Littérature engagée : pourquoi et comment les écrivains prennent-ils position ?

Certains écrivains ne se contentent pas de raconter des histoires : ils écrivent pour défendre une cause, dénoncer une injustice ou faire entendre des voix oubliées. C’est ce qu’on appelle la littérature engagée. Elle utilise le pouvoir des mots pour agir sur la société.

Tu es au bon endroit si tu veux comprendre pourquoi des auteurs comme Victor Hugo, Zola ou Camus ont pris la plume pour s’engager, et comment leurs textes peuvent encore aujourd’hui nous faire réfléchir et réagir.

L’écrivain engagé : une voix qui ne reste pas neutre

Un écrivain engagé est un auteur qui refuse de rester silencieux face aux problèmes de son époque. Il utilise la littérature comme un outil de combat, un moyen de prendre parti. Ses textes ne se contentent pas de représenter le monde : ils veulent aussi le transformer. Cette prise de position peut concerner la politique, la justice, les droits humains, l’environnement, ou encore les questions sociales.

Un des exemples les plus célèbres de littérature engagée est le texte « J’accuse » d’Émile Zola, publié en 1898. Dans cette lettre ouverte, Zola défend le capitaine Alfred Dreyfus, un officier juif injustement accusé de trahison. L’écrivain dénonce l’antisémitisme de l’armée et de la justice. Malgré les risques (il sera poursuivi en justice et contraint à l’exil), Zola ne recule pas. Son texte est devenu un symbole du courage intellectuel et de la liberté d’expression.

Un autre grand écrivain engagé est Victor Hugo. Dans Les Misérables, il s’attaque à la misère sociale, à la violence de la justice et à l’exclusion. À travers des personnages comme Jean Valjean, ancien forçat poursuivi toute sa vie, ou Fantine, mère célibataire tombée dans la pauvreté, Hugo dénonce une société injuste et appelle à plus de compassion. Il ne cherche pas simplement à émouvoir le lecteur, mais à le faire réfléchir sur le sort des plus démunis.

S’engager, c’est donner une voix à ceux qu’on n’entend pas

Un écrivain engagé, c’est aussi quelqu’un qui donne la parole à ceux qu’on oublie, qu’on ignore ou qu’on refuse d’écouter. Il utilise sa notoriété, son talent et ses mots pour porter la voix des opprimés.

Par exemple, Albert Camus, prix Nobel de littérature, est connu pour son engagement contre l’injustice. Dans La Peste, il raconte une ville frappée par une épidémie, métaphore de la guerre et de l’occupation nazie. Ce roman est une réflexion sur la solidarité, la responsabilité et la résistance. Dans L’Étranger, Camus aborde aussi l’absurdité de la condition humaine et la difficulté à trouver du sens dans un monde souvent injuste.

De manière différente, George Orwell, dans son célèbre roman 1984, imagine une société où l’État surveille tout, où la pensée est contrôlée et où la vérité est manipulée. Bien que ce soit une fiction, Orwell dénonce les régimes totalitaires, la propagande et la censure. Il montre à quel point il est dangereux de laisser la liberté de pensée disparaître.

Ces textes, bien qu’écrits il y a plusieurs décennies, restent très actuels : ils nous parlent encore aujourd’hui des violences d’État, des inégalités, de la liberté d’expression ou de la lutte contre l’indifférence.

Une littérature engagée aux formes variées

S’engager par l’écriture ne veut pas forcément dire écrire un discours politique ou un article de journal. La littérature engagée peut prendre de nombreuses formes : roman, poésie, théâtre, essai, pamphlet… Chaque genre offre des moyens différents d’exprimer une idée, de faire passer un message.

Voici quelques formes classiques de l’engagement littéraire :

• Le roman réaliste : comme Germinal d’Émile Zola, qui plonge le lecteur dans le quotidien dur et dangereux des mineurs de fond au XIXe siècle. En décrivant leur souffrance et leur lutte, Zola dénonce l’exploitation des ouvriers et l’injustice du système capitaliste.
• La poésie engagée : pendant la Seconde Guerre mondiale, Paul Éluard écrit pour soutenir la Résistance. Dans son poème « Liberté », il célèbre cette valeur fondamentale, qu’il inscrit « sur les pages lues, sur toutes les pages blanches », jusqu’à ce qu’elle « soit reconnue » par tous.
• Le théâtre engagé : dans Les Justes, Camus met en scène un groupe de révolutionnaires qui préparent un attentat. À travers cette pièce, il interroge le rapport entre violence et justice : peut-on tuer pour une cause juste ? Quelles sont les limites de l’engagement politique ?
• Le pamphlet ou le discours : très direct, ce type d’écrit sert à dénoncer clairement une injustice. Outre J’accuse, on peut penser aux textes et discours de Simone de Beauvoir, qui s’est battue pour les droits des femmes et contre les discriminations.

Prendre position : un acte de courage

S’engager par l’écriture n’est pas sans conséquences. Certains écrivains ont payé très cher leur prise de position : emprisonnement, exil, censure, menaces de mort…

Par exemple :

• Voltaire a été emprisonné à la Bastille pour ses écrits satiriques contre la monarchie et l’Église.
• Victor Hugo a été contraint à l’exil pendant 19 ans, car il critiquait le régime autoritaire de Napoléon III.
• Le russe Alexandre Soljenitsyne, après avoir dénoncé les camps de travail soviétiques dans L’Archipel du Goulag, a été expulsé de son pays.
• Salman Rushdie, après la publication des Versets sataniques, a été menacé de mort par une fatwa en Iran.

Ces écrivains ont montré que la liberté d’écrire pouvait être dangereuse, mais qu’elle restait une arme puissante contre l’oppression.

Une littérature toujours engagée aujourd’hui

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’engagement littéraire n’a pas disparu. Aujourd’hui encore, de nombreux écrivains utilisent leur plume pour questionner la société, défendre des idées ou porter des voix invisibles.

• Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, raconte sa propre vie pour parler des inégalités sociales, de la condition des femmes, de l’avortement ou encore de la mémoire collective. En mêlant autobiographie et engagement, elle rend visible ce que beaucoup préfèrent taire.
• Delphine de Vigan, dans Rien ne s’oppose à la nuit, aborde avec sincérité la maladie mentale, les blessures familiales et la difficulté de se reconstruire. Ce n’est pas un texte militant, mais il pose des questions essentielles sur la souffrance psychique et la résilience.
• Leïla Slimani, avec des romans comme Chanson douce, et Édouard Louis, avec En finir avec Eddy Bellegueule, s’attaquent à des sujets sensibles : la violence sociale, l’homophobie, les traumatismes familiaux ou encore la précarité. À travers leurs récits, ils révèlent les fractures de notre société.

Ces auteurs n’imposent pas leur opinion : ils ouvrent des débats, poussent à la réflexion et nous aident à voir le monde autrement.

Conclusion – La force des mots face à l’injustice

Lire un écrivain engagé, c’est accepter de se confronter à des idées, à des vérités parfois dérangeantes. C’est découvrir que la littérature ne se limite pas au rêve ou à l’évasion : elle peut aussi être une forme de résistance, un appel à la conscience, une arme pacifique, mais puissante.

Les écrivains engagés ne prétendent pas toujours avoir raison. Mais ils choisissent de ne pas se taire. Leur courage, leur lucidité, leur humanité nous rappellent que les mots peuvent dénoncer, éveiller, et même changer les choses.

Et peut-être qu’en les lisant, nous aussi, nous apprendrons à nous interroger, à nous indigner, et à agir à notre manière, face aux injustices du monde.