Marivaux l'île aux esclaves

L’île des esclaves, Marivaux : résumé et analyse

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Bac français 2024. Dans cet article, nous te présentons un résumé et une analyse de L’île aux esclaves de Marivaux, au programme pour la voie technologique.

L’île des esclaves de Marivaux

Qui est Marivaux ?

Né en 1688, Marivaux a 37 ans lorsqu’il écrit L’île des esclaves. De son vrai nom Pierre Carlet Chamberlain de Marivaux, il grandit à Riom dans une famille de la petite noblesse où il reçoit une éducation soignée. Installé à Paris en 1710, il étudie au collège de Beauvais avant de commencer ses études de droit.

On peut dire qu’il est un mondain raffiné, habitué des salons (réunion d’hommes et de femmes lettrés, bourgeois ou nobles à l’origine attirés par les belles-lettres et la poésie, la littérature et le théâtre, et autrefois les arts et les sciences). Il se tourne finalement assez rapidement vers une carrière littéraire et manifeste dans ses premières œuvres son engagement en faveur des « Modernes ». Il s’oppose donc aux « Anciens », partisans des codes d’écriture hérités de l’Antiquité.

Sa carrière débute par l’écriture d’articles pour des journaux et des revues, avant de se consacrer au théâtre et à l’écriture romanesque. S’il écrit d’abord par plaisir, il doit toutefois rapidement en faire son gagne-pain et gagner les faveurs de mécènes (personne riche et généreuse qui aide et soutient financièrement les écrivains, les artistes), ayant perdu sa fortune dans la banqueroute de Law.

Au-delà de l’Île aux esclaves, il connaît le succès avec d’autres œuvres, telles que les pièces Le Jeu de l’Amour et du Hasard (1730), Les Fausses Confidences (1737) ou encore les romans La Vie de Marianne (1731-1742) et Le paysan parvenu (1734).

Marivaux avait un style d’écriture particulier et notable, au point d’en avoir laissé un nom : le marivaudage. Le marivaudage consiste à privilégier les dialogues subtils et les jeux de mots, et est caractérisé par des conversations légères et des scènes de réflexions amoureuses profondes. Comme beaucoup d’autres auteurs de son époque, Marivaux s’empare des questions sociales et politiques du XVIIIe siècle dans ses œuvres, mais aussi au sein des cercles philosophiques des Lumières, qu’il fréquente et où il participait aux débats.

L’auteur meurt finalement en 1763, à l’âge de 75 ans.

N’hésite pas à aller consulter notre article dédié à une autre œuvre de Marivaux, la pièce Les Fausses confidences, qui te permettra d’enrichir tes références !

Résumé de L’île des esclaves

Après un naufrage, des rescapés échouent sur une île. Sur cette île étrange, les valets et les maîtres sont obligés d’échanger leurs habits, leur nom et même leur condition ! Les valets deviennent alors maîtres et inversement. Les premiers sont heureux, car ils peuvent jouir d’une nouvelle vie, faite des plaisirs de leurs anciens maîtres. Toutefois, de l’autre côté, les anciens maîtres sont beaucoup plus amers, car ils ont perdu leurs privilèges.

Alors que l’on pourrait croire que les choses resteraient figées dans cet état nouveau, un renversement va s’opérer. En effet, cette pièce utopique (l’utopie est une représentation d’une société idéale, opposée aux sociétés réelles imparfaites) entraîne un changement de paradigme inattendu. Les ex-valets vont être gagnés par l’empathie et l’émotion face au caractère désemparé des ex-maîtres. Ces premiers vont donner à cette inversion sociale un aspect qui n’était pas prévu.

La pièce se termine sur une reprise du pouvoir par les maîtres et le retour au statut d’esclave de Cléanthis et d’Arlequin ; ce retour à la situation initiale est le propre de la comédie. Le maître Iphicrate reprend son statut de maître et Arlequin reprend son statut de valet, statuts qui avaient été échangés pour un temps, le temps du carnaval.

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Les personnages dans L’île des esclaves

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit point personnages s’impose.

