de ce genre de comportements. Nous étudierons en quoi cet extrait est un récit de voyage puis une critique venimeuse des mœurs de la Cour française. Dans quelle mesure ce passage de critique des mœurs des courtisans français en voyage propose-t-il une réflexion plus large sur l’homme ?
I. Un récit de voyage
I.1. Le thème du voyage : Le point de départ de cet extrait est le voyage, il est le contenu de base de ce texte. Cela nous place donc dans le cadre du récit de voyage. En voici des indices : « d’une nation à une autre » (l 2), « Quand j’ai été ailleurs qu’en France » (l 6), « je m’en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d’étrangers » (l 8). Les notions de pluralisme culturel et d’étrangeté, omniprésentes dans ce paragraphe, signalent bien qu’il s’agit d’un récit de voyage d’un homme qui découvre d’autres cultures.
I.2. Le récit de ce qu’il expérimente pendant ses voyages : Ensuite, un des éléments caractéristiques du récit de voyage est le récit d’expériences personnelles uniques lors de la découverte de l’altérité. C’est une chose que l’on retrouve bien ici. Montaigne évoque ainsi différents usages et coutumes qu’il a rencontrés : « Soient des assiettes d’étain, de bois, de terre : bouilli ou rôti : beurre ou huile de noix ou d’olive : chaud ou froid » (l 3-4), « Quand j’ai été ailleurs qu’en France, et que, pour me faire courtoisie, on m’a demandé si je voulais être servi à la française, je m’en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d’étrangers. » (l 6-10). Montaigne raconte ainsi ses découvertes en termes d’usages, de nourriture et de mode de vie. C’est la caractéristique première du récit de voyage qui a pour vocation de faire voyager le lecteur.
I.3. La description des voyageurs : Enfin, dans le cadre du récit de voyage, Montaigne dépeint deux types de voyageurs. Il y a tout d’abord le voyageur détaché de son pays natal et ouvert à la découverte, c’est-à-dire Montaigne lui-même : « J’ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu’homme du monde. La diversité des façons d’une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. » (l 1-3), « Quand j’ai été ailleurs qu’en France, et que, pour me faire courtoisie, on m’a demandé si je voulais être servi à la française, je m’en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d’étrangers. » (l 6-10), « Au rebours, je pérégrine très saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile (j’en ai assez laissé au logis) : je cherche des Grecs plutôt, et des Persans (…) Et qui plus est, il me semble que je n’ai rencontré guère de manières qui ne vaillent les nôtres. Je couche de peu, car à peine ai-je perdu mes girouettes de vue. » (l 23-28). Ce voyageur tolérant qui prône le multiculturalisme et l’ouverture d’esprit s’oppose aux courtisans français : « Où qu’ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils festoient cette aventure : les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de mœurs barbares qu’ils voient. » (l 31-33), « La plupart ne prennent l’aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés d’une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d’un air inconnu. » (l 35-37). Ce sont de faux voyageurs intolérants, hautains et fermés à la découverte.
II. La critique des mœurs de la Cour française
II.1. L’opposition de sa manière de voyager et de celle des autres Français de la Cour : Comme nous l’avons vu dans la partie antérieure, Montaigne oppose deux types de voyageurs. Nous insisterons sur la figure de style, car elle lui permet de produire une critique du modèle opposé au sien. En effet, il commence à présenter sa conception du voyage puis il introduit l’autre type de voyageur par « J’ai honte de voir » (l 10). Ils sont montrés du doigt par Montaigne , donc étymologiquement présentés comme des monstres (le monstre étant celui que l’on montre). De plus, il les appelle avec des « ils », « ceux-là », « eux » pluriels et indifférenciés et les oppose à un « je » unique. Cette masse est associée à des adjectifs négatifs tandis que Montaigne décrit ses mœurs avec douceur. Il y a donc bien une opposition de public, de pronoms, de registre et de ton qui sert la critique du clan des courtisans.
II.2. Une critique plus générale de l’attitude, des us et mentalités des courtisans français : Il est intéressant de voir l’élargissement de la critique aux us, mentalités et modes de vie des courtisans français. La critique de leur manière de voyager est en réalité un prétexte pour une critique plus générale des courtisans. La première critique qui est faite est celle de leur peur de l’étranger et de l’entre-soi : « cette sotte humeur de s’effaroucher des formes contraires aux leurs : il leur semble être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village. Où qu’ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils festoient cette aventure : les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble » (l 10-14), « prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d’un air inconnu. » (l 17-18), « Ils ne tiennent qu’aux hommes de leur sorte, nous regardant comme gens de l’autre monde, avec dédain ou pitié. » (l 20-21). Montaigne critique ensuite leur mépris envers d’autres cultures qu’ils appellent « barbares » : « Pourquoi non barbares, puisqu’elles ne sont françaises ? » (l 15), « nous regardant comme gens de l’autre monde, avec dédain ou pitié » (l 20-21). Enfin, il critique leur addiction aux commérages au sein de la Cour : « Otez-leur les entretiens des mystères de la cour, ils sont hors de leur gibier, aussi neufs pour nous et malhabiles comme nous sommes à eux. » (l 21-23). Ces hommes apparaissent comme ignorants, intolérants, méprisants et faux.
II.3. Une réflexion plus large sur l’homme : L’élargissement final de cette réflexion est intéressant, car il peut être vu comme humaniste. Montaigne, à travers cet exemple, propose une réflexion sur l’homme et sur sa nature. Il prône un honnête homme tolérant, ouvert aux autres cultures et à l’humanité tout entière. Il défend l’idée que cet honnête homme sera enrichi de différentes origines et cultures et saura vivre partout où la vie l’appellera. Cette phrase me semble condenser la théorie humaniste de l’honnête humaniste que présente Montaigne : « On dit bien vrai qu’un honnête homme c’est un homme mêlé. » (l 23). Ainsi, la critique des courtisans français qui voyagent semble être un prétexte pour proposer une réflexion humaniste sur la société et l’homme.
