Les figures du mentor : transmission et formation dans les romans d’apprentissage

Les figures du mentor : transmission et formation dans les romans d'apprentissage

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Dans les romans d’apprentissage, la figure du mentor est centrale : guide moral, éducateur, ou compagnon de route, il accompagne le héros dans sa quête identitaire et son entrée dans le monde adulte. Ces figures incarnent la transmission de savoir, de lucidité ou de valeurs tout en structurant l’évolution du protagoniste. De Goethe à Colette, de Samuel Beckett à Victor Hugo, ces mentors symbolisent la force transformatrice de la rencontre.

Le mentor comme guide moral et intellectuel

Wilhelm Meister de Goethe : M. Walther et Mignon

Dans Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister (1795‑96), Wilhelm cherche sa place dans le théâtre et la société. Il croise M. Walther, un homme cultivé qui lui ouvre l’esprit à la poésie, à l’art et à la réflexion sur soi. Par ses lectures, ses conseils et ses rencontres, Wilhelm apprend à distinguer la superficialité du spectacle de la profondeur de l’âme. La figure du mentor permet ainsi la conscience de soi et la maturation intellectuelle.

Mignon, jeune fille énigmatique, incarne quant à elle une sorte de mentor mystique : son chant et sa souffrance éveillent chez Wilhelm une sensibilité nouvelle. Les deux figures sont complémentaires : l’une pédagogique et l’autre poétique.

Le Rouge et le Noir de Stendhal : M. de la Mole

Dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, M. de la Mole joue un rôle essentiel de mentor pour Julien Sorel, jeune provincial ambitieux. En l’accueillant comme secrétaire, il lui ouvre les portes de l’aristocratie parisienne et l’initie aux codes sociaux du pouvoir : retenue, stratégie, jeu des apparences. Ce n’est pas seulement une éducation intellectuelle, mais un apprentissage politique, fondé sur l’art de la diplomatie, de la dissimulation et de la maîtrise de soi.

Grâce à M. de la Mole, Julien Sorel apprend à évoluer dans un monde où l’intelligence ne suffit pas : il faut savoir manipuler les signes, les mots et les hiérarchies. Mais cette transmission est ambivalente. Elle révèle les contradictions entre l’ambition de Julien Sorel et ses valeurs profondes. En l’élevant socialement, le mentor l’engage dans un conflit intérieur : réussir au prix d’une forme de renoncement à soi. Ce mentorat stratégique met ainsi en lumière les limites morales de l’ascension sociale dans un monde fondé sur l’hypocrisie.

Le mentor comme éveilleur de conscience

Les Misérables de Victor Hugo : Jean Valjean et l’évêque Myriel

Dans ce roman colossal, Jean Valjean est transformé par une rencontre-pivot : celle de l’évêque Myriel, qui lui tend un geste de grâce radicale en lui offrant les chandeliers d’argent. Ce geste, symbolique et spirituel, marque le départ de la métamorphose de Valjean : il devient honnête, généreux, animé par une mission morale. Valjean devient alors à son tour mentor pour Cosette ou Marius, répétant la chaîne de transmission.

M. Myriel incarne un mentor spirituel, transmettant non des savoirs techniques, mais un idéal moral puissant : l’espérance en l’homme par la miséricorde.

David Copperfield de Dickens : M. Micawber et Peggotty

Dans ce roman d’apprentissage emblématique, David rencontre plusieurs figures tutélaires. M. Micawber, avec son optimisme farfelu mais sa fidélité sans faille, enseigne à David la persévérance face aux obstacles. Peggotty, la belle-sœur, représente un attachement stable, une affection sans condition, qui ancre David dans la loyauté et la compassion.

Ces mentors montrent que la transmission ne se fait pas uniquement par l’enseignement académique, mais par l’exemplarité et la constance affective.

Le mentor comme initiation au monde

Colette, Claudine à l’école, figure de la maîtresse

Dans Claudine à l’école (1900), Colette décrit Claudine, jeune fille vive et provocatrice, éprise de liberté. La maîtresse, madame Sergent, est une avatar du mentor scolaire : sévère, ironique, mais capable d’éveiller chez Claudine une conscience du pouvoir et de l’ambition. Elle lui enseigne les règles de l’institution, les limites de la rébellion, et finalement les stratégies pour s’élever socialement par son charme d’intelligence.