  • Iphicrate : un noble grec qui, avec son valet Arlequin, s’échoue sur l’Île aux esclaves.
  • Euphrosine : une noble grecque qui, avec sa suivante Cléanthis, s’échoue également sur l’île.
  • Trivelin : un esclave de l’île qui sert de guide aux deux nouveaux arrivants, Iphicrate et Euphrosine. Trivelin est également le maître de cérémonie de l’île.
  • Arlequin : le valet d’Iphicrate. Il se retrouve sur l’île avec son maître et est choisi pour devenir le maître d’Iphicrate.
  • Cléanthis : la suivante d’Euphrosine. Elle se retrouve également sur l’île avec sa maîtresse et est choisie pour devenir la maîtresse d’Euphrosine.

Sur l’Île aux esclaves, les rôles sont inversés : les esclaves deviennent les maîtres et les maîtres deviennent les esclaves. Les personnages d’Iphicrate et d’Euphrosine doivent donc apprendre à vivre comme des esclaves et à se soumettre à leurs nouveaux maîtres, Arlequin et Cléanthis. La pièce explore ainsi les thèmes de la liberté, de l’égalité et des rapports de pouvoir entre les différentes classes sociales.

Les grands thèmes de l’œuvre

Pièce sociale, L’Île des esclaves se distingue des autres comédies de Marivaux qui, même quand elles présentent une analyse de la société, comme dans Les Fausses confidences, sont surtout consacrées à l’exploration des sentiments amoureux.

Cette courte pièce en un acte repose sur une prise de position originale du point de vue du sujet, car elle propose d’étudier la relation qui unit le maître à son serviteur. Ce thème est bien sûr présent dans beaucoup de comédies, mais jamais au centre de l’intrigue comme ici. C’est donc bel et bien ce qui fait toute l’originalité de la pièce, et du style d’écriture de Marivaux.

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Le valet

Le parcours lié à cette œuvre dans le cadre du baccalauréat de français invite à étudier la relation entre maîtres et valets. Cette seconde figure désigne un domestique au service d’une personne plus haute dans la hiérarchie sociale. Il accomplit des travaux manuels, agricoles (valet d’écurie ou valet de ferme par exemple), des tâches souvent pénibles. Dans la comédie, le valet est un type de personnage particulier, burlesque, proche du bouffon dans la commedia dell’arte. Mais Marivaux, à la différence de Molière, en fait un personnage plus habile, rusé, astucieux qu’un simple personnage porté sur la boisson.

Le burlesque au service de la dénonciation sociale

L’Île des esclaves s’inspire de la tradition populaire du Carnaval. Cette fête très ancienne repose sur le principe du travestissement : tout le monde se déguise, se masque et fait la fête, sans prendre en considération la position sociale des participants : les rôles sociaux s’inversent le temps des célébrations. L’île, véritable microcosme où règne la fête, et l’amusement permet aussi de mettre en lumière les injustices sociales et les questions liées aux hiérarchies en vigueur et déjà établies.

Cette situation carnavalesque suscite le rire, car elle empêche le maître de jouir de ses droits et de dominer la société. Celui-ci est donc libérateur et subversif (qui renverse ou menace l’ordre établi, les valeurs reçues). On peut trouver des traces de satire (texte qui passe par la moquerie, voire la caricature, pour critiquer un sujet) dans la pièce de Marivaux, héritée notamment des Caractères de La Bruyère.

Ensuite, Marivaux dénonce la cruauté des maîtres à l’égard de leurs valets. Ceux-ci sont victimes de leurs coups de bâton (Arlequin est souvent battu par Iphicrate) ou d’insultes. Le renversement des rôles permet aux maîtres de connaître les conditions difficiles de ceux qui sont à leur service, en proposant de corriger la tyrannie des puissants qui s’exerce sur les plus faibles.

La relation maître-valets

On dénombre au total cinq personnages dans cette pièce, trois ont des noms grecs et les deux autres sont issus de la commedia dell’arte. La commedia dell’arte est un genre de théâtre populaire italien, né au XVIᵉ siècle, où des acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et l’ingéniosité. Le personnage d’Arlequin caractérise un certain type de comique, notamment grâce à l’acte 1 scène 1 où il apparaît sur scène avec sa bouteille de vin accrochée à la ceinture.

