Les transformations de l’entreprise depuis le XIXe siècle

À lire dans cet article :

« Est entreprise toute activité qui a pour but de produire des biens et des services destinés à être vendus sur des marchés en vue de générer des profits » (INSEE). Aussi différencie-t-on les microentreprises (TPE), les PME, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises. En économie d’entreprise, depuis l’article « The Nature of the Firm » (R. Coase, 1937) on présente plutôt l’entreprise comme un lieu de « coordination dirigée » par opposition au marché, lieu de « coordination spontanée ».

La petite entreprise familiale pendant la première Révolution industrielle

La première Révolution industrielle est tirée par de petites entreprises généralement familiales, souvent dans le leading sector du textile, créées par des entrepreneurs-capitalistes (J. Turgot) à partir de leurs fonds propres, ce qui leur confère le statut de « self-made men » (Carnegie, Rockefeller). Dans les pays de l’early start (Grande-Bretagne, France), la proto-industrialisation est encore massive ; le nombre d’ouvriers dans les entreprises est donc faible. Mais la Grande Dépression (18731896) entraine la faillite de nombreuses entreprises, ce qui entraîne un premier mouvement de concentration.  

Le triomphe de la grande entreprise depuis la seconde Révolution industrielle

Les innovations de la seconde Révolution industrielle (chimie, électricité, automobile) apparaissent dans les 1870s1880s, ce qui implique des investissements plus chers, au moment même où l’économie est en phase B de Kondratiev. Les entreprises répondent donc par la concentration : le nombre d’entreprises diminue, mais leur taille moyenne augmente, elles réduisent leurs coûts de transaction, leurs coûts de production et accroissent leur pouvoir de marché. En Allemagne et aux États-Unis, des entreprises géantes, qualifiées de « trusts », voient ainsi le jour : Rockefeller créé la Standard Oil (1882), T. Edison la General Electric Company (1892). Le trust de Rockefeller, parvenu à une situation de monopole, est combattu par le Sherman Antitrust Act (1890) qui parvient à diviser l’entreprise en 34 sociétés en 1911. Parallèlement, on assiste à la « révolution managériale » (J. Burnham, La Révolution managériale, 1941) en raison de la diversification des produits dans les entreprises de plus en plus grandes. Enfin, la « première mondialisation » accroît le volume des flux internationaux de biens et services, ce qui permet par exemple à Ford d’exporter son « modèle T » et de développer des filiales en Europe et au Canada dès la fin du XIXe siècle. 

La concentration se poursuit au début du 20e siècle quand le taylorisme se généralise, puis encore davantage pendant les Trente Glorieuses, où la grande entreprise va véritablement triompher d’abord sous la forme U quand le mode de production fordisme diminue, puis sous la forme M quand les firmes s’intègrent aux échanges mondiaux (Chandler, La main visible des managers, 1977). En effet, la consommation de masse fait désormais écho à la production de masse ce qui va permettre l’affirmation de véritables technostructures (J-K Galbraith, Le Nouvel État industriel, 1967), les économies s’ouvrent au commerce international et se constituent de plus en plus en conglomérats ou en FTN, sur fond de financement par voie bancaire (économie d’endettement). 

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L’essoufflement de la grande entreprise dans les 1970s puis son nouvel essor dans les années 1980

Le retour de la petite entreprise

Les années 1970s consacrent la « crise du fordisme », et par-là même celle de la grande entreprise, qui « apparaît de plus en plus comme une espèce de dinosaure claudiquant vers son extinction » (Wall Street Journal, 1974). Comme en témoigne la publication de Small is beautiful (1973) par Schumacher, on se tourne alors de nouveau vers les entreprises de petite taille, jugées plus souples, plus créatives et plus dynamiques (David Birch les qualifie de « gazelles », The Job Generation Process, 1979). Elles participent en effet de la « troisième révolution industrielle » (J. Rifkin) : Intel invente par exemple le microprocesseur en 1971. Elles se constituent souvent en « clusters » (M. Porter, The Competitive Advantage of Nations, 1990) pour accumuler leur savoir-faire dans une zone géographique et bénéficier d’effets de synergie, ou « Mittelstand » en Allemagne (Stabylo, Playmobil, UHU). Du côté des grandes entreprises, on développe également la sous-traitance auprès de petites entreprises, ou même l’essaimage (Pinchot).

Mais on n’abandonne pas pour autant la grande entreprise. La méthode Ishikawa (cercles de qualité) vise à augmenter l’efficacité et la productivité dans le travail via une intensification de l’engagement du personnel, de la communication et les relations au sein de l’entreprise, on prend en compte les travaux de l’école des relations humaines (en particulier la théorie des besoins et des motivations de F. Herzberg) en diversifiant et enrichissant le travail pour augmenter l’intérêt des travailleurs au travail.

Une nouvelle vague de concentration avec la mondialisation

Le mouvement de concentration des entreprises s’accentue dans les 1980s avec les processus de fusion-acquisition (« croissance externe ») qui tendent à créer des « firmes globales » (W. Andreff, Les multinationales globales, 1996), entreprises recherchant tout à la fois l’approvisionnement en matières premières, l’augmentation des parts de marché à l’étranger, la rationalisation de la production, et la rentabilité financière pour répondre aux exigences de leurs actionnaires dans ce nouveau paradigme qu’est celui de la « corporate governance ». 

De plus en plus, ce qui prime dans l’entreprise de notre « société de la connaissance », de notre économie créative, c’est l’imagination, les idées, les logiciels, l’information, tout ce qui relève du tertiaire. Y. Moulier-Boutang (Le capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation, 2007) montre que l’on s’achemine vers une société où l’immatériel et la connaissance prennent le pouvoir, dans laquelle une « creative class » contribue à l’intelligence collective et, ce faisant, à la création de biens publics aux rendements croissants et aux externalités positives. Le capitalisme traditionnel tendrait donc à disparaître, au profit d’une économie du partage, dans laquelle la séparation entre consommateur et producteur tendrait à s’effacer au profit de la figure du « prosumer » (J. Rifkin, La nouvelle société du coût marginal zéro, l’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme, 2014). 

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