Guerre, forme, mutation, XXIème siècle

HGGSP : la guerre au XXIe siècle

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La guerre est un enjeu géopolitique majeur que tu dois bien maîtriser pour ton cours de spécialité HGGSP (histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques). Dans cet article, nous faisons le point avec toi avec sur les formes que prennent les guerres au XXIe siècle et leurs spécificités.

La guerre menée par la Russie en Ukraine apparaît comme un « retour de la guerre en Europe ». Pourtant, si l’Europe a connu une très importante pacification dans la seconde moitié du XXe siècle après avoir été le principal terrain d’action des deux guerres mondiales, la guerre n’avait pas complètement disparu d’Europe, et encore moins du monde. Que ce soit sous la guerre froide (1947-1991) ou depuis, la guerre, qui désigne classiquement une lutte armée entre États, a évolué dans ses formes comme dans les aires géographiques touchées. Désormais, les conflits intraétatiques (lutte entre des groupes à l’intérieur d’un même pays) dominent. Non soumis aux règles de la guerre[1], ces conflits intraétatiques entraînent, au-delà des morts et blessés, de nombreux déplacements de population. On compte aujourd’hui 41,3 millions de déplacés internes (qui restent dans leurs pays mais perdent leur logement, leur emploi…), 26,5 millions de réfugiés (accueillis dans un autre pays qui a signé la Convention de Genève de 1948 et à ce titre est tenu d’accueillir toute personne fuyant un pays en guerre) et 3 millions de demandeurs d’asile (qui cherchent à obtenir le statut de réfugié). Mais plus précisément, quelles ont été les grandes évolutions de la guerre depuis la fin de la guerre froide ?

Les risques de conflits interétatiques persistent, en témoigne la guerre actuellement menée par la Russie en Ukraine, alors que se produit une militarisation de la géopolitique du monde et que les formes de la guerre ont profondément évolué.

Des risques persistants de conflits interétatiques

L’Amérique du Sud, par ailleurs marquée par une grande instabilité politique et les difficultés économiques, semble le seul continent « à l’abri » d’une guerre prochaine (au sens classique du mot guerre : une lutte armée entre deux ou plusieurs États). L’Afrique semblait également épargnée récemment, mais les nombreux conflits infra-étatiques sont aujourd’hui susceptibles de déboucher sur un renouveau des conflits entre États : le point le plus chaud concerne la région du Tigre en Éthiopie, où l’Érythrée a reconnu avoir des troupes en avril 2021.

Le principal foyer des conflits interétatiques concerne le Moyen-Orient : Arabie Saoudite (sunnite, une des deux grandes branches de l’Islam classiquement) et l’Iran (chiite, l’autre grande branche), deux puissances régionales, se font la guerre indirectement en soutenant des groupes opposés au Yémen. Et même au sein du bloc sunnite, les risques ne sont pas nuls : le Qatar fait l’objet d’un blocus de la part de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis (EAU), qui ne souhaitent pas voir leur domination régionale contestée par le petit État gazier qui existe sur la scène internationale aussi par l’organisation d’événements mondiaux comme la Coupe du monde de football 2022.

Les années 2010 ont également été celles de la réapparition du foyer européen, le risque se traduisant en guerre bien réelle après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Alors qu’on pensait ce foyer éteint depuis 1999 et la fin de la guerre dans les Balkans (sud-est de l’Europe), le nouvel impérialisme russe a annexé unilatéralement la Crimée en 2014, occupe l’Ossétie du Sud et l’Abkhasie en Georgie et a maintenu son armée en Transnistrie (État non reconnu depuis 1991, qui reste une « région autonome de Moldavie » pour l’ONU). Dans toutes ces régions, l’URSS, menacée de dislocation dans les années 1980, avait soutenu les minorités face à la montée des revendications d’indépendance nationale. Selon le dirigeant russe V.Poutine, « la fin de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Présentant la Russie comme humiliée depuis 1991 et dépecée de son « étranger proche » formé des ex-républiques socialistes et régions bordières d’URSS, il consacre une part considérable du budget de l’État russe aux dépenses militaires (20%, soit 66 milliards de dollars, ce qui reste malgré tout plus de dix fois inférieur au budget américain).