Le renversement de rang a ici un double objectif. Le premier est celui de susciter le rire chez les spectateurs/lecteurs par une histoire difficilement concevable au XVIIIᵉ siècle et même encore aujourd’hui. Deuxièmement, il s’agit pour Marivaux de faire réfléchir le spectateur/lecteur quant à cette situation : pourquoi y a-t-il des inégalités sociales et sur quoi se fondent-elles ? Est-ce que les valets peuvent aimer leur maître et réciproquement ? Pour répondre à la première question, l’ordre social se fonde en grande partie sur la naissance, et donc sur le hasard. Cette idée est esquissée par Cléanthis dans la scène VI : « N’est-ce pas le hasard qui fait tout ? ».

Néanmoins, il est à noter que cette critique sociale n’est pas aussi virulente que décrite. Les raisons en sont les suivantes : le comique, et plus particulièrement le burlesque (registre littéraire caractérisé par l’emploi de termes comiques, familiers, voire vulgaires, pour évoquer des choses nobles et sérieuses) sont propices à tourner en dérision cette inversion sociale. Le comique de la farce, agrémenté des plaisanteries souvent grivoises d’Arlequin, mettent davantage à distance cette idée.

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Une origine puisée dans la dialectique maître-esclave

La pièce de Marivaux présente des rapports de force qui s’inversent brutalement ; Marivaux affirme que la vraie valeur d’un homme n’est pas liée à son rang dans la société, mais à la grandeur de ses principes et à son intelligence, qui ne sont pas déterminés par le statut social.

On retrouve cette idée dans Dom Juan de Molière, pièce qui date de 1655. En effet, le valet Sganarelle discute avec son maître pendant une discussion portant sur les croyances et les valeurs. Néanmoins, on voit que la confusion s’instille dans l’esprit du valet, qui perd la partie face à son maître, présenté comme supérieur du point de vue intellectuel. En revanche, en 1784, Beaumarchais renverse cette idée, en montrant un valet plus intelligent que son maître dans Le Mariage de Figaro.

Du point de vue philosophique, Hegel, dans la Phénoménologie de l’esprit (1807), montre que l’esclave est plus libre que le maître en ce que c’est lui qui crée et qui sait créer les objets qu’il utilise, tandis que le maître n’a qu’une attitude passive. Ce dernier fait réaliser par quelqu’un les éléments dont il a besoin. Dans cette perspective, l’esclave, s’appuyant sur le produit de son travail, peut renverser le rapport de domination pour se retrouver dans l’accomplissement du monde humain : l’égalité.

Pour aller plus loin sur le thème de l’utopie

Pendant le siècle des Lumières, le genre de l’utopie envahit les productions littéraires, qu’elles soient théâtrales ou narratives. Elle constitue un instrument de critique indirect de la société contemporaine, en soulignant ses travers, ses limites et ses dysfonctionnements.

Prendre pour décor de la pièce une île afin de mettre en scène un fonctionnement différent de la société par rapport à la réalité correspond à une pratique ancienne. Cela permet de mettre à distance nos propres codes, nos propres repères en les isolant dans un cadre comme parallèle à notre monde. Ainsi, le traité philosophique Utopia, de l’humaniste anglais Thomas More, publié en 1516, décrivait déjà une société idéale sur une île imaginaire.

Par ailleurs, on ne peut évoquer le thème de l’utopie sans parler de Candide de Voltaire (1759). L’image des nobles qui est donnée est caricaturale, tandis que la représentation des esclaves met en avant l’humanité de ces hommes asservis. Les nobles, en particulier le baron Thunder-ten-tronckh, sont idiots, alors même qu’ils sont très fortunés et puissants. De plus, le pays imaginaire dans lequel se rend Candide, Eldorado, est un prétexte pour Voltaire afin de montrer un monde parfait où les richesses matérielles abondent. Cette profusion de matériaux précieux s’accompagne d’un goût prononcé pour la science et la culture, et les antagonismes sociaux (la hiérarchie sociale) n’existent pas.

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Ce que tu dois retenir de L’île des esclaves de Marivaux

Finalement, entre fable contestataire et fantaisie qui relève du carnavalesque, L’île des esclaves bouscule de manière indéniable l’ordre établi. Marivaux pointe de ce fait les travers de son temps et examine sous un jour nouveau les rapports de servitude.

