La théorie de la régulation : une analyse critique, est un ouvrage de 1986 écrit par Robert BOYER. Un des fondateurs du courant de la régulation.
L’école de la Régulation
L’école de la Régulation est née dans les années 1970 en France avec des travaux de certains économistes faisant partie d’institutions françaises, telles que l’Insee. On peut notamment citer Michel AGLIETTA, André ORLEAN ou encore Robert BOYER. Leur but initial était d’analyser comment on a pu arriver à l’enrayement des Trente Glorieuses. Dans cet ouvrage tardif, BOYER fait une analyse critique des travaux liés à ce mouvement. Ainsi, ce dernier se concentre sur les idées et les caractéristiques de la théorie de la régulation.
L’avis de l’école de la régulation sur les crises et les approches théoriques proposées
Après de nombreuses critiques de la théorie de la régulation, qui est qualifiée comme « une alternative globale à la théorie de l’équilibre général ». Le livre de BOYER invite à comparer la théorie de la régulation et le libéralisme.
Il se base sur les idées du courant des anticipations rationnelles de LUCAS et SARGENT, qui critiquent KEYNES et ses hypothèses caduques, particulièrement autour du chômage. Il ne peut concevoir le sous-emploi durablement pour BOYER.
D’une part, la théorie des contrats implicites d’AZARIADIS estime que le salarié accepte un salaire plus faible en bonne conjoncture pour être sûr de garder son emploi en cas d’aléas défavorables. D’autre part, la théorie du salaire d’efficience de STIGLITZ avance que le salaire détermine la productivité de chaque individu. Pourtant, BOYER estime que ces deux théories sur les salaires n’expliquent pas le sous-emploi durable. Dans cette lignée, BENASSY et MALINVAUD, ont théorisé la rigidité des prix dans le cadre d’équilibre général, mais ils n’ont pas réussi à s’imposer à l’international.
La théorie de la régulation repose sur quatre piliers principaux qui permettent d’analyser les dynamiques économiques et sociales, tout en tenant compte des spécificités historiques et institutionnelles :
- L’inspiration marxiste : L’analyse de Marx constitue un point de départ clé. Elle place les rapports sociaux au centre de la compréhension des systèmes économiques, en se détachant des approches purement individualistes (homo economicus). Cependant, les théoriciens de la régulation ne reprennent pas les lois rigides de Marx. Ils insistent sur la capacité du capitalisme à se réinventer, montrant que ce système économique n’est ni figé ni monolithique.
- Les formes institutionnelles et les crises : Les institutions jouent un rôle central dans le fonctionnement des économies. Une crise, selon cette théorie, reflète l’épuisement des formes de régulation propres à un modèle économique. Elle signale les contradictions internes et les limites structurelles du système, nécessitant un renouvellement des institutions et des normes pour restaurer l’équilibre.
- L’accumulation de capital et la macroéconomie : À l’instar de Keynes, la théorie de la régulation souligne que les comportements individuels optimaux ne conduisent pas toujours au plein emploi ou à la stabilité économique. Les institutions et les contextes historiques influencent les trajectoires économiques, et ces institutions sont en perpétuel changement, adaptant les règles de régulation aux nouveaux défis.
- Les trois étapes historiques :
- Destanne de Bernis introduit la régulation à travers une réactualisation de la pensée marxiste, utilisant la théorie des systèmes pour analyser le capitalisme. Cependant, cette vision est critiquée par Boyer, qui la juge trop proche des schémas marxistes traditionnels.
- En 1976, Michel Aglietta, dans Régulation et crise du capitalisme, relie l’économie aux contextes sociaux et historiques. Il interprète la crise comme une divergence entre les normes de production et de consommation, qui se traduit souvent par l’inflation.
- Les travaux de Lipietz, Lorenzi, Pastré, Toledano, et du CEPREMAP en 1981 enrichissent cette approche en analysant les crises contemporaines du XXᵉ siècle, notamment leurs origines et impacts institutionnels.
Les concepts, méthodes et limites de cette théorie
3 questions majeures persistent face à la théorie de la régulation :
- Comment passe-t-on d’une situation de forte croissance à une situation de récession ?
- Comment expliquer les formes nationales différentes des crises/déséquilibres et les raisons de la
croissance ? - Comment interpréter la nation de crise ? (peu étudiée par la théorie économique orthodoxe). On y répond en analysant l’histoire et la théorie économique à travers la conception holiste. Il y a deux niveaux d’analyse aboutissant à des notions intermédiaires :
- s’interroger sur le mode de production et la façon dont le capital s’accumule
- les formes institutionnelles de ces modes de production : la forme de la contrainte monétaire, la configuration du rapport salarial et l’articulation (notamment à travers la présence de l’État).
Dans le cadre de la théorie de la régulation, la crise est considérée comme un phénomène endogène, c’est-à-dire qu’elle naît des contradictions internes au système économique lui-même. Cette approche, inspirée de la pensée marxiste, met en lumière les limites structurelles du régime d’accumulation, qui désigne les modalités spécifiques par lesquelles une économie organise la production, la répartition et la consommation des richesses. Un régime d’accumulation repose sur un ensemble de règles, d’institutions et de comportements qui permettent au capitalisme de fonctionner de manière relativement stable. Cependant, ces règles ne sont jamais éternelles : elles évoluent avec le temps et peuvent atteindre leurs limites. La crise survient lorsque les mécanismes de régulation qui soutiennent ce régime d’accumulation ne parviennent plus à répondre aux exigences croissantes du système économique. Dans cette perspective, la crise n’est pas un accident extérieur ou un choc imprévu, mais le résultat des tensions et des contradictions intrinsèques au fonctionnement du capitalisme. Par exemple, une inadéquation entre les normes de production (orientées vers une productivité croissante) et les normes de consommation (qui ne suivent pas le même rythme) peut provoquer un déséquilibre, se traduisant par des phénomènes tels que l’inflation, le chômage de masse, ou encore une crise financière.
Toutefois, des critiques persistent autour de cette théorie, on pointe alors : l’absence de méthode analytique, pas de perspective microéconomique, théorie trop descriptive et peu explicative, manque de clarification des notions utilisées, incapacité d’imaginer des politiques conformes à ses analyses.
Pour conclure, nous pouvons dire, que pour Robert BOYER, il faut en effet continuer dans la voie
ouverte par les théoriciens de la régulation. D’une base marxiste, ces théories ont su se développer et
s’adapter au monde actuel. Néanmoins, il faut, selon lui, exclure certaines confusions et certains travaux peu novateurs de ce courant. Il propose notamment de faire un regroupement et une clarification de ces
travaux en réunissant les principales théories au sein d’une seconde génération de travaux.