analyse économique firme

Analyse économique de la firme

Au sommaire de cet article 👀

« Ce sont les entreprises qui imposent des produits aux consommateurs, et non l’inverse », c’est ce qu’affirme J-K Galbraith, dans son ouvrage L’Ère de l’opulence publié en 1958. Dans cet article nous allons explorer les différentes visions de la firme.

Les premières analyses économiques de la firme

Dans le modèle néoclassique bifactoriel standard, tel qu’on peut le trouver chez A. Marshall (1890), firme et producteur sont une même réalité indifférenciée : le producteur dispose d’inputs, qu’il se charge de transformer en outputs en essayant d’égaliser Rm=Cm pour maximiser son profit (π=RT-CT) à court terme.

J-S Schumpeter montre dans La théorie de l’évolution économique (1912) que l’entrepreneur, las de la routine du « circuit » et animé par une « joie de créer », met en place des « innovations radicales » (majeures) ; si elles sont un succès, un « essaim d’entrepreneurs » va être attiré par le gain potentiel et chacun va adopter un comportement de suiveur en mettant en œuvre des « innovations incrémentales » (mineures), et l’innovation sera alors diffusée par « grappe » dans l’économie ; cette dernière entrera alors dans « l’évolution ». Schumpeter montre toutefois dans Capitalisme socialisme et démocratie (1942) que la figure de l’entrepreneur tend à s’effacer devant la grande firme bureaucratique, la rationalisation à outrance nuisant à la prise de risque et menant droit au « crépuscule de la fonction d’entrepreneur »

Les théories contractuelles de la firme

La théorie des coûts de transaction et le paradigme entre : firme ou marché ?

Dans « The Nature of the Firm » (1937), R. Coase est le premier à reconnaître une véritable “épaisseur” à l’entreprise. Il montre que si la firme est préférée au marché dans certains cas, c’est parce qu’elle est un lieu de « coordination dirigée » par opposition au marché qui est un lieu de « coordination spontanée ». Ce faisant, elle évite de subir des « coûts de transaction » (recherche, information, négociation, etc.). Il explique également la multitude des firmes par leur « taille critique » : plus une firme est grande, plus elle subit des « coûts d’organisation ».

Williamson reprend ces travaux. Il postule que la firme est une alternative efficace au marché, car celui-ci est le lieu par excellence des asymétries d’information : les individus sont dotés d’une « rationalité limitée » (H. Simon, Administrative Behaviour, 1947), passent des contrats incomplets, font preuve d’opportunisme ex ante et ex post, ce qui au total accroît les coûts de transaction. Les firmes ont donc tout intérêt à se concentrer dans un mouvement d’intégration verticale pour organiser les activités en interne, et ce d’autant plus qu’elles possèdent des « agents idiosyncrasiques » en commun.

Les nouvelles théories néoclassiques des années 1970

A. Alchian et H. Demsetz développent la théorie des droits de propriété (1972) : si le marché est le mode d’allocation des richesses optimal, en revanche dans la production en équipe, seule la firme, supervisée par un individu tout à la fois moniteur  et « créancier résiduel » (propriétaire, pour qu’il soit intéressé par les résultats de l’entreprise), peut éviter le risque de « tir au flanc ». En somme, la définition de « droits de propriété » crée des incitations. Mais les contrats qui relient moniteur/salariés et fournisseur/client sont strictement les mêmes.

Jensen et Meckling (1976) développent la théorie de l’agence : la firme est une « fiction juridique » qui ne fait qu’articuler les contrats entre les agents. Ces contrats prennent la forme d’une relation d’agence : un « principal » (actionnaire) délègue des tâches à un « agent » ; cet agent peut néanmoins faire preuve d’opportunisme ex post dans son travail. Il incombe alors au principal de mettre en place un système d’allocations indexé sur les performances ou de surveillance (« monitoring ») : ce sont des « coûts d’agence ».

Lire aussi : Comment l’entreprise produit-elle ?

