La philosophie de la Restauration Meiji, souvent qualifiée de « gouvernement éclairé », s’articule autour d’une série de réformes structurelles visant à transformer le Japon en une puissance moderne, sur le modèle des nations occidentales. Cette transition repose sur trois axes principaux : la centralisation politique, la réforme sociale et la modernisation économique.
Une ouverture progressive et l’émergence du Japon en tant qu’État fort
Depuis 1639, le Japon est un pays qui est en quasi-autarcie pour protéger le pays de l’influence catholique, je te conseille de voir le film Silence de Martin Scorsese réalisé en 2017 pour visualiser cette période. En bref, il y a seulement quelques marchands hollandais sur une île au large de la majorité de la population.
L’auteur Maddisson estime que la situation du Japon est liée au fait qu’il n’y a pas de croissance sans ouverture. En effet, durant cette période, le Japon a une croissance de 0,41% par an de 1820 à 1870, alors que les États-Unis ont une croissance de 4,2%, le Royaume-Uni et l’Allemagne avaient une croissance de 2%, en France celle-ci était de 1,27%. Le Japon avait un taux d’ouverture trois fois moins élevé que celui des autres Latecomers, ce qui explique son retard de croissance et indirectement de développement.
En 1854, le Commodore Perry, un Américain, force l’ouverture de trois ports commerciaux au Japon, dont Nagasaki, pour réaliser des échanges. En 1868, il y a l’ouverture des principaux ports avec l’arrivée de Mutsuhito au pouvoir. Ainsi, en 1871, le Japon signe un accord d’échange avec la Chine. C’est le début de l’industrialisation du Japon.
Cependant, ce début timide fait rapidement face à des difficultés. Effectivement, on observe de faibles surfaces industrialisées, pas ou peu de ressources, des risques sismiques, un relief interne fort… A posteriori, on peut dire que ces difficultés ont été surmontées par l’aide de l’État. D’ailleurs, comme le dit Gerschenkron dans Economic backwardness in Historical Perspective en 1962 : il y a eu un rôle central de l’État dans le cas des Latecomers: et c’est particulièrement le cas du Japon, puisqu’on crée de nouvelles institutions et qu’on favorise le transfert des technologies occidentales.
En parallèle, il y a eu restructuration du système fiscal : 3 % impôt foncier dès 1873 (représentant au début 90 % des recettes, puis 35 % en 1900) puis mise en place de l’impôt sur le revenu en 1887.
À cela s’ajoute une aide extérieure. En effet, il y a, d’abord, une aide des Anglais pour la construction de la première ligne de chemin de fer en 1872 : Tokyo-Yokohama. En 1872, le Japon s’inspire du free banking act des États-Unis (mis en place en 1838), dans ce système les banques sont autorisées à émettre des billets transformables en or. En 1882, il y a la création de la Banque du Japon, elle a été mise en place afin de créer une incitation à la création de banques d’investissements qui financeront les investissements des entreprises et favoriseront la croissance par la suite.
Le Japon et la mise en place de réformes économiques et sociales
D’une part, en 1879, l’école devient obligatoire et ouverte à tous. Entre 1900 et 1908, le Japon instaure une stratégie d’allongement du temps de scolarité, c’est un investissement public en capital humain. En effet, le capital humain est facteur de croissance endogène. On inculque les savoirs occidentaux aux élèves et on en envoie en Allemagne et aux États-Unis pour étudier dans les universités européennes.
D’autre part, le Japon renforce ses investissements dans l’armée pour avoir un poids international important. Les dépenses militaires représentent 31 % des dépenses publiques en 1900, puis 41,9 % en 1910. Le service militaire est alors obligatoire et le nationalisme japonais est de plus en plus exacerbé. Le Japon deviendra une puissance militaire : une alliance anglaise est mise en place en 1902 puis le Japon a une victoire sur la Russie en 1905.
Il y a des technologies occidentales qui se diffusent : textile (filature), industrie lourde (aciers, chantiers navals). On engage des spécialistes occidentaux pour qu’ils viennent sur place : ils sont 500 en 1874. On construit des usines pilotes (filatures, ciment, chimie) pour trouver des innovations. Ces usines sont privatisées dans les années 1880, elles deviendront des zaïbatsus : grandes entreprises japonaises, héritières de l’industrialisation : Mitsubishi ou Nissan.
Concernant les ménages nationaux : l’épargne interne du pays est très forte, les projets sont financés en interne, car les taux étrangers sont trop élevés. Les investissements étrangers sont interdits jusqu’en 1898.
À la fin du XIXᵉ siècle, le Japon exporte des produits manufacturés peu élaborés : tissus de coton, soie. On renforce l’ouverture économique tout en gardant un contrôle : 30 % de droits douaniers sur les produits manufacturés en 1911. Le protectionnisme reste assez fort. Entre 1870 et 1913 : cela permet d’atteindre 2,44 % de croissance moyenne, ce qui constitue un taux de croissance plus fort qu’en France et au Royaume-Uni.
Enfin, il y a une recomposition sectorielle : le secteur primaire diminue pour les industries (il passe de 10,4% du PIB en 1878 à 26,5% du PIB en 1917). Cette recomposition est appelée déversement sectoriel par Alfred Sauvy en 1980 dans La machine et le chômage. Pour l’économiste Morishima, dans Capitalisme et confucianisme (1987) : la convergence rapide du Japon avec les économies européennes est due à des institutions centralisées puissantes. De plus, les Japonais, ont de l’honneur, sont discrets et ont une culture du travail. Ceci a été aidé par une propension pour le travail très forte et un esprit d’épargne important dans le pays.