Conclusion
Dans la conclusion, tu devras synthétiser les grandes idées du commentaire de manière chronologique. Dans le cas présent, revenir sur les aspects qui font de ce texte un semblant de récit de voyage puis développer sur la critique acerbe qui est faite des courtisans français en voyage, et plus généralement des us et coutumes, des mentalités des hommes. Son caractère humaniste transparaît dans ces allusions.
J’accuse, Émile Zola – Exemple de commentaire de texte corrigé
Voici le texte de l’article d’Émile Zola intitulé J’accuse et publié le 13 janvier 1898 en première page du quotidien parisien L’Aurore sous la forme d’une lettre ouverte au président de la République. Le texte accuse le gouvernement de l’époque d’antisémitisme dans l’affaire Dreyfus.
Extrait étudié : Lettre à M. Félix Faure – Émile Zola
Lettre à M. Félix Faure, Président de la République
Monsieur le Président,
Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait un jour, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ? Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l’apothéose de cette fête patriotique que l’alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition Universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté. Mais quelle tache de boue sur votre nom – j’allais dire sur votre règne – que cette abominable affaire Dreyfus !
Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis. Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. Et c’est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d’honnête homme.
La vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus. Un homme néfaste a tout mené, a tout fait, c’est le lieutenant-colonel du Paty de Clam, alors simple commandant. Il est l’affaire Dreyfus tout entière ; on ne la connaîtra que lorsqu’une enquête loyale aura établi nettement ses actes et ses responsabilités. (…) Ah ! cette première affaire, elle est un cauchemar, pour qui la connaît dans ses détails vrais !
Introduction
Dans l’introduction doivent apparaître les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant : le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature ; le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ; la structure du texte, le plan et la problématique.
Le texte que nous allons étudier est extrait de la lettre ouverte intitulée « J’accuse » et publiée dans L’Aurore par Émile Zola le 13 janvier 1898. C’est une lettre de dénonciation au sujet de l’affaire Dreyfus (un soldat juif piégé par ses supérieurs et condamné à mort). C’est un plaidoyer contre cette affaire et contre l’antisémitisme sous-jacent qu’il révèle au sein de l’armée. Son thème est donc bien cette affaire, et le ton y est dénonciateur, critique et révélateur. Il cherche à convaincre grâce à un récit qui se veut détaillé et véridique des faits, grâce à la raison et à l’émotion du lecteur face à l’injustice mise en évidence. Le texte est composé de deux parties : une apostrophe au Président de la République Félix Faure puis le récit de la mise en place du piège autour de Dreyfus. Nous étudierons tout d’abord le ton du texte, c’est-à-dire celui de la dénonciation. Puis nous nous focaliserons sur les manières de convaincre, et enfin sur le mélange de genres (documentaire et texte littéraire) au sein de cet extrait. Dans quelle mesure ce passage d’une lettre ouverte de dénonciation d’une affaire juridique basée sur un coup monté antisémite présente toutes les possibilités de la littérature comme outil d’argumentation et de dénonciation ?
I. Le ton de la dénonciation
I.1. Un plaidoyer contre cette affaire : Cette lettre ouverte est clairement contre cette affaire, c’est un plaidoyer contre elle, car selon Zola elle est motivée par l’antisémitisme et cause l’injustice. La forme est bien celui d’un plaidoyer : Zola commence par une apostrophe à celui qui fait office de juge ici, le Président de la République M. Félix Faure (« Monsieur le Président, / Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait un jour, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ? » l 3-6), puis il introduit petit à petit l’objet de sa dénonciation (« Mais quelle tache de boue sur votre nom – j’allais dire sur votre règne – que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis. » l 10-14). Il évoque et insiste aussi sur son rôle de révélateur de la vérité, de même que le ferait un avocat de la défense (« La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. Et c’est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d’honnête homme. » l 15-21). La deuxième partie du texte correspond à ce que dirait ce même avocat lors de l’intervention à la barre de l’accusé (« La vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus. Un homme néfaste a tout mené, a tout fait, c’est le lieutenant-colonel du Paty de Clam, alors simple commandant. » l 24-25). Ainsi, la structure,la construction et le style de cette lettre font véritablement penser à un plaidoyer contre une affaire qui accuse injustement un homme.
I.2. Le champ lexical/ton de la critique : Le registre et le champ lexical sont ceux de la critique, de la saleté et du démon. C’est le fil conducteur de la lettre. Les adjectifs et substantifs employés pour qualifier cette affaire sont : « honteuse (…) ineffaçable tache », « tache de boue », « abominable affaire », « soufflet suprême à toute vérité », « souillure », « crime social », « un cauchemar ». De même, le personnage qui est selon lui responsable de ce coup monté est qualifié tel un démon : « Un homme néfaste », « l’esprit le plus fumeux, le plus compliqué, hanté d’intrigues romanesques, se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, (…) colportent, de nuit, des preuves accablantes. », « le premier coupable de l’effroyable erreur judiciaire qui a été commise. » Il est dépeint comme un esprit dérangé et machiavélique. Cette omniprésence des champs lexicaux du Mal et du crime montre bien que ce texte est fondamentalement dénonciateur. La critique et la dénonciation sont ses fils conducteurs.
