Avant le début du courant des physiocrates, il y avait les mercantilistes, mais aussi quatre autres courants économiques qui se sont succédé, mais aucun ne considérait la nature. C’est avec la critique des mercantilistes en 1695 par Boisguilbert que la nature est reconsidérée en économie. L’apogée arrive avec les physiocrates dont le nom en grec signifie « gouverner par la nature ».
La nature chez les physiocrates
Dans son ouvrage Détail de la France, publié en 1695, Boisguilbert soutient que c’est l’ensemble des biens produits par les agriculteurs qui font la richesse de ce dernier. Dans la même lignée, Pierre Du Pont De Nemours estime que c’est par l’agriculture que se forment les richesses.
Quelques années plus tard, en 1766, dans son ouvrage Réflexions sur la formation et la distribution de richesses, l’économiste incontournable Turgot formalise la loi des rendements décroissants. La loi des rendements croissants stipule qu’au-delà d’un certain seuil, l’augmentation des facteurs de production (travail, capital) entraîne une augmentation plus que proportionnelle de la production. Autrement dit, chaque unité supplémentaire de facteur ajouté génère un rendement marginal supérieur. Cette situation se rencontre souvent dans les premiers stades de production, lorsque l’efficacité augmente grâce à des gains de spécialisation, des synergies ou des économies d’échelle. Cependant, cette phase est temporaire, car elle est suivie par la loi des rendements décroissants, où l’ajout de facteurs produit des gains de plus en plus faibles, voire négatifs, si l’optimisation des ressources est dépassée.
Enfin, chez François Quesnay (qui était d’ailleurs le médecin de Louis XIV pour l’anecdote) : la nature et le pays font un corps, c’est une forme d’organicisme, les échanges sont des globules. D’où sa doctrine, censée fluidifier le sang de la nature par les échanges : « laissez-faire, laissez-passer ».
La nature chez les classiques
La nature perd ensuite de son importance dans le temps. Néanmoins les observations sont toujours faites sur la nature. Ainsi, l’économiste britannique Adam Smith formalise en 1776 le paradoxe de l’eau et du diamant, répondant à la question : pourquoi l’eau a-t-elle moins de valeur que le diamant alors que sa valeur d’usage est inférieure ? Le paradoxe de l’eau et du diamant met en lumière une apparente contradiction dans la valeur des biens. L’eau, essentielle à la vie, a une valeur d’usage extrêmement élevée, mais une valeur d’échange (prix) faible. À l’inverse, le diamant, bien non vital, possède une faible valeur d’usage, mais une valeur d’échange très élevée. L’auteur explique ce paradoxe par la rareté et le coût de production. L’eau est abondante et facilement accessible, ce qui réduit son prix malgré son utilité vitale. Les diamants, en revanche, sont rares et leur extraction coûteuse, ce qui explique leur prix élevé. Ce paradoxe montre que la valeur d’un bien dépend davantage de facteurs économiques (offre, demande, rareté) que de son utilité intrinsèque. Cette réflexion a posé les bases des théories modernes de la valeur, développées ultérieurement par les économistes marginalistes.
En 1817, l’économiste David Ricardo répondra également à cette question en affirmant que c’est parce que le diamant est plus rare (valeur rareté).
Gossen (un auteur pré-néoclassique) répondra que c’est à cause de l’utilité marginale du diamant, qui est plus forte (on arrive vite au point de satiété avec l’eau).
La nature chez Malthus
Malthus est également proche de la nature dans son Essai sur le principe de population, datant de 1798. Dans cet ouvrage, il nous explique que la population augmente à un rythme géométrique alors que la production agricole augmente à un rythme arithmétique (limitée par la loi des rendements décroissants). Dans son Essai sur le principe de population (1798), Thomas Malthus développe une théorie fondamentale sur les limites de la croissance démographique face aux ressources disponibles. Il affirme que la population croît de manière géométrique (par exemple : 1, 2, 4, 8, 16, etc.), alors que la production agricole ne peut augmenter qu’arithmétiquement (par exemple : 1, 2, 3, 4, 5, etc.). Cette discordance mène inévitablement, selon lui, à un déséquilibre entre la demande alimentaire et la capacité de production.
La loi des rendements décroissants renforce cette idée : à mesure que l’on ajoute des facteurs de production (terre, travail), les gains de productivité diminuent. Par exemple, exploiter des terres moins fertiles ou utiliser davantage de main-d’œuvre sur une surface limitée finit par produire des rendements de plus en plus faibles. L’auteur estime que cette situation conduit à des crises naturelles de régulation, comme la famine, les épidémies ou les guerres, qui ramènent la population à un niveau soutenable. Bien que cette vision soit parfois critiquée pour son pessimisme, elle met en lumière les interactions entre la démographie, les ressources naturelles et les limites écologiques. Aujourd’hui, ces principes alimentent les débats sur la durabilité et la gestion des ressources face à une croissance démographique mondiale toujours rapide.
La nature chez les néoclassiques
Le plus proche de la nature est Walras (ouvrage principal : Éléments d’économie pure, 1874) qui pense que, pour une prospérité collective, il faut collectiviser les terres agricoles.
Par ailleurs, les néoclassiques sont de manière générale bien éloignés de la nature, notamment avec leur modélisation de l’économie et une des propriétés des courbes d’indifférence (représentant l’évolution de l’utilité avec la combinaison de deux facteurs) où l’on admet que l’agent économique n’arrive jamais à satisfaire ses besoins.
Pour faire simple, il faut retenir que les économistes néoclassiques perçoivent la nature comme un ensemble de ressources servant à la production économique, valorisées en fonction de leur utilité pour l’homme. Cette vision anthropocentrée considère la nature comme un capital naturel intégré dans le processus productif, soumis aux lois du marché. Les néoclassiques privilégient l’allocation optimale des ressources grâce aux mécanismes de prix et à la rationalité des agents économiques. Cependant, cette approche tend à minimiser les limites écologiques et la dégradation environnementale, en supposant que le progrès technologique et la substituabilité des ressources permettront de surmonter les contraintes naturelles. Cela suscite des critiques des courants écologiques.