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Réforme du lycée : le retour des mathématiques dans le tronc commun ?

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Presque deux années scolaires se sont écoulées depuis la mise en place de la réforme du lycée de 2019. Celle-ci avait notamment mis fin aux traditionnelles séries (L,ES,S), remplacées par des enseignements de spécialités. À la mi-mars 2022, un rapport sur la place des mathématiques dans la voie générale au lycée a été remis à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale.

Ce rapport préconise, entre autres, un renforcement des mathématiques dans le tronc commun dès la rentrée prochaine ainsi qu’une refonte des programmes de mathématiques. Quels constats justifient ces propositions ? Quelles mises en application faut-il attendre concrètement ? Up2school Bac fait le point sur ce sujet brûlant alors qu’un nouveau gouvernement, et probablement un nouveau ministre de l’Éducation, prendra ses fonctions dans quelques semaines, après le second tour des élections présidentielles.

Rappel : la situation actuelle vis-à-vis de l’enseignement des mathématiques

La réforme du lycée déployée à partir 2019 a bouleversé l’organisation du lycée. Avec la remise à plat du parcours des lycéens en voie générale, les mathématiques sont devenues l’un des treize enseignements de spécialité. Chaque élève devant sélectionner 3 spécialités pour la classe de première puis n’en garder que 2 pour la classe de terminale. Les mathématiques font aussi l’objet de deux options (« mathématiques complémentaires » et « mathématiques expertes ») disponibles en classe de terminale et réservées aux lycéens qui auraient déjà suivi la spécialité mathématiques en première.

Les mathématiques restent (marginalement) présentes dans l’emploi du temps des lycéens de la voie générale qui n’auraient pas choisi cet enseignement de spécialité via le tronc commun. En effet, la matière « enseignement scientifique » présente dans le tronc commun regroupe différentes matières scientifiques : les SVT, la Physique-Chimie et les Mathématiques. Ce cours occupe 1h30 hebdomadaire de l’emploi de tous les élèves de Première et Terminale générale et est évalué dans le cadre du contrôle continu. Cet enseignement a pour but de « dispenser une formation scientifique générale pour tous les élèves » (bulletin officiel de l’Éducation nationale).

Les principaux constats du rapport sur la place des mathématiques depuis la réforme de 2019

Le rapport Mathiot, du nom de Pierre Mathiot*, qui en a piloté la réalisation, a été remis lundi 21 mars dernier au ministère de l’Éducation nationale. Neuf experts et un comité scientifique ont interrogé une centaine d’acteurs directement concernés par cette réforme (représentants des professeurs de maths du lycée et de l’enseignement supérieur, syndicats enseignants, lycéens, parents d’élèves ou encore inspecteurs de l’Éducation nationale). Une petite cinquantaine de pages mettent en lumière la place des mathématiques dans la voie générale et les premiers effets de la réforme du lycée.

De manière générale, le rapport alerte sur la nécessité de remettre les mathématiques en centre du jeu, compte-tenu du déclin progressif du niveau en maths et donc de l’augmentation des inégalités entre matheux et non-matheux. Plus précisément, le rapport constate :

  • La forte baisse du niveau des compétences en mathématiques (tendance visible depuis près de 40 ans et déjà présentée dans le rapport Villani-Torossian de 2018) et le recul de la France dans les classements internationaux (PISA notamment).
  • La chute de 18% du nombre d’heures de cours de mathématiques au lycée. En 2018, avant la réforme, il y avait un peu plus de 180 000 heures de cours de maths en première et en terminale, contre seulement 150 000 en 2020.
  • La hausse de la part de lycéens ne faisant (quasiment) plus de mathématiques en terminale. Avant la réforme, ils étaient 13% à ne plus faire de maths (issus de la voie L), désormais, 40% des lycéens n’ont plus accès qu’aux quelques notions de mathématiques dispensées au sein de la matière « enseignement scientifique ».
  • La mise en avant d’une fine poignée d’élèves de très bon niveau en mathématiques et qui se destine à des études scientifiques (ingénieurie, santé, etc.). Si l’on compare avec l’ancienne filière S, cette dernière ouvrait des portes bien plus larges en termes d’orientation post-bac.
  • La surreprésentation des garçons issus de milieux favorisés dans la spécialité mathématiques. Cet enseignement de spécialité est moins choisi par les filles en classe de première (55 % des filles font ce choix contre 75 % des garçons) et elles sont plus nombreuses que les garçons à abandonner cette spécialité en terminale. Elles sont davantage minoritaires encore parmi ceux ayant choisi l’option mathématiques expertes. Par ailleurs, l’enseignement de spécialité mathématiques accueille relativement moins d’élèves issus des catégories populaires.

Les objectifs et préconisations du rapport Mathiot

Le rapport est assez clair sur le sujet :  il convient de replacer les mathématiques au cœur des enseignements dispensés en lycée général en proposant un « programme de mathématiques pour tous ».

Cela doit permettre à tous les élèves de maîtriser en fin de première aussi bien les techniques mathématiques de base que les outils indispensables à la compréhension et la modélisation élémentaire des phénomènes quantitatifs, qu’ils relèvent des statistiques, des probabilités ou de l’analyse.

