Espace, puissance, fusée, satellite

HGGSP : La course à l’espace

À lire dans cet article :

Pourquoi les États s’intéressent-ils à l’espace ? Quel intérêt y a-t-il à savoir lancer des objets dans l’espace ? À partir de quand la course à l’espace s’est-elle développée ? Nous répondons à toutes ces questions dans notre article.

Avant de répondre à ces questions, une définition est nécessaire, l’espace étant un terme très polysémique. L’espace désigne ici le milieu situé au-delà de l’atmosphère terrestre (d’épaisseur variant entre 350 et 800 km) et dans lequel évoluent les corps célestes.

La conquête spatiale liée à la puissance militaire

La course à l’espace a pris son essor après la Seconde Guerre mondiale, au cours de la guerre froide (1947-1991), qui a vu s’opposer deux superpuissances : les États-Unis et l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). L’intérêt pour l’espace est d’abord militaire : savoir fabriquer des fusées, c’est savoir fabriquer des missiles. C’est en s’appropriant les plans des missiles V2 utilisés par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale (pour bombarder le Royaume-Uni notamment) que les Américains et les Soviétiques vont concevoir leurs premières fusées (véhicule avec un moteur de grande puissance qui lui permet de se déplacer dans l’espace proche, et notamment de placer un objet en orbite).

La course à l’espace que se livrent les États-Unis et l’URSS pendant la guerre froide coïncide avec la naissance de la terreur des missiles intercontinentaux. Cette stratégie de menace et de dissuasion réciproque par la conquête spatiale se retrouve aujourd’hui avec les programmes spatiaux de l’Iran et de la Corée du Nord notamment. La liste des puissance spatiales (capable d’envoyer une fusée dans l’espace) recoupe d’ailleurs en grande partie celle des puissances nucléaires reconnues : en maîtrisant les technologies nucléaires et spatiales, les pays accèdent au statut de grande puissance.

Que dit la législation internationale sur les armes spatiales ? Selon les traités internationaux, l’occupation de l’espace et des corps célestes (comme la lune ou la planète Mars par exemple) doit se faire de façon pacifique. Mais en réalité, c’est avant tout la complexité d’entretenir des armes dans l’espace qui assure l’absence d’arme de destruction massive (telle que l’arme nucléaire) dans l’espace. En réalité, ce qui motive le plus les grandes puissances à s’intéresser à l’espace, ce n’est pas la possibilité de s’y faire la guerre, mais c’est d’avoir accès à un point de vue global sur la Terre, permis par les satellites. En effet, contrairement aux avions qui n’ont pas le droit d’entrer dans l’espace aérien d’un pays (de le survoler) sans autorisation, les satellites peuvent survoler n’importe quel lieu de la planète. Le perfectionnement des systèmes d’imagerie satellite (tels que Google Earth) explique l’énorme avantage que procure l’occupation de l’espace circumterrestre (autour de la Terre). Pendant la guerre froide, cette surveillance satellitaire a eu un rôle pacificateur, permettant de vérifier l’application des accords de limitation des armements.

L’URSS a été le premier pays à mettre un satellite en orbite, en 1957, suivis par les États-Unis en 1958, depuis leur base de Cap Canaveral en Floride (Sud-Est des États-Unis). La France y arrive en 1965, le Japon et la Chine en 1970, l’Inde en 1980, Israël en 1988, l’Iran en 2009, la Corée du Nord en 2012 et la Corée du Sud en 2013. Mais le rayonnement de ces 10 pays dans l’espace varie considérablement, en témoigne les écarts des budgets accordés à la politique spatiale : 5 à 7 milliards d’euros (Mds€) pour la Chine, 5Mds€ pour la Russie, 6Mds€ (+ 4Mds€ par le CNES et la DNR, les agences spatiales française et allemande) pour l’Agence Spatiale Européenne (ASE, dont la base de lancement des satellites est située à Kourou, en Guyane française). A l’opposé, les États-Unis dépensent deux fois plus que l’ensemble des autres puissances spatiales, avec 35Mds€ par an.

Concrètement, environ 1800 satellites gouvernementaux et privés, militaires et civiles, sont actuellement en orbite (courbe fermée qu’un corps céleste ou objet décrit autour de la Terre dans l’espace sous l’action de l’attraction terrestre et de la force d’inertie). L’orbite géostationnaire, située à 36 000 km de la Terre (de l’Équateur précisément) est la plus utilisée (un tier des satellites), puisqu’elle permet de surplomber la même surface terrestre de façon continue. Au total, les États-Unis possèdent la moitié des satellites, la Chine 15%, l’Europe 12% et la Russie 8%, 62 pays possédant au moins un satellite actif (mais seulement 10 pays sont aujourd’hui capables de placer un satellite en orbite). Ces satellites servent non seulement à la surveillance, mais également aux télécommunications (même si l’essentiel passe par les câbles sous-marins, plus rapides), à l’étude des phénomènes climatiques et à l’aménagement du territoire : des applications qui dépassent le seul intérêt militaire. Par exemple, le Global Positioning System (GPS) a été conçu par les États-Unis, pour un usage strictement militaire, la coordination des actions de terrain de l’armée américaine. Mais en 2000, le GPS est ouvert aux applications civiles. Le GPS connaît alors un succès planétaire, étant utilisé notamment pour l’aide à la navigation (entre autres, Google Maps repose sur l’utilisation de données GPS). Cette aide à la navigation reposant alors uniquement sur les satellites américains a incité d’autres nations à posséder leur propre système, par soucis d’indépendance (être maître des données utilisées au lieu de dépendre des Américains) : la Russie avec le Glonass d’abord, puis la Chine avec Compass et bientôt l’Union européenne avec Galileo (reposant sur une trentaine de satellites, il a pour ambition de donner une précision de l’ordre du centimètre, dépassant celle du GPS, précis au mètre près, ce qui pourrait constituer un avantage comparatif de taille facilitant la diffusion de son utilisation).