II. Les manières de convaincre
II.1. Le récit détaillé et vraisemblant : Afin de convaincre le Président de la République et les lecteurs de ce qu’il avance, Émile Zola produit un récit plutôt détaillé et vraisemblant de la mise en place du piège autour de Dreyfus par le lieutenant-colonel du Paty de Clam. Tout d’abord, de même que l’avocat de la défense jure dire « la vérité, rien que la vérité » avant son intervention, l’auteur prétend et promet de rétablir la vérité sur cette affaire : « La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. » (l 15-16) ; « La vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus. » (l 24). Ces phrases donnent une certaine validité à son témoignage. Ensuite, il donne de nombreux détails dans son récit, ce qui donne l’impression qu’il fait un rapport des faits : « se complaisant aux moyens des romans-feuilletons, les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts, les femmes mystérieuses qui colportent, de nuit, des preuves accablantes. C’est lui qui imagina de dicter le bordereau à Dreyfus » (l 28-31), « Et je n’ai pas à tout dire, qu’on cherche, on trouvera. Je déclare simplement que le commandant du Paty de Clam, chargé d’instruire l’affaire Dreyfus, comme officier judiciaire, est, dans l’ordre des dates et des responsabilités, le premier coupable de l’effroyable erreur judiciaire qui a été commise. Le bordereau était depuis quelque temps déjà entre les mains du colonel Sandherr, directeur du bureau des renseignements, mort depuis de paralysie générale. (…) » (l 35-40). Le récit détaillé et vraisemblable des manipulations du lieutenant-colonel est donc un outil de poids pour convaincre le lecteur qui y voit un récit des faits.
II.2. Les détails historiques : Émile Zola va jusqu’à donner des détails historiques véridiques pour ancrer son écrit dans un esprit de vérité. Nous pouvons prendre l’exemple des noms propres : « l’affaire Dreyfus », « le lieutenant-colonel du Paty de Clam », « le commandant du Paty de Clam, chargé d’instruire l’affaire Dreyfus, comme officier judiciaire » et le « colonel Sandherr, directeur du bureau des renseignements ». L’état de fait de leur état de service, de leurs rôles au moment de l’affaire sert aussi à ancrer le récit dans un temps et un espace véridiques. Ainsi, les détails historiques donnent un caractère vraisemblable aux faits relatés qui semblent sortir tout droit d’un rapport judiciaire. Ce sont des outils pour convaincre.
II.3. La construction de l’argumentation : Enfin, afin de convaincre le Président et les lecteurs de ces propos, il construit son argumentation logiquement et chronologiquement. Il commence par apostropher le Président pour avoir son attention. Puis il introduit l’objet de sa critique et relate chronologiquement ce qui s’est passé selon lui. Il commence donc le récit des faits par la mise en place du piège par le lieutenant-colonel, par les prémisses du crime qui ont préparé l’affaire. Il enchaînera après notre extrait avec le récit chronologique de l’accusation de Dreyfus et de la préparation du procès contre lui. Son argumentation, basée sur la logique et l’ordre chronologique des faits, est donc un autre outil pour convaincre avec la raison les lecteurs de ce qu’il avance.
III. Entre documentaire et texte littéraire
III.1. L’alternance entre des phrases type documentaire et des phrases narratives : Il est intéressant de voir que le style documentaire côtoie des phrases plus écrites, plus narratives et fictionnelles. C’est un mélange des genres qui donne encore plus de poids aux mots d’Émile Zola et permet à cette lettre de convaincre les lecteurs, non seulement avec la raison, mais aussi avec la littérature. Voici un exemple de cette association du rapport judiciaire et de la littérature : « C’est lui qui imagina de dicter le bordereau à Dreyfus; c’est lui qui rêva de l’étudier dans une pièce entièrement revêtue de glaces; c’est lui que le commandant Forzinetti nous représente armé d’une lanterne sourde, voulant se faire introduire près de l’accusé endormi, pour projeter sur son visage un brusque flot de lumière et surprendre ainsi son crime, dans l’émoi du réveil. » (l 31-35). Le récit d’un fait dans la première proposition est associé à des images littéraires telles que la « pièce entièrement revêtue de glace » où la « lanterne sourde ». Le vocabulaire basique et les phrases simples côtoient le vocabulaire recherché et les phrases aux constructions littéraires (« dicter le bordereau », « voulant se faire introduire », « l’émoi du réveil »). Or le lecteur lit les écrits de Zola, car il aime la littérature et aime se laisser transporter par ses images. Le poids convaincant du récit des faits est donc enrichi par cette association du style documentaire et de la littérature.
III.2. Le jeu sur l’émotion, le tragique et le pathos : Enfin, il nous faut étudier le jeu d’Émile Zola avec l’émotion, le pathos et le tragique. Par ce biais, il cherche à émouvoir le Président et les lecteurs et, par conséquent, à les persuader avec le cœur. La raison seule n’aurait pas assez de poids. C’est l’émotion qui porte les gens à dénoncer une injustice, qui porte les jurés à voter pour un contre l’accusé. Voici quelques exemples de ce recours à l’émotion : « Mais quelle tache de boue sur votre nom – j’allais dire sur votre règne – que cette abominable affaire Dreyfus ! » (l 9-11), « Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. » (l 15-16). Les nombreuses exclamations et l’emploi du champ lexical du mal et de l’injustice donnent un caractère pathétique à l’expression. Le tragique est bien présent aussi : « Ah ! cette première affaire, elle est un cauchemar, pour qui la connaît dans ses détails vrais ! ». Ainsi, cette lettre ouverte fait appel à la peine, à la compassion du Président pour les convaincre de la vérité de ses mots et les animer à la révolte contre cette affaire injuste.
Conclusion
Dans cette dernière partie de ton commentaire, tu devras synthétiser les grandes idées énoncées précédemment de manière chronologique. Pour ce texte-ci, mettre en lumière l’omniprésence du ton de la dénonciation, étant donné qu’il s’agit d’un plaidoyer contre cette affaire. Montrer comment Zola cherche à convaincre le lecteur, puis la richesse argumentative du texte basée sur le mélange des genres, entre documentaire et texte littéraire.