Les recommandations du rapport sont les suivantes pour la rentrée de septembre 2022

  • Renommer « l’enseignement scientifique » en « enseignement scientifique et mathématique » et mieux articuler les disciplines concernées (SVT, Physique-Chimie et Mathématiques)
  • Accroître le volume horaire dédié à cet enseignement uniquement pour les élèves de première qui ne suivent pas l’enseignement de spécialité mathématiques. Cela se ferait à raison d’1h30 à 2h supplémentaires par semaine afin d’y augmenter la part des mathématiques. Ceci laisserait ainsi 3h30 à 4h hebdomadaire pour ce nouvel « enseignement scientifique et mathématiques ».
  • Atteindre l’objectif de 10 000 filles supplémentaires qui suivraient l’option “Maths expertes” pour accéder à des filières scientifiques dans l’enseignement supérieur. Cela reviendrait environ à 4 filles en plus par lycée.

Les propositions du rapport pour une mise en place à horizon 2023

  • Repenser les programmes de mathématiques au lycée (en seconde, en spécialité de première et en option complémentaire en terminale) pour y inclure un « esprit de culture mathématique commune ».
  • Donner l’accès à « l’enseignement scientifique et mathématique » à tous les élèves de première, y compris ceux ayant choisi la spécialité maths.
  • Ouvrir l’option « maths complémentaires » aux élèves n’ayant pas suivi l’enseignement de spécialité mathématique.

La difficile mise en pratique des recommandations

Jean-Michel Blanquer s’est montré plutôt réceptif aux recommandations du comité pour la rentrée 2022. Il a en particulier annoncé vouloir mettre en œuvre la hausse du volume horaire dédié à l’enseignement scientifique du tronc commun pour ceux qui n’ont pas choisi l’enseignement de spécialité mathématiques.

Toutefois, quelques questions pratiques et logistiques subsistent. La mise en place des préconisations du rapport supposerait l’équivalent de 450 postes de professeurs en plus pour la rentrée 2022, et plus de 1 000 pour 2023. Petit bémol : la répartition des heures dans les établissements est quasi faite et le nombre de place d’enseignants pour les concours est déjà fixé. Conclusion : on ne peut pas recruter de nouveaux enseignants titulaires d’ici septembre.

Le rapport suggère alors de recourir aux heures supplémentaires, mais encore faut-il trouver des professeurs disponibles et volontaires. Les mathématiques sont déjà une matière « en tension », qui peine à recruter des professeurs. On peut toujours se tourner vers les enseignants contractuels, au statut plus précaire, mais qui sont souvent moins bien formés.

Des réactions mitigées et de la prudence chez les principaux concernés

Les réactions ont été nombreuses dans la sphère éducative et la période électorale a renforcé le scepticisme de certains acteurs, ou du moins la prudence, vis-à-vis de ces annonces.

Les principaux syndicats appellent à la prudence

Du côté de l’APMEP (l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public), on déplore le fait de ne pas réintégrer pleinement les mathématiques comme discipline autonome.

Le ministre suggère seulement d’accroître la part des maths dans l’enseignement scientifique dispensé deux heures par semaine – le plus souvent par des profs de physique-chimie et de SVT -, et non de réintégrer pleinement les maths comme discipline autonome au sein du tronc commun. […] On peut craindre que cela ne soit qu’un effet d’annonce pour répondre aux inquiétudes […] Nous allons demander à être reçus très rapidement pour avancer concrètement sur ce dossier.  (Sébastien Planchenault, président de l’APMEP, propos recueillis par l’AFP).

L’APMEP a par ailleurs rappelé dans une récente lettre ouverte aux candidats à la présidentielle l’importance des mathématiques dans la société contemporaine pour relever les nombreux défis. Les maths sont en lien avec de nombreuses disciplines (sciences économiques, sciences sociales, santé et sport, certaines disciplines artistiques) et elles constituent également un enseignement favorisant le développement de l’esprit critique et des capacités de raisonnement.

Les chefs d’entreprise défendent l’importance des mathématiques

Même les patrons des 30 plus grandes entreprises de notre pays ont réagi, à travers une tribune récemment publiée dans Challenges. Les dirigeants d’Orange, Safran, Michelin, LVMH, BNP Paribas, Thales, Publicis ou encore Pernod Ricard déplorent la dégradation du statut des mathématiques suite à la réforme du baccalauréat. Ils rappellent que les maths sont essentielles pour comprendre et répondre aux enjeux économiques, sociaux, digitaux et environnementaux.

Parce que les mathématiques sont incontournables pour la bonne compréhension de l’économie, Parce que la puissance industrielle d’un pays ne peut progresser sans compétences scientifiques, Parce que la transition écologique et digitale réclame davantage d’ingénieurs ­[…] Nous recommandons que le monde académique conjugue la formation mathématique, culture de rigueur, avec la nécessaire conversion des entreprises au digital et aux datas.

Si tu veux en savoir plus sur la réforme du baccalauréat, tu peux consulter cet article qui analyse les avantages et inconvénients de la réforme. Retrouve-nous aussi sur nos comptes Instagram et TikTok.

* Directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot est également l’un des initiateurs de la réforme du bac

Lire aussi : Update du 13 mai 2022 : Jean-Michel Blanquer annonce le retour des maths dans le tronc commun pour la rentrée de septembre

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