Lire aussi : Spécialité HGGSP : la Chine à la conquête de l’espace, des mers et des océans

La conquête spatiale au service de la grandeur

On l’a vu, la compétition que se livrent les nations dans l’espace n’est plus seulement militaire, englobant des enjeux civils et économiques. L’espace est aussi enjeu de prestige : aller dans l’espace, c’est prouver sa maîtrise des hautes technologies, raviver la fascination pour l’exploration. Cette force symbolique est même ce qui a motivé les premières puissances à s’y lancer. En effet, les premières victoires soviétiques (premier satellite artificiel en 1957, premier homme en orbite en 1961 puis première sortie hors d’un véhicule en 1965 ont été montrées comme la « preuve de la supériorité du modèle soviétique sur le modèle capitaliste ». Une position remise en cause le 21 juillet 1969, l’américain Neil Amstrong devenant le premier homme à poser le pied (et le drapeau américain) sur la lune. Par la suite, d’autres pays ont voulu utiliser la conquête spatiale pour améliorer leur rayonnement. Le Japon, qui ne peut avoir aucune ambition militaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, met en avant l’intérêt scientifique, sa découverte de nouveaux astéroïdes (planètes de petite taille composées de roches, métaux et glace) et comètes (petit corps célestes constitués d’un noyau de glace et de poussière en orbite autour d’une étoile) confortant alors sa réputation dans le domaine des hautes technologies. Le XXIe siècle voit l’émergence de l’Inde, dont la sonde Mangalian a atteint la planète Mars en 2014, et de la Chine, qui y est parvenue en 2021, dans le cadre d’un ambitieux programme d’exploration : la Chine a également placé un atterrisseur sur la face cachée de la lune en 2019, une première mondiale, avec l’objectif d’y envoyer une équipe de taïkonautes (astronautes, ou cosmonautes en Russie) dans les dix prochaines années. Enfin les Émirats Arabes Unis ont eux aussi affiché leur volonté d’aller sur Mars, pour montrer que la civilisation arabe contribue au progrès des connaissances de l’humanité.

Aller dans l’espace permet aussi de mesurer l’évolution de notre lieu de vie, la Terre. Les photos prises par satellites (par exemple celles de la forêt amazonienne) permettent de constater la dégradation de notre environnement. Au-delà du constat, les satellites offrent une vue d’ensemble du globe terrestre, montrant sa finitude, alimentant l’idée d’un destin commun des terriens. Ainsi, l’espace voit coopérer les différentes puissances, oubliant les rivalités géopolitiques. Le programme Shuttle-Mir (1994-1998) a fait cohabiter Russes et Américains dans l’espace clos d’une station spatiale pendant plusieurs mois. Et aujourd’hui, dans la Station Spatiale Internationale (ISS), des astronautes de 15 pays se sont succédé. Cependant, l’exclusion des Chinois les a poussés à développer leur propre station spatiale (CSS), opérationnelle fin 2022 et qui sera exclusivement régie par la Chine, alors que l’ISS, régie par des traités internationaux, va bientôt arriver en fin de vie.

Lire aussi : Spécialité HGGSP : les puissances internationales

Le contrôle de l’information et l’exploitation des ressources

Enfin, l’intérêt pour l’espace est motivé par la perspective d’exploiter de nouvelles ressources, alors que la Terre est marquée par l’appauvrissement des siennes. Mais de quelles ressources parle-t-on ? Les enjeux sont énormes : un petit astéroïde peut contenir de nombreux métaux tels que du fer, du nickel, du cobalt valant plusieurs millions de dollars, ainsi que des oligoéléments comme l’or, le platine ou le rhodium. La lune et d’autres astres contiennent également d’importantes quantité d’eaux. Les ressources sur Terre se raréfiant, cette course aux ressources spatiales risque de prendre de l’ampleur.

Mais qui peut profiter de ces ressources spatiales ? Le cadre juridique est flou. En 1967, le traité de l’espace, ratifié par toutes les grandes puissances spatiales, pose un premier cadre juridique, instaurant le principe de non appropriation : aucun État ne peut faire d’un corps céleste le prolongement de son territoire national. Mais en affirmant également le principe de libre utilisation, ce traité autorise les États à se servir sur les corps célestes. Après les échecs de régulation plus avancée, des acteurs jouent la carte du chacun pour soi.

Dès 2015, le Space Act des États-Unis autorise chaque citoyen en possession d’une ressource spatiale à en faire sa propriété, un principe repris par d’autres pays : les ressources de l’espace sont susceptibles d’appropriation (alors que d’autres pays misent sur l’ONU pour rédiger un règlement commun). Les entreprises privées nouent alors des accords avec les États pour développer le forage spatiale (creuser en profondeur les corps célestes pour aller chercher les ressources). Mais pour l’instant, la technologie fait défaut, remettant à plus tard le rêve du développement d’une industrie minière dans l’espace. Pour l’instant, les sociétés privées bénéficient de l’espace en nouant des partenariats pour fabriquer du matériel utilisé par les agences spatiales nationales (cas des fusées Space X utilisées par la NASA, l’agence spatiale américaine) ou en utilisant les informations données par les satellites (cas de Google entre autres).

Tu veux plus d’informations et de conseils pour réussir tes examens et trouver ton orientation ? Rejoins-nous sur Instagram et TikTok !

À la une