La stagnation séculaire prend ses sources dans le modèle d’état stationnaire que théorisera le classique David Ricardo en 1817. En effet, la stagnation séculaire est un état où la croissance est faible à long terme, et elle n’entraîne pas de réel enrichissement de la population. Elle a été théorisée par Alvin Hansen, un économiste et professeur à Harvard, né en 1887 et décédé en 1975. Partisan du keynésianisme il fut surnommé le « Keynes américain ».
La théorie classique d’Alvin sur la stagnation séculaire
Comme nous l’avons dit, la stagnation séculaire s’inspire de la théorie de l’état stationnaire de Ricardo. Cet état est l’effet de la croissance démographique : on met en culture des terres moins productives, qui à cause de la loi des rendements décroissants et de la théorie de la rente différentielle, vont faire augmenter les prix des produits agricoles, qui feront augmenter les salaires de subsistance des travailleurs et occasionneront une baisse des profits. Les investisseurs ne voyant plus l’intérêt d’investir, l’économie va s’installer dans un état stationnaire.
À l’époque, la théorie de Ricardo était notamment motivée par les Corn Laws. Mais en 1939, tout comme Keynes, ce sera la Grande Dépression qui motivera Alvin Hansen.
Hansen dans Economic Progress and Declining Population Growth, en 1939, se distingue de Ricardo en montrant que la baisse de la population entraîne, conjuguée à une baisse de l’investissement, une production moindre à long terme.
Si la stagnation séculaire a été mise de côté du fait de l’enthousiasme lié aux Trente Glorieuses, ce modèle a ressurgi au début des années 2000 et particulièrement après la crise de 2008.
La reprise de la stagnation séculaire
Lawrence Summers, professeur à Harvard et ancien secrétaire du Trésor américain, insiste sur le taux d’intérêt d’équilibre, donc le taux d’intérêt réel compatible avec le plein emploi du travail et du capital. Ce taux doit permettre d’atteindre la croissance potentielle sans générer trop d’inflation. Mais c’est pour lui impossible et cela n’a marché jusqu’à maintenant qu’en créant des bulles spéculatives sur des produits financiers ou immobiliers.
Robert Gordon, professeur à Harvard, a enrichi la théorie de la stagnation séculaire avec un pessimisme technologique. En effet, pour lui, aujourd’hui, le progrès technique est faible et cela amène un ralentissement de la croissance, le potentiel lié aux nouvelles technologies des années 1990 est épuisé. On retrouve le taux d’amélioration de la productivité d’avant les années 1990 à 1,5 %.
Barry Eichengreen, quant à lui, fait la synthèse des facteurs amenant à une croissance anémique à long terme en ajoutant une dimension à la stagnation séculaire. Il y a 4 facteurs : le développement des pays émergents (possédant une épargne supérieure à leur consommation), le ralentissement de la croissance démographique, la baisse des investissements et des innovations.
Remise en cause et réactions pour contrer cette stagnation séculaire
Le modèle de stagnation séculaire est remis en cause, notamment pour ce qui est de l’innovation : en effet Andrew Mc Afee, professeur au MIT, se pose contre la thèse de Gordon, il pense que l’on est au début d’un renouveau des technologies informatiques. Cela passe par l’accès à la connaissance qu’offre internet, le risque lié au capital qui se limite avec le crowdfunding (financement participatif). Mais il y a aussi la robotique qui se démocratise avec notamment la modélisation d’objets avec les imprimantes 3D.
En 2014, Eggertson et Mehrotra ont développé un système donnant des solutions à la stagnation séculaire, qui serait une réalité. En effet, pour eux, pour forcer l’inflation, il faut que la banque centrale mette en place un taux d’intérêt nominal directeur en fonction de la règle de Taylor. Cette règle détermine le taux d’intérêt directeur en fonction de l’inflation désirée et de l’écart entre le PIB réel et le PIB potentiel.
Les banques centrales après la crise ont baissé leurs taux le plus vite possible à la borne zéro, le Zero Lower Bond en anglais. En cela, chaque banque centrale voulait aider à la création monétaire. En effet, certains économistes, comme le journaliste économique à la revue The Economist, Ryan Avent, dit qu’il faut 4 % d’inflation pour sortir de la stagnation séculaire. Cette idée est également soutenue par Krugman.
En définitive, nous pouvons dire que, si le modèle de la stagnation séculaire fut élaboré à la fin des années 1930 par Hansen, il est toujours d’actualité, puisqu’il est encore aujourd’hui repris et amélioré par de nombreux économistes en fonction de la conjoncture et de l’état du progrès technique.
Pour finir, nous avons vu que certaines solutions existent et cela passe par la création monétaire avec la bonne définition du taux d’intérêt directeur.
Dans une autre optique, nous pourrions aborder la manière dont la relance de la croissance est abordée à court terme chez Keynes dans La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie en 1936, où l’État doit investir.