L’encyclopédie, un article de Diderot extrait de L’Encyclopédie – Exemple de sujet de commentaire de texte corrigé
Diderot s’explique dans cet article sur les prétentions de l’Encyclopédie : le produit libre d’une libre association de collaborateurs.
Extrait étudié
Les projets littéraires conçus par les grands sont comme les feuilles qui naissent aux printemps, se sèchent tous les automnes, et tombent sans cesse les unes sur les autres au fond des forêts, où la nourriture qu’elles ont fournie à quelques plantes stériles est tout l’effet qu’on en remarque. Entre une infinité d’exemples en tout genre, qui me sont connus, je ne citerai que celui-ci. On avait projeté des expériences sur la dureté des bois. Il s’agissait de les écorcer, et de les laisser mourir sur pied. Les bois ont été écorcés, sont morts sur pied, apparemment ont été coupés ; c’est-à-dire que tout s’est fait, excepté les expériences sur la dureté des bois. Et comment était-ce possible qu’elles se fissent ? il devait y avoir six ans entre les premiers ordres donnés, et les dernières opérations. […]
Quelle diversité ne s’introduit pas tous les jours dans la langue des arts, dans les machines et dans les manœuvres ? Qu’un homme consume une partie de sa vie à la description des arts ; que dégoûté de cet ouvrage fatigant, il se laisse entraîner à des occupations plus amusantes et moins utiles, et que son premier ouvrage demeure renfermé dans ses portefeuilles : il ne s’écoulera pas vingt ans, qu’à la place de choses nouvelles et curieuses, piquantes par leur singularité, intéressantes par leurs usages, par le goût dominant, par une importance momentanée, il ne retrouvera que des notions incorrectes, des manœuvres surannées, des machines ou imparfaites, ou abandonnées. Dans les nombreux volumes qu’il aura composés, il n’y aura pas une page qu’il ne faille redessiner. Ce sont des portraits dont les originaux ne subsistent plus. Le luxe, ce père des arts, est comme le Saturne de la fable, qui se plaisait à détruire ses enfants.
La révolution peut être moins forte et moins sensible dans les sciences et dans les arts libéraux, que dans les arts mécaniques ; mais il s’y en est fait une.
Introduction
Dans ton introduction doivent apparaître les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant : le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature; le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ; la structure du texte, le plan et la problématique.
Ici, nous avons un extrait de L’Encyclopédie de Diderot (1751), la grande œuvre littéraire et scientifique des lumières. Il s’agit précisément de l’article intitulé « L’Encyclopédie » dans lequel Diderot explique le projet de L’Encyclopédie. Il traite donc de ce projet littéraire, le ton y est argumentatif et explicatif. Diderot cherche à convaincre avec un discours littéraire raisonnable, général et des exemples. Le texte se compose de trois parties : une introduction du thème, l’évocation de l’exemple majeur de l’extrait et un développement lyrique et argumentatif sur les projets littéraires. Nous étudierons tout d’abord comment Diderot traite le thème central de l’extrait (les projets littéraires), puis le travail de justification de sa propre œuvre. Dans quelle mesure cet extrait qui n’est ni purement scientifique ni purement littéraire introduit parfaitement l’œuvre dont elle traite (L’Encyclopédie) ?
I. Un article sur les projets littéraires
I.1. Le thème central de l’article et le discours généralisant : Cet article de l’Encyclopédie traite des projets littéraires de manière générale. Afin de produire un article sur ce thème en général, le discours adopté par Diderot est généralisant. Il y a tout d’abord l’usage du pluriel : « Les projets littéraires conçus par les grands sont comme les feuilles qui naissent aux printemps, se sèchent tous les automnes, et tombent sans cesse les unes sur les autres au fond des forêts, où la nourriture qu’elles ont fournie à quelques plantes stériles est tout l’effet qu’on en remarque. » (l 1-4). Puis le recours au présent de vérité générale : « sont », « naissent », « se sèchent », « tombent ». Ainsi que le pronom « on » (première personne du pluriel) qui est en général associé à des formules généralisantes, à des proverbes. L’article a bien pour thème les projets littéraires et Diderot adopte un ton généralisant pour en parler.
I.2. Le style littéraire, lyrique : Il est intéressant de voir que, pour parler des projets littéraires, Diderot adopte parfois un style littéraire, presque lyrique. C’est une manière de montrer ce qu’est un projet littéraire dans l’esprit des auteurs qui le préparent. En témoigne tout d’abord le recours aux images et métaphores : « Les projets littéraires conçus par les grands sont comme les feuilles qui naissent aux printemps, se sèchent tous les automnes, et tombent sans cesse les unes sur les autres au fond des forêts » (l 1-3). Le style est aussi très littéraire, on trouve dans la construction des phrases une recherche esthétique : « Dans les nombreux volumes qu’il aura composés, il n’y aura pas une page qu’il ne faille redessiner. Ce sont des portraits dont les originaux ne subsistent plus. Le luxe, ce père des arts, est comme le Saturne de la fable, qui se plaisait à détruire ses enfants. » (l 17-20). Le travail du rythme et des images donne un caractère poétique, lyrique à l’évocation des projets littéraires. Ainsi, le style littéraire reflète le travail littéraire que décrit Diderot.
