Enjeux alimentaires, arme géopolitique

HGGSP : les enjeux alimentaires

Au sommaire de cet article 👀

Quels sont les grands enjeux alimentaires dans le monde ? Combien de gens souffrent encore de malnutrition aujourd’hui ? Comment les exportations agricoles peuvent-elles être utilisées comme une arme géopolitique ? Autant de questions auxquelles cet article tente de répondre ! Nous faisons le point avec toi sur les enjeux alimentaires de nos sociétés contemporaines.

Une pression grandissante

Si les progrès agricoles ont été considérables, la demande en produits alimentaires ne cesse de croître, ce qui renforce la pression sur les ressources agricoles et animales. Cette augmentation de la demande en productions agricoles est principalement due à trois facteurs. Premièrement, l’augmentation de la population mondiale, qui devrait passer de 7,7 milliards d’individus en 2022 à 10 milliards en 2030. Deuxièmement, l’augmentation globale du niveau de vie : la proportion de travailleurs vivant dans l’extrême pauvreté (moins de 1,90$/jour) est passée de 36% en 1990 à 10% en 2015.

Ainsi, la consommation de céréales augmente chaque année (de 3,2% en 2014). L’Asie est au centre de ces deux dynamiques par sa croissance démographique et économique. Troisièmement, les productions agricoles sont de plus en plus dédiées à des usages non alimentaires, notamment les agro-carburants (carburants produits à partir des productions agricoles). C’est le cas pour 40% du maïs cultivé aux États-Unis. Cette pression par les agro-carburants fait monter les prix des céréales, ce qui constitut un piège pour les populations les plus pauvres. Elle favorise également le landgrabbing (ou accaparement des terres, qui désigne l’acquisition légale et parfois controversée de grandes étendues de terrain).

Bien qu’insuffisants, des progrès considérables ont été réalisés en termes de production agricole. Ces progrès reposent sur trois piliers : la protection sociale des plus pauvres, le soutien à la production familiale et la lutte contre les carences infantiles. Ainsi, le nombre de personnes souffrant de la faim (ou sous-alimentées) dans le monde est passé d’un milliard en 1990 à 678 millions en 2019 (avant de remonter à 828 en 2021 avec la crise du Covid (soit plus d’une personne sur dix), la guerre menée par la Russie en Ukrainerisquant d’aggraver la situation actuelle). Cette diminution concerne en particulier l’Asie (qui concentre encore 2/3 des cas), alors que le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté en Afrique, de 170 millions à 278 millions entre 1990 et 2021. 72 pays en développement (sur 129 suivis par la FAO) ont réussi à réduire de moitié la proportion de personnes souffrant de la faim, conformément à l’Objectif de Développement Durable des Nations Unis.

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Les défis alimentaires, entre persistances et mutations

Si la production agricole a connu des progrès majeurs, accélérés à partir des années 1990, la faim reste un problème d’actualité. En effet, la sous-alimentation touche encore un humain sur dix. En 2019, 50 pays étaient en situation d’insécurité alimentaire, ou « l’impossibilité ou la peur de ne pas avoir accès à tout moment à une alimentation suffisante, saine et nutritive » pour la FAO (Food and Agricultural Organisation, organisation spécialisée du système des Nations Unies). Et un tiers des enfants des pays en développement sont en insuffisance pondérale ou retard de croissance. De plus, la malnutrition a un coût pour l’économie mondiale (évalué à 5% du PIB mondial, ou 3 500 milliards de dollars), à cause de la perte de productivité et des coûts des soins de santé générés. Enfin, la malnutrition accroît les flux migratoires : selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), une hausse de 1% du nombre de sous-alimentés dans le monde entraîne une augmentation de 2% des flux migratoires.

Si la faim est un problème persistant, un nouveau défi alimentaire a vu le jour avec la société de consommation. La malnutrition a pris une nouvelle dimension : en plus des carences, elle recouvre désormais les excès et les déséquilibres dans l’apport énergétique d’une personne. Ces excès ou déséquilibres sont la conséquence de la transition alimentaire, qui désigne le remplacement de l’autoproduction rurale (production à l’échelle de l’exploitation ou du village) par l’alimentation industrielle (transformation des produits agricoles et/ou commercialisation de produits standardisés dans des supermarchés, la transition alimentaire étant liée à l’urbanisation). Ils favorisent le surpoids, qui touche 1,9 milliards de personnes (39% des adultes), dont 650 d’adultes obèses (340 millions d’adolescents et 39 millions d’enfants). Leur nombre a été multiplié par quatre dans les pays en développement, du fait de la surconsommation de graisses et sucres, très présents dans les produits alimentaires transformés par l’industrie.

Enfin, les problèmes de sécurité sanitaire (mort par intoxication alimentaire) persistent (bien que réduits), tuant encore 3 millions de personnes par an, ce qui renforce les exigences pour les systèmes de traçabilité et de surveillance à l’échelle mondiale (voir le scandale de la vache folle ou la grippe aviaire).

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Les enjeux alimentaires, une arme géopolitique ?

Pour renforcer la sécurité alimentaire et éradiquer la faim dans le monde, le rôle des pouvoirs publics est limité. Cette difficulté résulte notamment de la multiplicité des acteurs présents dans le système alimentaire : agriculture, industrie, commerce, acteurs de la santé publique, de l’environnement, de la recherche, de l’éducation, de la protection sociale…D’où la possibilité de crises alimentaires, comme en 2008 : les prix des denrées alimentaires avaient flambé du fait de la croissance de la demande asiatique, engendrant des émeutes de la faim (au Mexique et en Egypte notamment, plus largement en Afrique, en Amérique latine et en Asie).

Pour la FAO, cette crise révélait l’essoufflement d’un modèle fondé sur la division du processus productif alimentaire (entre l’agriculteur, l’industrie et le commerce) et les problèmes de répartition des produits agricoles, alors qu’un tiers de la production mondiale (qui pourrait en théorie nourrir 9 milliards d’humains) est jetée avant même d’être commercialisée. Pour la FAO, la solution passe par l’amélioration de l’offre locale, les marchés internationaux ayant montré leurs limites. Ainsi, la mise en place du Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) en 2011 par le G20 (Groupe des premières puissances mondiales) a permis d’améliorer considérablement la coopération entre les principaux pays concernés par les marchés de céréales, en rendant plus transparent leur fonctionnement et en encourageant la constitution de stocks préventifs pour éviter de trop fortes tensions.

Pourtant, face aux difficultés de retrouver une production locale généralisée avec l’urbanisation croissante du monde (les villes n’ayant pas la place de produire tous leurs besoins alimentaires), les prix des denrées alimentaires sur marchés internationaux restent décisifs pour la sécurité alimentaire de nombreux pays. Ainsi, la guerre menée par la Russie (1er exportateur mondial de blé) en Ukraine (5e avant la guerre) a fait flamber les prix du blé, menaçant la sécurité alimentaire de nombreux pays, au Moyen-Orient et en Afrique notamment. Ainsi, de nombreux pays comme le Sénégal se sont abstenus quant à la condamnation de l’invasion russe en Ukraine, dépendant des exportations de blé russe pour leur sécurité alimentaire. Les capacités de production agricole jouent alors le rôle d’arme géopolitique.

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