L’inflation… tu en as sans doute déjà entendu parler, mais sais-tu réellement ce que cela signifie ? Dans cet article nous faisons le point avec toi sur ce concept important au programme de la spécialité HGGSP.
Contexte et questions autour de l’inflation
« L’inflation grimpe en Europe, les prix à la consommation (IPC) ont augmenté de 9,1% dans la zone euro en août sur un an »[1]. L’année 2022 est – entre autres – celle du « retour de l’inflation », ce qui inquiète les dirigeants politiques et met en difficulté la plupart des entreprises et des particuliers, en témoignent les difficultés à faire un plein d’essence, passé de 62,5€ à 100€ entre juillet 2020 et juillet 2022[2]. Mais peut-on parler d’inflation jute parce que les prix de l’essence, de l’électricité et du gaz augmentent ? Et cette inflation récente est-elle un phénomène nouveau ? L’inflation est-elle toujours dangereuse, ou peut-elle être dans certaines circonstances bénéfique ? Quels peuvent être les mécanismes pour la contrôler ?
Définition de l’inflation et antonyme
L’inflation désigne une hausse généralisée et durable des prix. Ainsi, si uniquement le chocolat ou les smartphones voient leur prix augmenter, il n’y a pas inflation : il manque le caractère généralisé. Il en va de même si les prix de tous les produits augmentent, mais sur une courte période (entre juin et juillet 2022 seulement par exemple) : il manque alors le caractère durable. Pour mesurer l’inflation, on utilise l’indice des prix à la consommation (IPC), censé refléter un panier d’achat moyen des consommateurs. Ainsi, lorsque l’IPC « augmente de 9,1% dans la zone euro en août sur un an », cela signifie qu’en moyenne parmi tous les pays utilisant l’euro, cela coûte 9,1% de plus en août 2022 qu’en août 2021 d’acheter les mêmes produits.
L’inflation est un stimulant puissant pour l’activité économique. En effet, tant que les prix augmentent, les agents économiques (entreprises et particuliers notamment) n’ont pas intérêt à attendre pour acheter, car le produit souhaité coûtera plus cher dans le futur. Ainsi, l’inflation incite les entreprises à investir (pour acheter une machine par exemple) et les particuliers à consommer maintenant, ce qui fait fonctionner l’économie. En outre, l’inflation rend les dettes plus faciles à rembourser : le montant à rembourser étant fixé à l’avance, si par ailleurs mes revenus augmentent du fait de l’inflation, cela me demandera moins de temps pour rembourser. Ainsi, la mission principale des banques centrales aujourd’hui (BCE en Europe et Réserve Fédérale aux États-Unis) est de garantir la stabilité des prix, ce qui se traduit selon elles par une inflation contenue entre 0 et 2% : les prix doivent augmenter pour inciter les acteurs économiques à investir, mais pas trop pour que la situation ne devienne pas incontrôlable.
Le contraire de l’inflation est la déflation : une baisse généralisée et durable des prix. Si une inflation incontrôlée est dangereuse (les prix augmentant tellement que la panique s’installe), il est très difficile de sortir de la déflation : puisque les prix baissent, les entreprises et les particuliers ont n’ont pas intérêt à consommer, donc les entreprises sont incitées à baisser les prix pour vendre, ce qui renforce la déflation. De ce fait, on parle de « spirale déflationniste ». On distingue la déflation de la désinflation, qui indique une baisse de l’inflation : les prix continuent à augmenter (il y a toujours inflation et non déflation), mais moins qu’avant.
L’inflation au cours de l’histoire
L’inflation est un mal du XXe siècle, le terme étant apparu au sortir de la Première Guerre mondiale. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais eu d’augmentation des prix avant, mais celle-ci n’était pas généralisée et durable à la fois. Les trois grandes crises financières de 1929, 1973 et 2007 sont au cœur de l’histoire de l’inflation.
