En 1791, Olympe de Gouges écrivait dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne que « la femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits ». Pourtant, il faut attendre plus de deux siècles pour que cette affirmation soit pleinement reconnue, du moins sur le plan juridique. Cet article te propose de retracer les luttes et grands événements ayant contribué à l’amélioration des droits des femmes en France.
Le XIXᵉ siècle : la femme sous tutelle
Le Code Napoléon et la légalisation de l’infériorité
Promulgué en 1804, le Code civil, voulu par Napoléon Bonaparte, consacre l’autorité patriarcale au sein du foyer. Il fait de la femme mariée une « mineure juridique », soumise à l’autorité de son époux. Elle ne peut ni travailler sans autorisation, ni gérer ses biens, ni intenter une action en justice. Cette conception de la femme épouse et mère relègue les femmes à un statut d’objet domestique.
La sphère publique reste alors strictement masculine. Les femmes n’ont aucun droit politique, et leur éducation, lorsqu’elle est permise, reste très limitée. L’univers social les confine à la dépendance.
Les premières voix féministes
Malgré cette répression institutionnelle, quelques figures se dressent. Olympe de Gouges est exécutée en 1793 pour avoir osé réclamer une égalité entre les sexes. Flora Tristan, dans les années 1830–1840, théorise l’émancipation des femmes et des ouvriers. Ces voix restent marginales, souvent ridiculisées ou censurées, mais elles posent les bases d’une contestation féministe à venir.
Les premières conquêtes au XXᵉ siècle : citoyenneté, autonomie, égalité civile
Vers une autonomie progressive (1907–1938)
Le début du XXᵉ siècle amorce une série de petits progrès. En 1907, une loi permet aux femmes mariées de disposer librement de leur salaire. L’école devient plus accessible : en 1924, les filles obtiennent le droit de passer le baccalauréat dans les mêmes conditions que les garçons. Et en 1938, la notion d’« incapacité juridique » des femmes mariées est enfin abolie.
Ces avancées, bien qu’importantes, laissent intacte l’exclusion politique des femmes : elles n’ont toujours pas le droit de vote, ni celui d’être élues.
1944 : la conquête du droit de vote
Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale pour qu’un changement décisif intervienne. En avril 1944, le droit de vote est accordé aux femmes par le gouvernement provisoire de la République. C’est un événement historique : en 1945, les Françaises participent pour la première fois à une élection nationale.
L’année suivante, en 1946, la Constitution proclame l’égalité des sexes devant la loi. De ce fait, l’entrée dans la citoyenneté est acquise, mais l’égalité réelle reste un idéal à atteindre.
Les années 60-70 : l’émancipation conjugale et reproductive
Le mouvement féministe reprend de l’ampleur dans les années 1960. En 1965, une femme peut désormais travailler, ouvrir un compte bancaire ou signer un contrat sans l’autorisation de son mari. La contraception est légalisée en 1967 grâce à la loi Neuwirth, mais il faut attendre 1972 pour son application effective.
L’autorité parentale devient conjointe en 1970, et le principe « à travail égal, salaire égal » est inscrit dans la loi en 1972. L’année 1975 marque un double tournant : la loi Veil légalise l’interruption volontaire de grossesse (IVG), tandis que le divorce par consentement mutuel est instauré.
La mixité devient obligatoire dans les établissements scolaires publics en 1976, scellant une volonté d’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge.
Le droit pénal face aux violences faites aux femmes
La reconnaissance du viol comme crime
Jusqu’en 1980, le viol n’était considéré que comme un délit dans certains contextes. La loi votée cette année-là en fait un crime passible de quinze ans de réclusion. En 1990, une jurisprudence majeure reconnaît le viol conjugal (acte par lequel une personne impose un rapport sexuel non consenti à une personne qui partage sa vie dans le cadre d’une union conjugale; comme par exemple le mariage), brisant un tabou longtemps toléré par le silence judiciaire.
Ces évolutions sont portées par des figures comme Gisèle Halimi, qui défend en 1972 à Bobigny une jeune fille poursuivie pour avortement, ou encore par les féministes du MLF (Mouvement de libération des femmes), qui organisent des procès symboliques du patriarcat.
Le mouvement #MeToo et les lois récentes
L’affaire Weinstein aux États-Unis, puis le mouvement #MeToo en 2017, déclenchent une onde de choc mondiale. En France, des lois sont rapidement votées en 2018 et 2019 pour réprimer plus sévèrement le harcèlement de rue, les violences sexuelles et les propos sexistes. Le code pénal est adapté pour inclure l’outrage sexiste, et les procédures de plainte sont simplifiées.
Vers une égalité politique : la parité et ses limites
Une volonté constitutionnelle
En 1999, une révision constitutionnelle affirme que la loi « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ». L’année suivante, une loi sur la parité impose un équilibre entre hommes et femmes sur les listes électorales, avec des sanctions financières à la clé.
