La mesure du chômage constitue un défi complexe dans l’évaluation de la santé économique d’une société. En effet, cette problématique transcende les simples chiffres pour englober des nuances telles que le sous-emploi, les variations saisonnières et les transformations structurelles du marché du travail. Ainsi, explorer les différentes méthodologies de mesure du chômage s’avère essentiel pour comprendre pleinement les dynamiques du marché de l’emploi.
La mesure du chômage par le bureau international du travail
Le Bureau international du travail ou BIT (secrétariat permanent de l’Organisation internationale du travail ou OIT) a adopté en 1982 une définition du chômage reprise par l’ensemble des instituts statistiques des pays développés. Un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) remplissant simultanément trois critères :
- Absence d’emploi : la personne n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, dans la semaine qui précède l’enquête ;
- Disponibilité : la personne peut occuper un emploi dans un délai inférieur à quinze jours ;
- Recherche active d’emploi : la personne a fait des démarches spécifiques pour trouver un emploi, salarié ou non (par exemple des réponses à des petites annonces, des envois de curriculum vitae).
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La mesure du chômage par Pôle emploi
En France, l’estimation du chômage est réalisée par deux organismes. L’INSEE calcule le taux de chômage en se basant sur la définition du BIT. Pôle Emploi comptabilise les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM), c’est-à-dire « des personnes sans emploi et disponibles pour en occuper un, qui ont fait la démarche de s’inscrire à Pôle Emploi » : une personne peut donc être chômeur au sens de Pôle Emploi tout en exerçant une activité professionnelle très réduite, insuffisante pour interrompre les droits à indemnisation. Il existe 5 catégories classées de A à E en fonction du type d’emploi occupé (ou non) et des démarches imposées.
II apparaît que les données du chômage fournies par l’INSEE ne sont pas identiques à celles proposées par Pôle Emploi, les divergences s’expliquant en partie par le fait que l’lNSEE adopte des critères plus restrictifs que Pôle Emploi. Les différences peuvent aller jusque 0,5 point de chômage de plus pour Pôle Emploi.
Un panel large d’indicateurs
Le taux de chômage est le rapport du nombre de chômeurs au nombre d’actifs. Dans ce chapitre, les taux seront toujours donnés au sens du BIT, ce qui permet de faire des comparaisons internationales. Il faut cependant prendre ces comparaisons avec précaution, du fait d’un taux de salariat très différent entre les pays, celui-ci étant bien plus faible dans les PED (en particulier dans les pays les moins avancés) que dans les pays développés. L’économie informelle y est encore importante.
Une mesure complémentaire est nécessaire pour appréhender la situation de l’emploi dans une économie.
Le taux d’emploi, qui est devenu un indicateur très utilisé, est le rapport du nombre d’actifs occupés et la population en âge de travailler. Plus ce taux d’emploi est élevé, plus l’économie est dynamique. Il reflète la capacité d’une économie à utiliser ses ressources en main-d’œuvre. D’ailleurs, un des axes de la stratégie Europe 2020 (stratégie sur dix ans prenant la suite de la stratégie de Lisbonne, destinée à relancer l’économie européenne (une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive), est d’atteindre un taux d’emploi d’au moins 75% (68% aujourd’hui en Europe, 65,5% pour la France, 77% pour l’Allemagne et la Suède).
Le taux d’activité ou taux de participation au marché du travail représente le nombre d’actifs sur la population en âge de travailler.
Ces taux de chômage, d’emploi, ou d’activité peuvent être calculés pour des catégories plus fines de la population active (jeunes 15-25 ans, séniors 55-64 ans, hommes/femmes, étrangers, niveau de diplôme). Par exemple, le taux d’emploi des jeunes en France est d’un peu moins de 30%. À noter la différence avec certains pays comme l’Allemagne où ce taux est de 48%.
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Une mesure du chômage difficile du fait d’un halo du chômage
Il n’est pas possible de définir le chômage comme la différence entre l’offre et la demande de travail, car il existe des personnes qui ne sont pas considérées comme étant au chômage, mais qui sont dans une situation équivalente au chômage.
Répartir la population entre actifs occupés, chômeurs et inactifs pose problème du fait de la multiplication des situations aux frontières des trois catégories. Il est ainsi réducteur de définir le chômage comme la différence entre l’offre et la demande de travail. Il existe un halo du chômage qui représente les individus qui ne sont pas considérés comme chômeurs, mais qui sont en situation équivalente à du chômage.
Ainsi des personnes sans emploi non classées comme chômeurs souhaiteraient travailler : elles recherchent un emploi, mais ne sont pas disponibles, généralement parce qu’elles suivent une formation, ou parce qu’elles gardent leurs enfants. Les « chômeurs découragés » sont les personnes qui souhaitent travailler, sont disponibles pour le faire, mais qui déclarent ne plus rechercher d’emploi parce que la perspective d’y parvenir leur paraît trop faible.
Le BIT a introduit la notion du sous-emploi pour rendre compte des personnes ayant un emploi, mais qui travaillent à temps partiel en souhaitant travailler plus ou celles qui ont involontairement travaillé moins que d’habitude, pour cause de chômage partiel par exemple. Elles sont à la frontière entre emploi et chômage.
On constate que depuis la crise de 2008, dans les pays développés on a une augmentation des personnes se trouvant dans ce « halo ».
La notion de « chômage déguisé », qui apparaît souvent dans le débat public, n’a pas de définition officielle. Elle est généralement utilisée pour désigner les personnes officiellement classées comme en emploi ou comme inactives, mais dont la situation réelle s’apparente au chômage. Elle est souvent réservée aux demandeurs d’emploi qui bénéficient d’un dispositif public et qui disparaissent ainsi des chiffres du chômage, comme les bénéficiaires d’un emploi « aidé » ou d’un stage de formation. Dans certains pays, les dispositifs d’invalidité, qui regroupent des personnes déclarées inaptes au travail et par là comptabilisées pour la plupart comme inactives, abritent de fait un grand nombre de chômeurs « déguisés ». Ainsi, au Royaume-Uni, le nombre des bénéficiaires d’un incapacity benefit est plus important que dans les autres pays. Une enquête révélait que 80 % d’entre eux désiraient reprendre un travail.
Cette frontière floue entre chômage et emploi explique que les créations d’emplois n’aient pas d’effet symétrique sur le chômage. Le taux de flexion rend compte de cette interdépendance entre l’offre et la demande de travail ; il rapporte la baisse du nombre de chômeurs à la création de 100 emplois : si ce taux est proche de 1, la création d’emplois permet une nette diminution du taux de chômage ; inversement si ce taux est proche de 0. En effet, lorsque la croissance repart et se traduit par des créations d’emplois, des personnes jusque-là inactives vont chercher à trouver un emploi. Par exemple, des « chômeurs découragés » vont de nouveau s’inscrire au chômage, contribuant ainsi à accroître l’offre de travail. La création d’emplois n’est donc pas synonyme de diminution équivalente du nombre de chômeurs.
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