mutations du travail et de l’emploi

SES : Quelles mutations du travail et de l’emploi ?

À lire dans cet article :

Le travail étant une instance de socialisation en sociologie, analyser les mutations de celui-ci ainsi que de l’emploi, est primordial pour cerner les enjeux futurs de l’organisation du travail et de l’importance de l’emploi. 

 

Distinguer le travail de l’emploi 

Avant même d’analyser les mutations du travail et de l’emploi, il faut déjà savoir ce qui différencie le travail de l’emploi. En effet, l’emploi désigne un travail légal et rémunéré, tandis que le travail désigne l’activité de production de biens ou de services, qui peut être rémunérée ou non, déclarée ou non. Ainsi, le travail ne confère donc pas nécessairement de statut ni de protection. 

 

Analyser les mutations du travail et de l’emploi pour comprendre le chômage et le sous-emploi 

Le chômage 

La notion de chômage est une «  invention récente » (pour reprendre les terme de Robert Salais), elle date du XIXe siècle. Parce que c’est durant cette période qu’apparaît la notion de salariat et la question sociale. Aujourd’hui encore des difficultés de mesure du chômage existent, du fait de frontières encore floues entre l’activité, l’inactivité et l’emploi.

La catégorie du chômage apparaît à la fin du XIXe siècle. L’existence d’un sous-emploi à l’occasion des crises agricoles n’était pas assimilable à du chômage : les ouvriers n’étaient pas vraiment coupés du monde rural. Un grand nombre d’entre eux conciliait une activité industrielle salariée et une production agricole non marchande. À partir de la seconde révolution industrielle, le salariat se développe, dépourvu de protection sociale. Le chômage lors des crises économiques entraîne des conséquences désastreuses pour les travailleurs, ces derniers ne disposant que de leur force de travail pour s’assurer un revenu. Les réformateurs sociaux se penchent sur la question du chômage ; ils cherchent à distinguer les chômeurs de ceux qui ne travaillent pas et à cerner les causes du chômage. Ainsi le concept de chômage moderne fait l’objet d’une « invention » (Robert Salais, L’invention du chômage, 1986). La catégorie statistique de chômeur apparaît en France pour la première fois dans le recensement de 1896. 

Il faut prendre garde aux comparaisons temporelles des taux de chômage, car les statistiques de la période sous-évaluent le chômage parce qu’elles ne prennent pas en compte celui des travailleurs indépendants comme les artisans à domicile, ni celui des façonniers ou des journaliers agricoles. De même le chômage féminin est sous-évalué, les femmes étant souvent déclarées sans profession ou « aides familiaux » dans l’agriculture.

Progressivement, les préoccupations autour du chômage se traduisent par des normes internationales, l’Organisation internationale du travail (OIT) est créée en 1919. 

Le Bureau international du travail ou BIT (secrétariat permanent de l’Organisation internationale du travail ou OIT) a adopté en 1982 une définition du chômage reprise par l’ensemble des instituts statistiques des pays développés. Un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) remplissant simultanément trois critères :

  • absence d’emploi : la personne n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, dans la semaine qui précède l’enquête ;
  • disponibilité : la personne peut occuper un emploi dans un délai inférieur à quinze jours ;
  • recherche active d’emploi : la personne a fait des démarches spécifiques pour trouver un emploi, salarié ou non (par exemple des réponses à des petites annonces, des envois de curriculum vitae). 

En France, l’estimation du chômage est réalisée par deux organismes. L’INSEE calcule le taux de chômage en se basant sur la définition du BIT. Pôle Emploi comptabilise les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM), c’est-à-dire « des personnes sans emploi et disponibles pour en occuper un, qui ont fait la démarche de s’inscrire à Pôle Emploi » : une personne peut donc être chômeur au sens de Pôle Emploi tout en exerçant une activité professionnelle très réduite, insuffisante pour interrompre les droits à indemnisation. Il existe 5 catégories classées de A à E en fonction du type d’emploi occupé (ou non) et des démarches imposées.

II apparaît que les données du chômage fournies par l’INSEE ne sont pas identiques à celles proposées par Pôle Emploi, les divergences s’expliquant en partie par le fait que l’lNSEE adopte des critères plus restrictifs que Pôle Emploi. Les différences peuvent aller jusque 0,5 point de chômage de plus pour Pôle Emploi.

Il n’est pas possible de définir le chômage comme la différence entre l’offre et la demande de travail, car il existe des personnes qui ne sont pas considérés comme étant au chômage mais qui sont dans une situation équivalente au chômage. 

Répartir la population entre actifs occupés, chômeurs et inactifs pose problème du fait de la multiplication des situations aux frontières des trois catégories. Il est ainsi réducteur de définir le chômage comme la différence entre l’offre et la demande de travail. Il existe un halo du chômage qui représente les individus qui ne sont pas considérés comme chômeurs, mais qui sont en situation équivalente à du chômage. 

