L’humour comme forme de critique sociale et philosophique (de Molière à Desproges)

L'humour comme forme de critique sociale et philosophique (de Molière à Desproges)

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Pourquoi rit-on ? Pour se divertir, sûrement. Mais aussi, parfois, pour déranger, dénoncer, réfléchir. Certains auteurs et humoristes transforment le rire en outil de critique sociale et philosophique. Derrière les sourires qu’ils provoquent, ils bousculent nos idées reçues. Cet article explore cette force de l’humour à travers trois figures majeures : Molière, Voltaire et Pierre Desproges.

Rire pour penser autrement

On croit souvent que l’humour sert seulement à faire rire. Pourtant, dans la littérature comme dans les arts, il peut être une arme redoutable. Une arme contre l’hypocrisie, contre les injustices, contre le pouvoir. De Molière, au XVIIe siècle, à Pierre Desproges, dans les années 1980, des auteurs ont utilisé l’humour non pas pour fuir le réel, mais pour le regarder en face et en rire.

L’humour devient alors une forme de critique, à la fois sociale et philosophique. Il fait réfléchir tout en divertissant. Il remet en cause ce qui paraît naturel. Il démasque les faux-semblants. Il déstabilise. Bref, il fait du bien là où ça fait mal.

Molière : faire rire pour corriger les mœurs

Molière (1622-1673) est sans doute le maître du théâtre comique français. Dans ses pièces, il utilise le rire pour montrer les travers de la société de son temps : les médecins ignorants, les faux dévots, les pères autoritaires, les bourgeois prétentieux…

Mais son but n’est pas seulement de divertir. Dans la préface de Tartuffe, il écrit :

« Le but de la comédie est de corriger les hommes en les divertissant. »

Autrement dit, on rit… pour mieux se corriger. Le rire, chez Molière, devient une forme de morale déguisée, qui ne donne pas de leçons de manière directe, mais qui montre les défauts de chacun pour les faire évoluer.

Prenons Le Tartuffe : la pièce dénonce l’hypocrisie religieuse, à travers un personnage qui se cache derrière la foi pour manipuler un homme crédule. Ce qui est drôle, c’est l’excès de confiance du père Orgon envers le personnage éponyme et les situations absurdes. Mais ce qui est sérieux, c’est le message : attention à ceux qui se servent de la religion pour dominer les autres.

Dans Le Malade imaginaire, c’est la médecine de son époque que Molière attaque. À travers le personnage d’Argan, hypocondriaque obsédé par sa santé, il dénonce la crédulité des malades et l’avidité des médecins, plus intéressés par l’argent que par le bien-être de leurs patients. La comédie devient ainsi une critique de la médecine comme institution, mais aussi un portrait ironique de ceux qui s’inventent des maladies pour se sentir exister. Molière y mêle humour, satire sociale et regard lucide sur la peur de la mort.

Molière fait donc de l’humour un outil de pensée critique. Il amuse pour mieux faire réfléchir. Il reste, des siècles plus tard, un modèle de ce qu’on peut appeler un humoriste philosophe.

Voltaire : l’ironie contre le fanatisme

Au siècle suivant, Voltaire (1694–1778), philosophe des Lumières, reprend le flambeau. Son humour est moins théâtral, mais plus ironique, plus mordant. Dans Candide (1759), il critique la guerre, l’Inquisition, l’esclavage ou encore l’optimisme naïf de certains penseurs.

Voltaire écrit :

« Il faut cultiver notre jardin. »

Cette phrase célèbre conclut Candide et résume sa vision : mieux vaut agir avec modestie que rêver à des systèmes parfaits. Le roman tout entier est une démonstration par l’absurde. Candide traverse des catastrophes, rencontre des personnages caricaturaux, et finit par comprendre que la vraie sagesse est dans le concret.

Ici, l’humour n’est pas là pour consoler, mais pour réveiller. Voltaire utilise le rire comme arme philosophique, pour dénoncer la violence de son époque et les mensonges qui la justifient. L’ironie devient une forme de lucidité.

Pierre Desproges : un humour noir pour penser librement

Sa devise aurait pu être :

« On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. »

Pierre Desproges (1939–1988) est l’un des humoristes les plus brillants et provocateurs du XXe siècle. Il est connu pour son humour noir, son sens de l’absurde et son intelligence mordante. Mais derrière ses blagues, se cache une critique acide de la société, des médias, du racisme, de la lâcheté humaine.

Dans ses chroniques radiophoniques ou ses sketchs (Le Tribunal des flagrants délires), Desproges joue avec les limites du rire. Il n’a peur de rien : ni de parler de la mort, ni d’évoquer les camps de concentration, ni de moquer les puissants. Mais toujours avec une précision d’écriture et une réflexion éthique.

Il ne cherche pas à choquer gratuitement. Il met en scène l’absurde pour mieux dénoncer l’inhumanité. Dans un de ses textes, il dit :

« Les étrangers sont des cons, la preuve : ils ne parlent même pas français. »

Bien sûr, ce n’est pas son opinion. C’est un exemple d’humour par l’absurde, qui vise à dénoncer le racisme ordinaire. Ce genre de formule nous fait rire… mais nous pousse aussi à réfléchir sur nos préjugés.

Desproges s’inscrit ainsi dans une tradition d’humour critique et philosophique, qui va bien au-delà du divertissement. Il nous fait rire intelligemment.

L’humour : une forme de liberté

Ce que Molière, Voltaire et Desproges ont en commun, c’est cette idée que le rire peut libérer. Il permet de regarder la société autrement, de dénoncer ce qui ne va pas, de faire passer des idées sans discours moralisateur.

Mais c’est aussi une forme de courage. Faire rire peut déranger. Cela peut même être dangereux. Molière a vu certaines de ses pièces censurées. Voltaire a été emprisonné. Desproges a souvent été attaqué pour ses propos jugés « limites ». Tous ont utilisé l’humour pour faire reculer les frontières de la pensée, pour remettre en question ce qui paraît « normal » ou “naturel“.

Et aujourd’hui ?

L’humour critique existe toujours. Des artistes comme Guillaume Meurice, Blanche Gardin, Florence Foresti, Gaspard Proust ou Haroun utilisent leurs spectacles pour parler de politique, de religion, de genre, de société… Certains préfèrent le stand-up, d’autres le théâtre ou les chroniques radio. Mais tous ont en commun cette volonté d’interroger notre époque par le rire.

Cependant, dans un monde très connecté et souvent polarisé, l’humour devient un sujet sensible. Peut-on rire de tout ? Avec qui ? Jusqu’où ? Ces questions sont au cœur des débats contemporains. Elles montrent que l’humour n’est jamais neutre : il engage celui qui parle… et celui qui écoute.

Conclusion : penser en riant, c’est résister

L’humour, loin d’être superficiel, peut être une forme profonde de lucidité. Il permet de mettre à distance la violence du réel, de dénoncer les abus, de poser des questions philosophiques sur la vérité, le pouvoir, la liberté.

De Molière à Desproges, les humoristes les plus puissants sont ceux qui ne se contentent pas de faire rire, mais qui nous obligent à penser. Leur parole est un miroir, parfois déformant, mais souvent révélateur.

Rire, alors, n’est pas fuir la réalité : c’est la regarder autrement.

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