II. Un travail de justification de sa propre œuvre
II.1. L’écriture métatextuelle : On peut parler d’écriture métatextuelle pour cet article de L’Encyclopédie (sur l’œuvre même dont il est extrait), car il traite des projets littéraires et L’Encyclopédie en est un. À travers le traitement du sujet des projets littéraires en général, Diderot fait en réalité référence à L’Encyclopédie elle-même. Nous pouvons notamment le voir avec le choix de l’exemple dans le premier paragraphe : « Entre une infinité d’exemples en tout genre, qui me sont connus, je ne citerai que celui-ci. On avait projeté des expériences sur la dureté des bois. Il s’agissait de les écorcer, et de les laisser mourir sur pied. Les bois ont été écorcés, sont morts sur pied, apparemment ont été coupés ; c’est-à-dire que tout s’est fait, excepté les expériences sur la dureté des bois. Et comment était-ce possible qu’elles se fissent ? il devait y avoir six ans entre les premiers ordres donnés, et les dernières opérations. » (l 4-9). La difficulté de la réalisation du travail, de sa mise en application ainsi que la durée du projet (six ans) rappellent ce qui a eu lieu avec L’Encyclopédie elle-même. Et dans le second paragraphe, Diderot évoque la diversité des objets d’étude dans le champ de l’investigation scientifique, l’investissement de l’homme qui passe sa vie à chercher des réponses ou même la nécessité d’une constante réactualisation des connaissances. C’est exactement l’expérience qu’il a eue de L’Encyclopédie : il a dédié une grande partie de sa vie à cette œuvre, elle a été éditée de 1751 à 1772 et traite une quantité inimaginable de notions. Ainsi, c’est bien de L’Encyclopédie elle-même dont parle Diderot dans cet article.
II.2. La valorisation des projets littéraires donc du sien : Le ton adopté pour évoquer les projets littéraires est mélioratif, il dépeint avec beauté et poésie cette aventure littéraire. Or étant donné la valeur métatextuelle de l’extrait, la valorisation littéraire des projets littéraires amène une valorisation du projet littéraire de L’Encyclopédie. Par ce biais, Diderot donne une plus grande valeur à son œuvre. Nous le voyons dans la comparaison à un phénomène naturel et poétique dans le premier paragraphe : « Les projets littéraires (…) sont comme les feuilles qui naissent aux printemps, se sèchent tous les automnes, et tombent sans cesse les unes sur les autres au fond des forêts, où la nourriture qu’elles ont fournie à quelques plantes stériles est tout l’effet qu’on en remarque. » (l 1-4). Cette vision qu’a le promeneur dans la forêt rétablit la beauté des feuilles mortes. De même avec la curiosité qu’inspirent les nouveautés dans le champ de l’investigation : « choses nouvelles et curieuses, piquantes par leur singularité, intéressantes par leurs usages, par le goût dominant, par une importance momentanée ». Enfin, il nous faut signaler le poids accordé à ces projets littéraires par Diderot : « La révolution peut être moins forte et moins sensible dans les sciences et dans les arts libéraux, que dans les arts mécaniques ; mais il s’y en est fait une. » (l 21-22). Le terme « révolution » est important, car il suggère un changement irrévocable, une avancée clef dans le champ des sciences et des arts libéraux. Or, en réalité, cette révolution est attribuée par Diderot à L’Encyclopédie (elle traite des sciences et des arts libéraux). La valorisation des projets littéraires est donc bien un prétexte pour justifier et valoriser son œuvre.
Conclusion
Dans la conclusion, tu devras synthétiser les grandes idées du commentaire de manière chronologique. Ici, évoquer tout d’abord le traitement particulier du thème central de l’extrait, les projets littéraires. Puis mettre en évidence le travail de justification de sa propre œuvre par Diderot.
Éloge de la Folie, Erasme – Exemple de commentaire de texte corrigé
Dans cet extrait, Erasme (humaniste) traite des gens d’Église avec un esprit très critique.
Extrait étudié
Voici ceux qu’on appelle ordinairement religieux ou moines, quoique ces deux noms ne leur conviennent nullement, puisqu’il n’y a peut-être personne qui ait moins de religion que ces prétendus religieux…
La plupart de ces gens-là ont tant de confiance dans leurs cérémonies et leurs petites traditions humaines, qu’ils sont persuadés que ce n’est pas trop d’un paradis pour les récompenser d’une vie passée dans l’observation de toutes ces belles choses. Ils ne pensent pas que Jésus-Christ, méprisant toutes ces vaines pratiques, leur demandera s’ils ont observé le grand précepte de la charité.
L’un montrera sa bedaine farcie de toutes sortes de poissons, l’autre videra mille boisseaux de psaumes, récités à tant de centaines par jour ; un autre comptera ses myriades de jeûnes, où l’unique repas du jour lui remplissait le ventre à crever ; un autre fera de ses pratiques un tas assez gros pour surcharger sept navires ; un autre se glorifiera de n’avoir pas touché à l’argent pendant soixante ans, sinon avec les doigts gantés ; un autre produira son capuchon, si crasseux et si sordide qu’un matelot ne le mettrait pas sur sa peau ; un autre rappellera qu’il a vécu plus de onze lustres au même lieu, attaché comme une éponge ; un autre prétendra qu’il s’est cassé la voix à force de chanter ; un autre qu’il s’est abruti par la solitude ou qu’il a perdu, dans le silence perpétuel, l’usage de la parole.
Mais le Christ arrêtera le flot sans fin de ces glorifications : « Quelle est, dira-t-il, cette nouvelle espèce de Juifs ? Je ne reconnais qu’une loi pour la mienne ; c’est la seule dont nul ne me parle. Jadis, et sans user du voile des paraboles, j’ai promis clairement l’héritage de mon père, non pour des capuchons, petites oraisons ou abstinences, mais pour les œuvres de foi et de charité. »
Introduction
Dans l’introduction doivent apparaître les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant : le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature; le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ; la structure du texte, le plan et la problématique.