Il ne s’agit pas pour autant d’une pièce politique : elle invite certes à une réflexion autour des positions sociales, grâce à l’inversement des rôles tout au long de la pièce, mais chacun des personnages réintègre au final sa position à l’issue de l’intrigue. Tout rentre dans l’ordre, car les esclaves ont montré qu’ils n’avaient pas tout à fait l’étoffe et les qualités des maîtres, ce qui justifie l’existence d’une hiérarchie et suggère même l’impossibilité d’une société fondée sur l’égalité entre ses membres. C’est une pièce à la croisée de son temps, qui s’inscrit dans l’imaginaire des Lumières, qui influencent grandement Marivaux.

C’est donc toute en subtilité que Marivaux parvient, avec sa pièce de l’Île des esclaves, à proposer une critique argumentée de la société du XVIIIe siècle. C’est aussi une pièce universelle, qui permet de réfléchir à la condition humaine, aux inégalités et aux normes en vigueur. Marivaux propose, tout en amusant son public et ses lecteurs, une réflexion active sur la nature humaine, mais aussi sur des notions générales telles que la liberté, l’émancipation, ou l’égalité entre les hommes.

Les citations à retenir de L’île des esclaves de Marivaux

Une citation, bien expliquée, peut faire la différence dans une copie, alors nous te proposons quelques citations célèbres de l’ouvrage avec l’explication qui convient.

« L’amour-propre ne meurt jamais totalement dans le cœur des hommes, on ne parvient point à l’éteindre tout à fait ; il sommeille dans les esprits les plus paisibles, et il n’attend que l’occasion de se réveiller. »

La courte explication : cette citation met en lumière le thème central de l’amour-propre dans la pièce. Marivaux suggère ici que l’amour-propre, c’est-à-dire l’estime de soi et le souci de sa propre image, est une force persistante chez les individus. Même dans les esprits apparemment calmes, il reste latent et ne demande qu’à être ravivé. Cela souligne la nature universelle et intemporelle de cette caractéristique humaine.

« Il y a de certains malheurs qui ne se peuvent consoler ; le vrai bien ne revient plus, quand on l’a perdu. »

La courte explication : cette citation révèle la tristesse et l’inéluctabilité de certains malheurs. Marivaux suggère ici qu’il existe des pertes qui sont irréparables et qui ne peuvent être consolées. Il fait allusion à la perte d’un véritable bonheur, soulignant que lorsque ce dernier est perdu, il ne peut être retrouvé ou remplacé. Cela exprime une profonde mélancolie et une réflexion sur la condition humaine face aux pertes définitives.

« Il n’est point de bonheur qui ne naisse de l’erreur ou du crime. »

La courte explication : cette citation met en question la nature du bonheur. Marivaux suggère ici que le bonheur véritable naît souvent de l’erreur ou du crime, ce qui implique une transgression des normes ou des règles. Il remet en question l’idée que le bonheur peut être atteint uniquement par des moyens moralement acceptables. Cela peut être interprété comme une critique de la société et de ses valeurs, en mettant en avant que le bonheur peut résider en dehors des chemins conventionnels.

Retiens bien qu’une citation dépourvue d’explication ne fait en rien avancer ton propos, alors assure-toi de toujours bien analyser ce que tu viens de citer.

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Les œuvres au programme du bac de français 2024

Pour terminer cet article, laisse-nous te rafraîchir la mémoire sur les œuvres au programme du bac de français 2024. Cette année, comme les années précédentes, 12 œuvres seront étudiées :

Et pour la voie technologiques, tu trouveras ci-dessous les œuvres au programme :

  • Cahier de Douai, Rimbaud
  • La rage de l’expression, Ponde
  • Mes forêts, Dorion
  • Manon Lescaut, Abbé Prévost
  • Mémoires de deux jeunes mariées, Balzac
  • Sido suivi de Les Vrilles de la vigne, Colette
  • Le Malade imaginaire, Molière
  • L’Île des esclaves, Marivaux
  • Juste la fin du monde, Lagarce
  • Gargantua, Rabelais
  • Les Caractères, La Bruyère
  • Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Gouges

Bonne nouvelle pour toi, nous te proposons une fiche de lecture pour chacune des œuvres que nous venons de citer. De quoi te permettre d’avancer bien vite dans tes révisions. Alors, n’attends plus et consulte sans plus tarder notre site internet.

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