La théorie évolutionniste

R. Nelson et S. Winter (1982) établissent que la firme est un « répertoire de connaissances productives collectives » : elle est comme dotée de capacités mémorielles qui se cumulent et forment son patrimoine (ses « routines »), qui se transmet comme des gènes aux travailleurs au cours de leurs interactions entre eux. Mais la firme est également marquée par des éléments de mutation : elle possède une prédestination, une « contrainte de sentier », qui permet sa transformation endogène au cours du temps au gré des innovations et des processus de search ; elle tâche ainsi de s’adapter à son environnement. Les moins aptes disparaissent en vertu du mécanisme de « sélection naturelle ». 

La gouvernance des firmes

Les analyses managériales de la firme

À la suite de la « Grande dépression » des 1930s, un vaste mouvement de concentration se met en place ; la propriété au sein des firmes tend à être dispersée, saupoudrée, entre un grand nombre de managers. A. Berle et G. Means (1932) rendent compte de cette mutation du capitalisme, de ce passage de la firme entrepreunariale à la firme managériale. W. Baumol (1959) fera de ce changement l’expression de l’orgueil des managers, assoiffés non plus de profit (comme les actionnaires) mais de prestige. Ce faisant, ils cherchent à agrandir  la taille de la firme pour bénéficier d’un pouvoir de marché et de pouvoir plus facilement se financer auprès des banques. 

J-K Galbraith explique lui le caractère tyrannique des firmes des 1950s : de par leur poids économique, politique et médiatique, elles peuvent imposer l’achat de certains produits aux consommateurs dans le cadre de la « filière inversée » (L’Ere de l’opulence, 1958) ; cela est rendu possible par l’avènement d’une classe nouvelle dans l’entreprise, la « technostructure », qui tend à effacer les propriétaires (actionnaires) de l’entreprise (Le Nouvel état industriel, 1967).

A. Chandler dans La main visible des managers (1977) dresse quant à lui une typologie des firmes pour rendre compte de cette « révolution managériale » : de la « forme U » (adaptée au modèle fordiste), les entreprises sont passées à une « forme M » dans un souci d’optimisation administrative des tâches de plus en plus diverses et éclatées.

Corporate governance et shareholder : retour de l’actionnaire ?

Mais à partir de la crise des 1970s, la gouvernance managériale de la grande firme industrielle est remise en cause : d’une part parce que les managers avaient pu avoir tendance à abuser de leur situation et avaient perdu de ce fait la confiance des actionnaires, et d’autre part parce que le caractère hiérarchique et bureaucratique laisserait peu de place à l’initiative individuelle. Un retour à l’actionnaire va donc être établi dans le cadre de réformes restées célèbres sous le nom de « corporate governance » : l’idée est de réguler le comportement des dirigeants pour qu’ils soient en conformité avec les intérêts des actionnaires (les « shareholders »). S’inspirant de la théorie de l’agence, on décide alors de mettre en place des mécanismes de contrôle et d’incitation des dirigeants avec notamment le système de stock-options (les dirigeants deviennent propriétaires d’une partie de l’entreprise cotée en bourse, ce qui les incite à accroître leurs efforts pour maintenir le cours de l’action à la hausse). 

Le modèle stakeholder : rééquilibrer la répartition des pouvoirs ?

Mais les scandales financiers tels que l’affaire Enron (2001), Vivendi (2002) ou WorldCom (2003), mais aussi la multiplication des crises financières des 1990s remettent vite en cause ce nouveau système où le capital privé domine. On recherche alors un équilibre dans la répartition des pouvoirs au sein des firmes entre les managers, les actionnaires et les parties prenantes (« stakeholders », E. Freeman, 1984). L’idée est que faire converger les intérêts des parties prenantes avec ceux des dirigeants et des propriétaires est vecteur d’efficacité. Des firmes ont ainsi adopté des « codes de bonne conduite », qu’elles communiquent à l’ensemble de leurs parties prenantes. C’est la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), dans une logique « agir local, penser global » (R. Dubos).

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