Enfin, la montée en puissance de la Chine et la persistance des menaces nucléaires de la Corée du Nordalimentent un troisième foyer de possibles conflits interétatiques en Asie. La Chine, qui a considérablement augmenté ses dépenses militaires pour atteindre 230 milliards de dollars en 2022, ce qui la place au deuxième rang mondial derrière les USA, inquiète la plupart de ses voisins, Japon, Vietnam et Inde en tête (sans compter Taiwan, reconnu comme État par uniquement 14 pays dans le monde et l’Union Européenne). Depuis 2015, les dépenses militaires de la Chine sont supérieures à celle du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne réunis. La mer de Chine méridionale constitue le principal théâtre potentiel de conflits armés entre la Chine et ses voisins, concernant Taiwan en premier lieu, mais aussi les îles Paracel et Spratleys. Un affrontement avec les États-Unis ne semble lui pas d’actualité, l’arme nucléaire jouant un rôle de dissuasion considérable.

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Une militarisation de la géopolitique du monde

Les relations internationales sont marquées par des tensions croissantes à l’échelle mondiale, en témoignent les regains de tensions dans les principaux foyers de risques interétatiques cités précédemment. De ce fait, deux zones s’arment particulièrement : l’Asie et le Moyen-Orient (les rivalités entre pétromonarchies alimentent ce que certains observateurs qualifient de « guerre froide locale »).  Par exemple, l’Arabie Saoudite a le quatrième budget militaire à l’échelle mondiale en 2019 (62 milliards de dollars), achetant l’essentiel de ses armes aux pays occidentaux. Ses voisins, notamment Bahreïn et Oman, s’arment en miroir.

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Les mutations des formes de la guerre

La multiplication des conflits intraétatiques a entraîné un affaiblissement de la distinction auparavant nette entre combattant régulier (soldat employé par l’armée d’un État) et irrégulier (comme les djihadistes mais aussi les employés de la milice privée russe Wagner, qui est différente de l’armée de l’État russe). L’affaiblissement de nombreux État et la multiplication des combats sans États (exemple de la résistance de la minorité kurde contre « l’État » islamique (Daesh) en Irak) a donné lieu à une multiplication des zones grises, où on ne sait ni qui contrôle, ni si le territoire est en guerre. Troisième évolution majeure : la privatisation de la guerre (d’abord avec la milice Blackwater employée par les USA pour intervenir lors de la guerre en Irak au début du siècle, puis plus récemment avec la milice Wagner employée par la Russie, en Afrique (Centrafrique, Mali…) et en Ukraine notamment). Les armes de guerre forment une quatrième évolution majeure, avec le développement de la guerre à distance (utilisation de drones pour éviter d’envoyer des combattants sur place, dans le cadre de guerres asymétriques comme celle menée par les pays occidentaux contre l’État Islamique en Irak et en Syrie (ISIS)) et du cyberespace, devenu une cinquième dimension de la guerre (avec le sol, la mer, l’air et l’espace). Enfin, le terrorisme menace même des État censés être en situation de paix (en témoignent, entre autres, les attentats de 2015 et 2016 en France).

 

Ainsi, la guerre prend de nouvelles dimensions au XXIème siècle, pour concerner avant tout des conflits intraétatiques, qui vont à l’encontre de la définition classique d’une guerre comme lutte armée entre Etats. Les risques de résurgence de cette forme classique n’ont pour autant pas disparu, en témoigne la guerre menée par la Russie en Ukraine. Dans tous les cas, ces conflits tuent, traumatisent et déplacent les populations locales et ont un impact durable sur le territoire, dont la reconstruction n’est possible qu’à long terme.

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[1] La guerre entraîne en théorie l’application de règles particulières dans l’ensemble des rapports mutuels entre États, par exemple interdisant l’usage d’armes chimiques ; elle commence par une déclaration de guerre ou un ultimatum et se termine par un armistice (arrêt des combats), et en principe par un traité de paix qui met fin à l’état de guerre.

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