Ainsi, des personnes sans emploi non classées comme chômeurs souhaiteraient travailler : elles recherchent un emploi, mais ne sont pas disponibles, généralement parce qu’elles suivent une formation, ou parce qu’elles gardent leurs enfants. Les « chômeurs découragés » sont les personnes qui souhaitent travailler, sont disponibles pour le faire, mais qui déclarent ne plus rechercher d’emploi parce que la perspective d’y parvenir leur paraît trop faible.

Le BIT a introduit la notion du sous-emploi pour rendre compte des personnes ayant un emploi, mais qui travaillent à temps partiel en souhaitant travailler plus ou celles qui ont involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple. Elles sont à la frontière entre emploi et chômage.

Parmi les personnes inactives au sens du BIT, 2,0 millions souhaitent un emploi sans être considérées au chômage, parce qu’elles ne recherchent pas d’emploi ou ne sont pas disponibles : elles constituent le halo autour du chômage et cette situation concerne 4,8 % de la part des 15-64 ans. 

Lire aussi : SES : Quelles sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ?

 

Le sous-emploi 

Le sous-emploi est défini par l’INSEE comme un ensemble de personnes actives occupées au sens du BIT qui remplissent l’une des conditions suivantes : 

  • Elles travaillent à temps partiel, souhaitent travailler davantage et sont disponibles pour le faire, qu’elles recherchent activement un emploi ou non ;
  • Elles travaillent à temps partiel (et sont dans une situation autre que celle décrite ci-dessus) ou à temps complet, mais ont travaillé moins que d’habitude pendant une semaine de référence en raison de chômage partiel (chômage technique) ou mauvais temps.

Au premier trimestre 2021, la part du sous-emploi dans l’emploi est stable, à 8,1 %. Elle avait atteint un pic exceptionnel au deuxième trimestre 2020, à 15,7 % dont 10,6 % de personnes en situation de chômage technique ou partiel, puis s’était replié au troisième trimestre. 

 

Les indicateurs à connaître 

Le taux de chômage est le rapport du nombre de chômeurs au nombre d’actifs. Dans ce chapitre, les taux seront toujours donnés au sens du BIT, ce qui permet de faire des comparaisons internationales. Il faut cependant prendre ces comparaisons avec précaution, du fait d’un taux de salariat très différent entre les pays, celui-ci étant bien plus faible dans les PED (en particulier dans les pays les moins avancés) que dans les pays développés. L’économie informelle y est encore importante. 

Une mesure complémentaire est nécessaire pour appréhender la situation de l’emploi dans une économie.

Le taux d’emploi, qui est devenu un indicateur très utilisé, est le rapport du nombre d’actifs occupés et la population en âge de travailler. Plus ce taux d’emploi est élevé, plus l’économie est dynamique. Il reflète la capacité d’une économie à utiliser ses ressources en main-d’œuvre. D’ailleurs, un des axes de la stratégie Europe 2020 (stratégie sur dix ans prenant la suite de la stratégie de Lisbonne, destinée à relancer l’économie européenne (“une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive”), est d’atteindre un taux d’emploi d’au moins 75% (68% aujourd’hui en Europe, 65,5% pour la France et 77% pour l’Allemagne et la Suède).

Le taux d’activité ou taux de participation au marché du travail représente le nombre d’actifs sur la population en âge de travailler.

Ces taux de chômage, d’emploi, ou d’activité, peuvent être calculés pour des catégories plus fines de la population active (jeunes 15-25 ans – séniors 55-64 ans – hommes/femmes – étrangers- niveau de diplôme). Par exemple, le taux d’emploi des jeunes en France est d’un peu moins de 30%. À noter la différence avec certains pays comme l’Allemagne, où ce taux s’élève à 48%.

Lire aussi : SES : Les sources et les défis de la croissance économique

 

L’évolution de la vision du travail et de l’emploi

Le modèle de l’OST

L’organisation scientifique du travail est théorisée par Taylor à la fin du XIXe siècle. Taylor prend appui sur les travaux d’Adam Smith (1776) et des expériences menées dans l’industrie des machines-outils (domaines où la production est fortement standardisée) pour énoncer le taylorisme comme doctrine sociale. Selon lui, l’approfondissement de la division du travail doit permettre des gains d’efficacité productive, mais aussi de réduire la part de la main-d’œuvre qualifiée – avant même la mécanisation – dans le processus de production.

Le taylorisme se fonde sur une division à la fois horizontale et verticale du travail. La division horizontale implique à diviser le processus productif en différentes tâches, dans chacune de ces tâches un ouvrier sera spécialiser, grâce à la répétition du même geste l’ouvrier sera plus performant et va par conséquent produire plus en moins de temps, d’où les gains de productivité. 