Ici, il s’agit d’un extrait de L’éloge de la Folie d’Erasme (1511). Cet extrait est une satire des hommes d’Église, de leurs superstitions et pratiques faussement pieuses. Il traite donc des représentants de l’Église et le ton est dénonciateur, critique et ironique comme c’est toujours le cas dans une satire. L’argumentation est basée sur la critique, les paradoxes et l’ironie. Le texte est composé de trois parties : la présentation des hommes d’Église, puis de leurs pratiques pieuses (en apparence) et enfin la réponse de Jésus à ces pratiques et prétentions faussement pieuses. Nous étudierons tout d’abord comment sont présentés et décrits les hommes d’Église, puis le traitement de leurs pratiques pieuses. Dans quelle mesure cet extrait satirique au sujet des représentants de l’Église et de leurs pratiques religieuses propose en réalité un renouvellement de la foi et de l’Église ?
I. La représentation des hommes d’Église
I.1. Le paradoxe : Une des caractéristiques fondamentales des hommes d’Église qu’évoque Erasme est le paradoxe, l’antithèse. Selon lui, ils n’ont de prêtres et de curés que les noms. L’appellation « moine » suppose une bonté d’âme, une modestie, une générosité et une honnêteté pieuses de la part de celui qui la porte. Or dans les faits ils n’ont pas ces qualités morales. La première phrase me semble condenser cette idée : « Voici ceux qu’on appelle ordinairement religieux ou moines, quoique ces deux noms ne leur conviennent nullement, puisqu’il n’y a peut-être personne qui ait moins de religion que ces prétendus religieux » (l 1-3). La formule « qu’on appelle », le terme « quoique » et la succession de négations signalent clairement la fausseté du nom et le paradoxe entre ce nom et ce qu’ils sont. L’hyperbole quant à ce paradoxe le souligne encore plus.
I.2. La critique : Le ton adopté par Erasme pour décrire ces hommes est extrêmement critique. Le texte est une critique acerbe des moines et de leur fausse piété. L’hyperbole au sujet de la fausseté de leur appellation en est un premier élément (nous l’avons vu dans la première sous-partie). Ensuite, nous pouvons évoquer la manière dont il les nomme (« ceux », « La plupart de ces gens-là ») ainsi que le champ lexical de la petitesse (« leurs petites traditions humaines »). Ces éléments lexicaux montrent le mépris de l’auteur envers ces hommes. Il dénonce aussi leur orgueil déplacé et surdimensionné : « La plupart de ces gens-là ont tant de confiance dans leurs cérémonies et leurs petites traditions humaines, qu’ils sont persuadés que ce n’est pas trop d’un paradis pour les récompenser d’une vie passée dans l’observation de toutes ces belles choses. » (l 3-6). De nombreux défauts sont attribués à ces moines : la gourmandise (un péché capital), la fierté déplacée du jeun, l’avarice, la saleté comme un prétexte de vie humble, la sédentarité ou le fait d’être devenu muet par une absence totale de contact humain. L’élément commun de toutes ces attitudes est leur caractère intéressé, or jeûner ou faire vœu de silence n’a de valeur religieuse que si c’est un acte désintéressé. Ainsi, la distance lexicale prise par l’auteur et la présentation critique des défauts des religieux et moines montrent bien que ce texte est une critique des hommes d’Église.
I.3. La satire : L’un des éléments centraux de ce texte est la satire au sujet des « moines » et de leurs pratiques faussement pieuses. La satire se base sur la moquerie de quelque chose qu’on critique, or les moines sont moqués et tournés en ridicule par Erasme. La galerie de portrait dressée par l’auteur est tout à fait caractéristique d’une satire : « L’un montrera sa bedaine farcie de toutes sortes de poissons, l’autre videra mille boisseaux de psaumes, récités à tant de centaines par jour ; un autre comptera ses myriades de jeûnes, où l’unique repas du jour lui remplissait le ventre à crever ; un autre fera de ses pratiques un tas assez gros pour surcharger sept navires , un autre se glorifiera de n’avoir pas touché à l’argent pendant soixante ans, sinon avec les doigts gantés, un autre produira son capuchon, si crasseux et si sordide qu’un matelot ne le mettrait pas sur sa peau ; un autre rappellera qu’il a vécu plus de onze lustres au même lieu, attaché comme une éponge ; un autre prétendra qu’il s’est cassé la voix à force de chanter ; un autre qu’il s’est abruti par la solitude ou qu’il a perdu, dans le silence perpétuel, l’usage de la parole. » (l 9-17). Le comique de cette citation réside dans l’excès des postures : un personnage a une « bedaine », un autre récite des centaines de psaumes par jour tel un fou, un autre se vante de son corps squelettique et de ne rien manger etc. La fierté de ces hommes, à la lumière de l’objet de cette fierté, semble bien ridicule. Il s’agit d’une galerie de portraits satiriques.
II. Les pratiques pieuses
II.1. L’ironie : Le paragraphe qui évoque les pratiques pieuses des moines est totalement ironique. Le ton ironique et grinçant de l’auteur permet une critique encore plus acerbe de ce qu’il dénonce. De plus, l’ironie est un outil central dans une satire. Comme nous l’avons vu dans la partie antérieure, les moines sont moqués par Erasme qui présente avec ironie leurs prétentions au paradis. Un des exemples me semble particulièrement ironique : « un autre se glorifiera de n’avoir pas touché à l’argent pendant soixante ans, sinon avec les doigts gantés ». La précision dans la seconde proposition suggère le vol d’argent destiné à l’Église ou aux fidèles et l’avarice du religieux. Les gants sont synonymes de manipulations, de fausseté et de faux-semblants. Le fait que ces mots viennent du religieux lui-même montre l’ironie mordante d’Erasme. Le mensonge présenté comme vertu a une grande valeur ironique.