Une mise en œuvre incomplète
Si la parité (terme qui désigne une égalité de la représentation de deux parties ou plus dans une assemblée, une commission, ou un corps social) progresse dans certaines institutions, elle reste fragile. Des partis préfèrent parfois payer les amendes plutôt que de présenter des femmes comme candidates aux élections. Aujourd’hui encore, les femmes sont largement sous-représentées dans les fonctions exécutives, notamment dans les collectivités territoriales et les ministères régaliens.
Ainsi, la nomination d’Édith Cresson en 1991 comme Première ministre, puis celle d’Élisabeth Borne en 2022, montre que l’accession au plus haut niveau de l’État demeure actuellement exceptionnelle.
L’égalité professionnelle : un chantier inachevé
Des écarts persistants
En 2023, selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), une femme gagne en moyenne 22,2 % de moins qu’un homme dans le secteur privé. À poste équivalent, l’écart reste de 14,2 %. Ces chiffres traduisent une inégalité structurelle, ancrée dans l’organisation même du marché du travail. A noter que les femmes fonctionnaires sont rémunérées autant que leurs homologues masculins.
Les femmes occupent majoritairement des métiers peu valorisés (éducation, soin, assistance), tandis que les hommes sont surreprésentés dans les secteurs les plus rémunérateurs (technologies, finance, industrie).
Les effets du temps partiel et de la maternité
Le temps partiel est l’une des principales sources de l’inégalité. Près de 26 % des femmes y ont recours, contre seulement 7 % des hommes. De plus, la parentalité accentue encore les écarts : les mères subissent une pénalité salariale pouvant aller jusqu’à 40 %, alors que les pères bénéficient souvent d’une prime implicite.
Malgré l’allongement du congé paternité à 25 jours en 2021, les rôles familiaux restent déséquilibrés, pesant sur la carrière des femmes.
Discriminations et plafond de verre
Même à compétences égales, des discriminations subsistent. Les femmes cadres touchent moins de primes, reçoivent moins d’offres de promotion, et sont moins présentes dans les comités de direction. Le fameux « plafond de verre » demeure bien réel, particulièrement dans les entreprises du CAC 40, où les PDG féminines restent l’exception. Cette expression de “plafond de verre” désigne dès lors le fait que, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes essentiellement en raison de mépris de classe, de discrimination raciale ou de sexisme.
L’index d’égalité : un outil encore perfectible
Lancé en 2018, l’index de l’égalité professionnelle oblige les entreprises à publier des indicateurs de parité. S’il encourage la transparence, il fait parfois l’objet de contournements ou de déclarations partielles. L’effet réel sur les pratiques de recrutement et de rémunération est encore insuffisant, bien qu’il constitue un progrès notable.
Corps, parentalité et vie privée : les dernières conquêtes
PMA pour toutes et inscription de l’IVG dans la Constitution
La loi bioéthique votée en 2021 élargit l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires. C’est une reconnaissance de la diversité des formes de parentalité.
En mars 2024, l’IVG devient un droit constitutionnel, consacrant la liberté des femmes à disposer de leur corps, au même titre que les libertés fondamentales. Cette inscription historique vient répondre à la montée des mouvements réactionnaires dans le monde.
Partage de l’autorité parentale
Depuis 2002, l’autorité parentale est exercée conjointement, même en cas de séparation. Depuis 2005, les enfants peuvent porter le nom du père, de la mère ou les deux. Ces réformes visent à construire une parentalité plus égalitaire.
Cependant, dans les faits, la charge mentale, qui t’es expliquée dans cet article du CNRS (Centre nationale de la recherche scientifique), fait que l’organisation du quotidien et les soins aux enfants restent encore largement assumés par les femmes, comme le montrent toutes les enquêtes sociologiques.
Conclusion : une égalité de droit à transformer en égalité de fait
En défintive, l’histoire des droits des femmes en France témoigne d’une progression constante, bien que semée d’embûches. Les conquêtes législatives ont ouvert la voie à une reconnaissance juridique de l’égalité, mais les inégalités économiques, professionnelles et sociales persistent.
L’égalité réelle exige désormais des politiques ambitieuses : lutte contre les stéréotypes dès l’école, transparence salariale renforcée, sanctions des discriminations, revalorisation des métiers féminisés, développement de services publics de garde et encouragement de la mixité dans tous les secteurs professionnels.
Enfin, le chemin parcouru est considérable, mais il appelle à ne pas relâcher la vigilance. Les avancées des générations précédentes sont le socle sur lequel bâtir l’égalité pleine et entière entre les femmes et les hommes — dans la loi, dans la rue, dans l’entreprise, dans la famille, et dans les consciences.