La division verticale du travail représente la division hiérarchique : ingénieurs qui ordonne les ouvriers. Les ingénieurs vont établir le « one best way » de production à la chaîne au sein des « bureaux d’études et des méthodes » et vont imposer le respect de celui-ci au sein de l’usine. 

Le taylorisme subit une mutation avec Henry Ford, le fondateur de l’entreprise de construction automobile Ford. Le fordisme s’inspire du taylorisme, mais ajoute une standardisation des pièces et des produits finis, grâce à cette standardisation les gains de productivité augmentent du fait d’une simplification du processus productif. De plus, Ford est le premier à chronométrer la production et à mettre en place la chaîne de montage pour minimiser le temps de production. 

En ce qui concerne la mutation sociale du taylorisme avec Ford, il faut penser à la hausse des salaires instaurée par Ford pour motiver les salariés à être productif. 

Cette organisation se finit par une multiplication des bore-outs.  Le terme de «Bore-out-syndrom » apparaît pour la première fois en 2007 dans les travaux de Philippe Rothlin et Peter Werder. Les auteurs le définissent comme un syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui, le manque de stimulation et d’intérêt. À ne pas confondre avec le « Burn-out » lié à une surcharge de travail et aux responsabilités professionnelles. Une enquête menée en 2008 auprès de 7 pays européens estime que le burn-out toucherait 10 % des salariés contre 32 % pour le bore-out. 

 

Le toyotisme 

L’organisation d’Ohno est fondée sur une stratégie de réduction des coûts et d’adaptation de l’offre à chaque segment de marché. Il s’agit donc de planifier et de prévoir la demande afin de pouvoir l’anticiper. On produit une fois que la commande est faite et non pas l’inverse, cela permet de minimiser les pertes liées aux invendus. La mise en place d’un système de traçabilité (gestion par code barre) permet une production à « zéro stock » et la baisse du coût de stockage des matières premières. Le deuxième pilier du toyotisme est le kaizen renvoyant à la réduction permanente du coût de revient : les équipes sont enjointes à rechercher des innovations organisationnelles permettant de supprimer les temps morts et de réduire le besoin en main-d’œuvre. La coopération des ouvriers est obtenue en indexant leur rémunération sur les suppressions effectives de postes.

Le numérique : cause principale de la mutation du travail de nos jours 

Le numérique vient brouiller la frontière entre temps consacré à la vie privée et à l’activité professionnelle. Grâce au télétravail, les personnes emporte leur travail à la maison, au final il n’y a plus de décrochage, ce qui donne une impression de travailler constamment. Les relations d’emploi sont aussi touché par cette mutation du travail, du fait d’une plus grande polarisation des emplois. Effectivement, le travail des cadres est plus facilement transportable à la maison et donc possible en télé-travail que celui d’un ouvrier.

Cette croissance de l’investissement au travail, provoque une pression et un stress constant, ce qui conduit à des burns-out. 

De ce fait la qualité de l’emploi est, aujourd’hui, une caractéristique à prendre en compte pour l’organisation du travail et de l’emploi. On peut finalement considérer que la qualité de l’emploi renvoie à six principales dimensions qui peuvent être chacune saisie par des indicateurs différents selon les approches :

  • la santé, la sécurité au travail et les conditions de travail ;
  • les rémunérations ;
  • le temps de travail et la conciliation vie professionnelle / vie familiale ;
  • la sécurité de l’emploi et la protection sociale ;
  • le dialogue social et la représentation collective ;
  • la formation tout au long de la vie.

 

Le management participatif ou le lean management

C’est la grande mutation du travail et de l’emploi de ces dernières années. Dorénavant, pour améliorer le bien-être au travail, une considération de chaque partie prenante sera réalisée. Les origines du management participatif sont retrouvés dans les travaux du psychosociologue Lewin consacrés au leadership, c’est-à-dire au mode d’exercice de l’autorité, et à la dynamique des groupes. À partir de diverses expériences, Lewin montre qu’un management fondé sur des méthodes directives plutôt que sur des formes de commandement autoritaires s’avère généralement plus efficace. Dès lors, les directions doivent veiller à instaurer un dialogue et les conditions d’une confiance réciproque qui favorisent la participation des salariés et leur responsabilisation. La convergence des valeurs des membres du groupe, consolide ces caractéristiques et favorise les attitudes coopératives. L’ensemble gagne encore en cohérence lorsqu’un système de motivation et de rémunération adéquat s’applique. Ce type d’organisation contraste à première vue avec les formes de direction bureaucratiques. On apporte un aspect humain et social dans l’organisation du travail à partir des années 1960. 

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