II.2. La mise en scène grotesque : Un des éléments originaux de ce texte d’argumentation est la théâtralisation grotesque des moines. L’énumération de pratiques pieuses toutes plus ridicules et grotesques les unes que les autres montre une mise en scène et une organisation du texte de manière à théâtraliser la chute morale des moines. La galerie des portraits est très intéressante pour traiter cet élément, car elle donne vie aux acteurs du texte. L’usage du discours indirect libre permet à l’auteur de matérialiser les personnages et leurs voix dans le texte (« un autre rappellera qu’il a vécu plus de onze lustres au même lieu, attaché comme une éponge ; un autre prétendra qu’il s’est cassé la voix à force de chanter ; un autre qu’il s’est abruti par la solitude ou qu’il a perdu, dans le silence perpétuel, l’usage de la parole. », l 15-17). Ceci a une dimension théâtrale. De même que des marionnettes feraient un geste ou prendraient chacune leur tour la parole dans un théâtre de marionnettes, les moines agissent et parlent chacun leur tour dans le texte. De plus, l’intervention divine de Jésus à la fin du texte (« Mais le Christ arrêtera le flot sans fin de ces glorifications : Quelle est, dira-t-il, cette nouvelle espèce de Juifs ? Je ne reconnais qu’une loi pour la mienne (…) pour les oeuvres de foi et de charité. » l 18-22) clôt cette pièce de théâtre et met en scène la chute des moines faussement pieux. C’est donc bien une mise en scène grotesque de ces personnages.
II.3. La réhabilitation et le renouvellement de la foi et de la piété : Toutefois, il ne faut pas considérer qu’Erasme condamne la religion et la foi. Ceux qu’il condamne ce sont les moines, pas la religion en elle-même. Nous pouvons même penser que ce texte augure la Réforme luthérienne du christianisme dans le sens où il propose un renouvellement de la foi et des pratiques pieuses qui le sont vraiment. L’intervention de Jésus a précisément ce rôle dans l’extrait (« Mais le Christ arrêtera le flot sans fin de ces glorifications : Quelle est, dira-t-il, cette nouvelle espèce de Juifs ? Je ne reconnais qu’une loi pour la mienne ; c’est la seule dont nul ne me parle. Jadis, et sans user du voile des paraboles, j’ai promis clairement l’héritage de mon père, non pour des capuchons, petites oraisons ou abstinences, mais pour les oeuvres de foi et de charité. » l 18-22) : il corrige les erreurs d’appréhension de ce qui est pieux et appelle à un renouvellement de ces pratiques. Il appelle à un retour aux origines du christianisme, à la seule « loi » de Jésus, aux « œuvres de foi et de charité. » Erasme, par le biais de la parole de Jésus, nous propose ainsi une solution au problème qu’il a soulevé ; à savoir la corruption morale des moines.
Conclusion
Dans ta conclusion, tu devras synthétiser les grandes idées du commentaire de manière chronologique. Tout d’abord, revenir sur l’évocation paradoxale, critique et satirique des religieux et des moines par Erasme. Ensuite, souligner le traitement critique et satirique des pratiques faussement pieuses de ces hommes et la proposition d’un renouvellement de la foi et de la charité. Ce texte critique les hommes qui représentent la religion et leurs actions, non la religion elle-même. D’où l’ouverture à la fin du texte concernant la possibilité d’un retour aux origines du christianisme. À ce titre, cette œuvre est considérée comme l’une des influences majeures de la Réforme luthérienne.
La méthodologie du commentaire de texte à connaître pour le bac de français
Méthodologie du commentaire de texte
Avant d’entrer dans les exemples concrets, voici quelques conseils essentiels pour réussir ton commentaire de texte (ou commentaire composé) au bac de français.
- Lire plusieurs fois l’extrait : une première lecture globale pour comprendre le sens, puis une ou deux autres plus analytiques en annotant les éléments repérés dans la marge.
- Repérer la place du passage dans l’œuvre : début, milieu, fin… Cette position influence sa fonction et son intérêt.
- Analyser la structure du texte : montre comment il évolue d’une partie à l’autre (arguments, procédés, changements de ton) pour justifier ton découpage dans l’introduction.
- Étudier les outils d’argumentation (présent de vérité générale, adresse au lecteur, ton rationnel ou émotionnel…) si le texte est argumentatif.
- Construire une problématique pertinente : trouve ce qui rend le texte unique ou intéressant (genre, mouvement, procédés, originalité). Elle doit concerner l’ensemble de l’extrait, pas seulement un passage.
- Organiser son développement : partir d’observations simples pour aller vers une analyse fine. Appuie-toi sur 2 à 3 grands axes bien structurés, sans donner l’impression d’un catalogue.
- Utiliser des mots de liaison (ex. : « tout d’abord », « cependant », « enfin ») et alterner entre l’étude précise d’une phrase et des remarques plus globales.
- Prendre en compte le rythme, la voix du narrateur/auteur et citer précisément le texte pour justifier chaque analyse.
Pour l’introduction du commentaire de texte, présente l’auteur et l’œuvre, situe l’extrait, formule ta problématique, puis annonce clairement ton plan.
Les erreurs à ne pas commettre dans ton commentaire composé
Les erreurs à éviter dans ton commentaire composé
Pour réussir ton commentaire de texte au bac de français, certaines erreurs sont rédhibitoires. Les éviter peut vraiment faire la différence dans ta copie.
- Paraphraser le texte : recopier des phrases bout à bout en les reliant par des mots de liaison n’est pas un commentaire. Ton correcteur attend une analyse personnelle qui croise le texte avec tes connaissances (genre, époque, mouvement littéraire…).
- Ne pas faire de brouillon : écrire au fil de la plume risque de te faire perdre en clarté et en structure. Prends quelques minutes pour noter ton plan (parties, sous-parties, idées clés) avant de rédiger.
- Suivre un plan linéaire : analyser le texte dans l’ordre des lignes montre que tu n’as pas su dégager ses grands axes. Mélange les passages pertinents pour prouver ta compréhension globale.