Dans les années 1920, les « vingtaines rugissantes », l’activité économique bat son plein aux USA et en Europe de l’Ouest. Des bulles spéculatives voient croître certains prix (des actifs financiers en bourse notamment) de façon disproportionnée, et explosent après le krach boursier du jeudi noir le 24 octobre 1929. Avec la panique et le chômage générés, le premier impact de l’inflation est si traumatisant que les politiques font le choix de politiques déflationnistes (limiter la masse monétaire en circulation pour que l’argent « vaille plus cher ». L’argent étant plus rare, les prix baissent). Mais ces politiques déflationnistes limitent les dépenses (et donc les aides) de l’État et freinent la reprise économique (cf. ci-dessus), ce qui favorise l’arrivée au pouvoir de courants extrémistes : l’Allemagne a particulièrement souffert de l’inflation en 1923 (un œuf coûtait 80 milliards de marks !) puis de la crise à partir de 1929, favorisant la montée d’Hitler.
Pour ne pas reproduire les mêmes erreurs, la lutte contre l’inflation est oubliée après la Seconde Guerre mondiale : les pays détruits, il faut investir pour reconstruire. S’enclenche alors une boucle prix-salaire qui nourrit l’inflation : tant que l’augmentation des salaires suit celle des prix, l’inflation n’est pas perçue comme un problème. Mais une fois les pays reconstruits, ce système fatigue à l’entrée des années 1970 : du chômage apparaît alors que les prix continuent à augmenter. Et les chocs pétroliers de 1973 et 1979 rendent l’augmentation incontrôlable : l’inflation atteint 14% en 1980 en France. Les salaires ne peuvent plus suivre. Ainsi, l’excès d’inflation est perçu comme aussi nocif que la déflation : il faut contrôler la masse monétaire en jeu (c’est le rôle des banques centrales, par l’émission de billets, mais surtout la fixation des taux directeurs, cf. ci-dessous), de façon à stabiliser l’inflation légèrement au-dessus de 0%. Telle est la vision des monétaristes (comme Milton Friedman notamment) qui s’impose alors. Les états limitent donc leurs dépenses.
En 2007, les libertés laissées au secteur financier entraînent une crise financière mondiale, qui fait craindre une récession mondiale. Les banques centrales baissent alors drastiquement leurs taux directeurs (elles prêtent à des taux très faibles, voire négatifs) pour inciter les entreprises et particuliers à investir (avec les banques commerciales en intermédiaires). Elles mettent même en place des mécanismes « non conventionnels » (autres que la baisse des taux) en créant de la monnaie pour racheter des dettes, surtout d’états (Quantitative Easing, ou QE). Ainsi, elles injectent de la nouvelle monnaie en circulation. Mais les économies occidentales sont devenues addictes à ces mécanismes : craignant une récession si elles arrêtent, les banques centrales ne remontent pas leurs taux et continuent les programmes de QE, encore plus juste après la crise du COVID.
Mais l’épuisement des ressources fossiles et la guerre menée par la Russie en Ukraine font augmenter le prix du pétrole et du gaz (et du blé), qui se répercute sur tous les produits (car tout produit a nécessité de l’énergie, souvent du pétrole ou du gaz, pour être fabriqué et transporté). Ainsi, aujourd’hui, les banques centrales remontent peu à peu leurs taux, déclarent bientôt arrêter les programmes de QE, sans être certaines que ces actions permettront de freiner l’augmentation des prix : cette fois-ci l’inflation est pour partie due aux sommes d’argent massivement investies par les Banques centrales depuis 2007, mais également à la rareté (et donc la cherté) des ressources énergétiques fossiles. Cette incertitude rend d’autant plus nécessaire la transition énergétique : utiliser massivement des sources d’énergie renouvelables permettrait d’éviter que tous les produits dépendent du prix des ressources énergétiques fossiles, appelées à valoir de plus en plus cher.
[1] Les Echos, « L’inflation grimpe encore en zone euro, et avec elle les risques de récession », 31/08/2022 [2] Pour un réservoir de 50 litres et selon les prix de l’INSEE (de 1,25€ à 2€ le litre)