Le mentor devient ici un canal de socialisation aux normes sociales.

En attendant Godot de Beckett (mentorat impossible)

Même si Beckett n’écrit pas un roman d’apprentissage, dans En attendant Godot, Pozzo et Lucky incarnent une relation de tutorat absurde : Lucky, enchaîné, subit un savoir imposé, tandis que Pozzo exerce un pouvoir sans bienveillance. Cette délégation autoritaire est une parodie de transmission : sans lien moral ni éducatif, ce mentorat produit une soumission paradoxale. Beckett invite à réfléchir à ce qui fait vraiment mentorat : la transmission exige libre consentement et dignité.

Les enjeux moraux et narratifs du mentorat

Transmission des savoirs intellectuels et stratégiques

La figure du mentor dans les romans d’apprentissage ne se limite pas à la simple fonction d’enseignant : elle incarne un vecteur essentiel de transformation, tant sur le plan intellectuel que moral. En effet, les mentors permettent au héros d’acquérir des savoirs nécessaires à son intégration dans le monde adulte, mais également de se forger une boussole éthique. Cette transmission peut prendre des formes très différentes. Dans Wilhelm Meister de Goethe ou Le Rouge et le Noir de Stendhal, le mentor joue un rôle intellectuel et stratégique : M. Walther initie Wilhelm à la beauté des arts, à la pensée et à la réflexion personnelle, tandis que M. de la Mole enseigne à Julien Sorel les subtilités du pouvoir social, lui montrant comment se mouvoir dans les cercles de l’aristocratie. Ici, le mentor est un accélérateur de maturité, il transmet des savoirs mais aussi des outils pour s’élever socialement.

Le mentor comme modèle moral

Cependant, tous les mentors ne se contentent pas d’être des pédagogues : certains incarnent de véritables modèles moraux. L’évêque Myriel dans Les Misérables de Victor Hugo en est l’exemple le plus frappant. Par un geste d’une immense générosité (offrir ses chandeliers à Valjean et ne pas le dénoncer), il initie chez lui une révolution intérieure. Ce moment de grâce transforme un ancien forçat en homme juste, porteur à son tour de valeurs de bonté, de pardon et d’amour. La chaîne de transmission morale s’illustre alors dans la manière dont Jean Valjean devient lui-même un guide pour Cosette et Marius, rejouant le rôle de mentor qu’il a reçu. Cela montre que le mentor peut devenir une figure fondatrice de la conscience éthique du héros.

L’ambiguïté ou la défaillance du mentor

Mais cette figure peut aussi être ambiguë, voire défaillante. Dans En attendant Godot de Samuel Beckett, la relation entre Pozzo et Lucky caricature le lien entre maître et élève : Lucky est dominé, maltraité, forcé à réciter un savoir absurde, tandis que Pozzo exerce un pouvoir autoritaire sans transmission réelle. C’est une parodie cruelle du mentorat : Beckett suggère qu’un savoir imposé sans respect ni dialogue ne mène pas à la formation, mais à la soumission ou à la perte de sens. Cette représentation pousse à s’interroger sur ce qui fonde un vrai mentorat : l’échange doit être libre, bienveillant, et viser à rendre l’autre autonome.

Le mentor comme révélateur du réel

Enfin, dans certaines œuvres, le mentor est un catalyseur de lucidité, comme la maîtresse dans Claudine à l’école de Colette. Claudine, élève brillante et rebelle, observe avec ironie les travers de l’adulte (ses manipulations, ses contradictions) mais finit aussi par en comprendre les logiques. Le mentor, ici, n’est pas un modèle à suivre, mais un miroir du réel, qui enseigne par le décalage, la confrontation, parfois même par la déception. Ce type de mentor révèle que la transmission peut naître d’un regard critique, et que grandir signifie aussi se forger un jugement personnel face aux figures d’autorité.

Conclusion

La figure du mentor, récurrente dans les romans d’apprentissage, structure la formation du héros. Elle permet la transmission de savoirs et de repères, mais aussi l’éveil éthique et social. Les œuvres de Goethe, Victor Hugo, Dickens, Colette, ou même les fictions absurdes de Beckett, démontrent que le mentorat peut se décliner en figures contrastées.

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