- Négliger la présentation : une copie soignée, aérée et lisible facilite le travail du correcteur et peut jouer positivement sur ta note. Saute des lignes entre les parties et évite les ratures excessives.
- Ne pas citer le texte : appuie toujours ton analyse sur des citations courtes et précises. Vise environ une dizaine de citations bien réparties dans ton développement pour illustrer tes arguments.
En évitant ces erreurs, ton commentaire composé sera structuré, clair et pertinent, ce qui te permettra de viser une excellente note.
Nos conseils pour réussir ton commentaire de texte
Pour illustrer la méthodologie dont nous venons de te parler, nous te proposons de jeter un œil à la vidéo d’Agathe, professeure de français. Elle te donne tous ses conseils pour réussir au mieux l’exercice du commentaire de texte.
Comment réviser un commentaire de texte ?
Premier point et c’est sans aucun doute le point le plus difficile, comment réviser un commentaire de texte sur un texte qu’on ne connaît pas encore ? On peut bien entendu se dire que si le roman est déjà tombé l’année passée, alors cette année, les chances sont plutôt du côté du théâtre, de la littérature d’idée ou de la poésie… mais finalement, ça ne nous aide pas tant que ça. Il y aura bel et bien des révisions à faire.
Dans un premier temps, nous te conseillons de coupler tes révisions pour l’écrit de français avec celles de l’oral. Eh oui, d’une pierre, deux coups. Tu peux alors réviser en faisant des plans de commentaire composé sur les textes de ton corpus de l’épreuve orale de français. Tu gagnes du temps et de l’énergie.
Autre conseil, tu peux réviser tes textes pour l’oral en classant toutes les remarques que tu fais sur le texte dans un plan. Encore une fois, d’une pierre, deux coups. Tu révises alors l’oral en apprenant à élaborer un plan.
Entraîne-toi à faire des problématiques. Une problématique c’est une question que tu aurais envie de te poser sur un texte. Ni plus ni moins. Alors, pour tes révisions, nous te conseillons de revoir les problématiques vues en classe. Ça te permettra de mieux comprendre comment elles sont construites, mais également de garder à l’esprit des constructions de problématiques pertinentes. Le jour de l’examen, tu pourras alors utiliser une problématique que tu as déjà vue en l’adaptant au texte que tu auras sous les yeux. Lorsque tu réfléchis à ta problématique, tu dois te demander comment fonctionne le texte (pourquoi ce texte me fait peur ? me fait rire ? suscite en moi de la pitié ? de la compassion ?). Si le jour de l’examen, le texte t’en rappelle un autre que tu aurais traité en classe, alors essaie de te souvenir de la problématique qui lui avait été associée. En l’adaptant aux spécificités de celui-ci, bien entendu.
Révise bien les genres littéraires. Si par exemple tu tombes sur un texte de théâtre, alors il faudra que tu parles de spectateur, de mise en scène, de décors ou encore d’accessoires. Chaque genre littéraire est accompagné de toute une panoplie d’éléments marquants qu’il est impératif que tu connaisses.
Comment réfléchir à un commentaire de texte ?
Au moment d’élaborer le plan de ton commentaire de texte, inutile de te demander si l’auteur a véritablement pensé telle ou telle chose, parce que finalement ce n’est pas l’objet de ton commentaire. Ton commentaire de texte analyse les effets produits et non pas l’intention (qu’on ne connaît pas) de l’auteur. Ton travail est de dire comment le texte fonctionne et quel effet il produit sur le lecteur.
Attention, le commentaire de texte n’est pas un commentaire linéaire. Nous en parlerons un peu plus tard dans cet article, mais le commentaire linéaire est un type de commentaire distinct. Le commentaire de texte demandé lors de l’écrit recoupe les informations entre elles pour créer des parties et ne suit pas de façon linéaire le texte (ce qui par contre te sera demandé lors de l’épreuve orale de français).
Dans ton plan, n’hésite pas à dire des évidences. Tu peux par exemple partir sur un I qui plante le décor, qui décrit les évidences (le sens littéral du texte), puis un II qui suppose quelque chose sur les effets produits par ce texte (un sens un peu plus implicite) et enfin un III qui va au-delà de nos explications précédentes, quelque chose qui dépasse ce que l’on a déjà dit.
Sache qu’un plan en deux parties, s’il est bien réalisé, peut largement suffire pour obtenir une très bonne note en commentaire de texte.
Comment rédiger un commentaire de texte ?
Nos conseils de rédaction pour un commentaire de texte (également valable pour une dissertation) ?
Relis-toi toutes les 10 minutes environ. La relecture est une étape importante de la rédaction. Eh oui, une copie truffée de fautes d’orthographe et de syntaxe ferait un très mauvais effet à ton correcteur. Mais pour ça, nous te déconseillons de passer 20 minutes à relire ta copie une fois terminée. C’est déjà trop tard. Au lieu de ça, nous te recommandons de relire ta copie toutes les 10 minutes environ ou bien à la fin de chacun de tes paragraphes. Tu seras beaucoup plus efficace.
Que faire de ton brouillon lorsque tu écris ? Bonne question. Ne perds pas trop de temps à rédiger l’intégralité de ton commentaire de texte au brouillon (c’est impossible en 4 heures), mais utilise-le pour écrire ton plan et les mots-clés qui y sont liés. N’oublie pas ensuite de numéroter tes pages de brouillon, pour ne pas être perdu(e) au moment de commencer ta rédaction au propre.
Attention également à ta présentation. C’est la première chose que va apercevoir le correcteur de ta copie, alors il ne faudrait pas l’agacer avant même qu’il ait commencé à lire ton travail. Veille donc à bien faire des alinéas, à sauter des lignes entre chaque grande partie. Les gros blocs uniques ne raviront pas ton correcteur. Ne t’embarque pas dans des phrases trop complexes, sois clair et concis dans ton écriture.