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HGGSP : l’alimentation, un marché intégré dans la mondialisation

À lire dans cet article :

Dans cet article, nous revenons avec toi sur l’alimentation pour nourrir le monde et sur sa capacité à s’intégrer au marché de la mondialisation.

Le 15 novembre 2022, l’humanité a franchi le seuil symbolique de 8 milliards d’êtres humains sur Terre. Au même moment, se tient en Égypte, à Charm el Cheikh, la COP27, où les pays du monde entier se réunissent pour tenter de répondre au changement climatique et de limiter la hausse moyenne de la température à la surface du globe à +2°C[1] d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle (XIX). Or, l’agriculture est responsable de 23% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, et subit de plein fouet les conséquences du changement climatique (augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes extrêmes comme les sécheresses, les inondations notamment). Dès lors, comment parvenir à nourrir une population toujours plus nombreuse d’une part, de 8 milliards d’êtres humains aujourd’hui et probablement 11 milliards en 2050, tout en réduisant l’impact et la vulnérabilité de l’agriculture au changement climatique d’autre part ? Cet article aborde le caractère mondialisé de l’agriculture intégrée, avant qu’un quatrième et dernier article ne termine la série, en traitant des problèmes majeurs que pose cette agriculture intégrée.

La mondialisation alimentaire et ses paradoxes

Les échanges agricoles entre pays (400 millions de tonnes par an rien que pour les céréales[3]) sont à la fois très importants en volume et en valeur (estimée en $, d’autant plus lors des crises alimentaires qui voient une flambée des cours mondiaux), ce qui fait de l’agriculture un secteur majeur de l’économie mondialisée, bien qu’une majorité de la production destinée à la consommation alimentaire ne soit pas exportée à l’échelle mondiale. On distingue d’un côté de grands exportateurs : les USA sont en 2017 le premier exportateur de céréales, devant l’Ukraine, l’Argentine, la Russie, le Brésil, le Canada, la France et l’Australie. De l’autre côté de grands importateurs, avec le Japon en 1er (car du fait de ses sols et de l’organisation de son économie ne pouvant pas subvenir à ses besoins alimentaires) devant le Mexique, l’Égypte, la Chine et l’Arabie Saoudite.

Cette mondialisation alimentaire renferme un paradoxe majeur : la FAO indiquait en 2014 que « la production augmente plus vite que la demande et nous pouvons nourrir 9 milliards de personnes, mais nous gaspillons 1/3 de la production uniquement lors de la transformation et de la distribution (transport)[4] bien que la majorité de la production agricole n’est pas échangée » (mais consommée sur place). En effet, si les échanges agricoles regroupent aussi les échanges internes aux pays, seulement 8% de la viande est échangée internationalement[5], seulement 15% du blé (pourtant première production agricole échangée dans le monde) et 30% du sucre.

Lire aussi : HGGSP : les enjeux alimentaires

Les évolutions de la mondialisation alimentaire

Les marchés agricoles sont toujours dominés par les USA et l’Europe, mais on assiste à un essor de la Chine, du Brésil et de l’Indonésie, pays émergents. Ces échanges agricoles représentent en valeur 10% des échanges internationaux de biens[6]. Par exemple, le café est le 2ème produit échangé dans le monde en valeur, pour 11 milliards d’euros (le premier étant le pétrole).  Or, cette commercialisation agricole est souvent oligopolistique[7]. Toujours sur le café, sept firmes (comme Nestlé ou Lavazza) achètent la moitié de la production mondiale.

L’internationalisation de ces marchés agricoles et l’augmentation des exportations à l’échelle mondiale ont été favorisées par l’abaissement des droits de douane (plus tardif que pour les produits manufacturés) qui a été particulièrement poussé par le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, depuis 1947 et ancêtre de l’OMC, créé en 1995 et qui a pour but de favoriser les échanges internationaux en abaissant les droits de douanes, ou taxes sur les importations aux frontières) à partir de 1986, lors de l’ « Uruguay round ». Cependant, ces taxes douanières sur les produits agricoles sont toujours en moyenne plus élevées que sur les produits manufacturés, montant à 20% du prix en moyenne à l’échelle mondiale.

Depuis 2004, la hausse des prix (tirés notamment par la demande croissante de la Chine, dont le développement engendre des mutations du régime alimentaire) attire les capitaux (et les investisseurs derrières), d’où d’une part l’augmentation du landgrabbing (voir article sur les systèmes agraires), mis en place par des agro-holdings et en parallèle l’essor de structures capitalistiques à salariés[8], qui représentent désormais ¼ des terres cultivées dans le monde (dont 1/3 en Amérique du Nord et la moitié en Amérique du Sud).

Cette agriculture intégrée s’insère dans une chaîne à bien plus forte valeur ajoutée. En amont (fournisseurs de semences, d’engrais chimiques et de pesticides), les secteurs sont fortement concentrés : dix firmes représentent la moitié de la production phytosanitaire (chimique), avec notamment Bayer-Monsanto, Dupont et Syngenta. En l’aval (transformation et distribution), les firmes, et notamment celles de la grande distribution, tiennent un rôle croissant dans le pilotage de filières, avec la mise en place de centrales d’achat (par exemple Global Nextchange, regroupant plusieurs acheteurs) qui imposent leurs prix aux agriculteurs. Cela favorise le fait que pour l’agriculture intégrée, les profits bénéficient surtout aux entreprises agissant en amont et en aval de la production plus qu’aux agriculteurs.

[1] L’accord de Paris de 2015 (COP21) prévoyait une limitation de la hausse à +1,5°C dans le meilleur des cas, mais cet objectif n’est déjà plus atteignable d’ici 2100 sept ans plus tard, en 2022, mettent en garde les scientifiques.

[2] Par exemple, la hausse de la consommation mondiale de viande implique non seulement d’élever plus de bétail, mais aussi d’augmenter les surfaces de production de céréales pour nourrir ce bétail supplémentaire.

[3]   Sur une production céréalière annuelle d’environ 2600 millions de tonnes.

[4]  Le gaspillage défini ici par la FAO ne prend donc même pas en compte les déchets des foyers (consommateur final).

[5] C’est-à-dire passer d’un pays à un autre.

[6] On n’inclut donc pas ici les services, dont les échanges sont plus compliqués à mesurer. Les matières premières (qui comprennent matières premières agricoles, mais aussi énergétiques et minières) représentent, elles, au total 1/3 des échanges internationaux de biens.

[7] Ce qui signifie qu’un petit nombre d’acteurs agissent sur ces marchés, ce qui leur permet de les contrôler plus facilement (on parle d’ « oligopole »).

[8] Ce modèle d’exploitation agricole s’opposant à celui traditionnel de l’agriculture familiale.

 

Lire aussi : HGGSP : la géopolitique des matières premières

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