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Philosophie : Repères sur Platon

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Platon est l’inventeur de la philosophie. Malgré son antiquité et sa forme dialoguée à l’apparence ludique, son œuvre n’a rien d’inactuel. En fait, il est même facile de s’y perdre tant Platon aime jouer avec les attentes de son lecteur. Cet article te servira à te repérer dans cette pensée labyrinthique, qui n’a pas fini de nous livrer ses secrets.

La vie de Platon

Platon est né vers 427 av. JC. Citoyen d’Athènes, probablement de constitution robuste, il évolue, une fois adulte, dans une cité vaincue par Sparte à l’issue de la guerre du Péloponnèse, qui oscille entre régime tyrannique et régime démocratique, tous deux honnis par Platon. En 407, il devient le disciple de Socrate, personnalité connue pour sa maïeutique, un jeu de questions dont le but est que l’interlocuteur prenne conscience de son ignorance, et accouche d’un savoir enfoui en lui. Platon commence à écrire des dialogues mettant en scène son maître dès cette époque. Accusé de pervertir la jeunesse, Socrate est jugé et mis à mort en 399. Indigné par cette condamnation injuste, il se résout à rechercher le modèle de la cité idéale. Il fonde l’Académie, école de philosophie où Aristote devient son disciple, et y enseigne quarante ans. Entre 367 et 360, Platon entreprend plusieurs voyages en Grande-Grèce, c’est-à-dire au sud de l’Italie, avec comme projet de réformer les colonies grecques établies là-bas. En Sicile, il manque plusieurs fois de périr. Il meurt vers 347 av. JC.

Les influences

Socrate

Platon est d’abord influencé par son maître Socrate, qu’il considère comme un exemple surhumain de justice et de sagesse. Socrate, qui n’a jamais rien écrit, est le personnage principal de la plupart des dialogues, et le porte-parole de Platon. Il hérite de lui la pratique du dialogue, qui donne un premier sens de la dialectique, comme art de poser des questions et d’y répondre. On considère aussi que la doctrine selon laquelle nul ne fait le mal à dessein est socratique : c’est la thèse selon laquelle on ne fait jamais le mal que par ignorance du bien et qu’il est impossible de vouloir le mal pour le mal.

Pythagore

Platon doit une grande partie de sa doctrine à Pythagore, selon qui le nombre est la substance de toutes choses. Cela signifie que la réalité est une composition de rapports numériques : la musique, par exemple, est l’association de rapports tels que l’octave, la quinte ou la quarte. Le Timée, dialogue de cosmologie, établit ainsi, de nombreux siècles avant Descartes, que la réalité physique est avant tout géométrique.

Les sophistes et Parménide

La philosophie de Platon se comprend surtout par son opposition aux sophistes, sages auto-proclamés, qui considèrent, à la manière de Protagoras, qu’il n’y a pas de vérité objective, que l’homme est mesure de toute chose, que tout est conflit et flux. Cette conception est inspirée par Héraclite, selon qui Πάντα ῥεῖ (panta rhei), “tout s’écoule”, rien n’est stable ni fixe. À l’opposé de cette doctrine, Parménide et les Éléates estiment que “l’être est, le non-être n’est pas”. Cette logique rigoureusement binaire refuse tout changement et tout mouvement.

Dans sa dernière philosophie, Platon tisse ensemble ces deux doctrines contradictoires. Dans le Sophiste, il opère un parricide de Parménide, en montrant que, d’une certaine manière, le non-être est. Dans le Théétète, il réfute la position sophistique et héraclitéenne, qui identifie la science à la sensation fluctuante. Enfin, dans le Parménide, il pousse jusqu’au bout ces deux directions : dans le dialogue, le personnage de Parménide médite sur l’Un, et aboutit à une réfutation définitive et radicale des sophistes, tout en conduisant à son terme la thèse selon laquelle le non-être est. En distinguant plusieurs niveaux de réalité, Platon concilie l’éléatisme et la sophistique. Au sommet de la réalité, il y a l’Un, dont on ne peut rien dire, mais qui est la condition de tout le reste de la réalité. Les choses que nous rencontrons dans le monde sont réelles en tant qu’elles sont unes, en tant qu’elles participent de l’Un. À l’inverse, en tant qu’elles sont multiples, fluctuantes, elles sont des apparences, selon la description des sophistes. Dans ces derniers dialogues, la dialectique se présente ainsi comme le tissage nécessaire des contradictions.

Les principaux dialogues

La République

Justice dans l’âme et dans la cité

Dans La République, Platon s’interroge sur la nature de la justice dans l’âme. Il se sert de la cité comme d’un verre grossissant : ce qui est juste dans la cité permettra, par analogie, de savoir ce qui est juste dans l’âme. Dans la cité, la justice se trouve dans l’harmonie entre les différentes classes de citoyens : les citoyens ordinaires produisent, les gardiens défendent la cité, et les philosophes-rois la dirigent. Dans l’âme, il en va de même : l’appétit doit être forcé à la modération, l’irascibilité doit servir au courage, et l’intelligence à la sagesse. Ces vertus forment ensemble la justice. Le philosophe doit être gardé de l’influence des sophistes, et éduqué en conséquence.

Hiérarchie des sciences et des réalités

Le sommet de son éducation est la science des idées, qui sont ce qu’il y a de plus réel dans le monde, et l’idée suprême est le bien, qui donne aux autres idées leur réalité et leur statut. Platon construit ainsi une théorie de la réalité : les ombres et les reflets sont les moins réels, et copient les choses sensibles de notre quotidien. Plus haut, les réalités mathématiques sont les modèles des choses sensibles, et l’on peut les connaître par l’intelligence discursive. Enfin, au sommet, les idées sont les modèles des réalités mathématiques, et peuvent être connues par intuition. La remontée à cette science est décrite par l’allégorie de la caverne. Redescendre dans la caverne, c’est, pour le philosophe, se conformer à son devoir, et gouverner la cité avec justice.

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Les cités corrompues

En contraste, Platon décrit les différentes cités corrompues : d’abord la timocratie, où le pouvoir est aux mains des ambitieux, puis l’oligarchie, où il est aux mains des riches, puis la démocratie, qui est semblable à une anarchie où le peuple gouverne, et enfin la tyrannie, lorsque le pouvoir est confisqué par un seul dans son propre intérêt. Le dialogue s’achève avec le mythe d’Er le Pamphylien, qui décrit le destin de l’âme après la mort, et son choix d’une réincarnation.

Le Gorgias

Dans ce dialogue, Socrate est confronté successivement à trois défenseurs de la rhétorique. Gorgias d’abord, défend que la rhétorique est un art du discours, fondé sur une connaissance, mais Socrate lui fait admettre que la rhétorique peut persuader de n’importe quoi sans rien enseigner, et est donc davantage une technique qu’un art. À Polos, il montre que le rhéteur n’est pas tout-puissant, car il ne fait pas ce qu’il veut : la volonté repose sur un savoir, or le rhéteur n’en a pas. Il ne fait que ce qui lui plaît, et est esclave de ses passions. Calliclès est la dernière figure de la rhétorique, cette fois à visage découvert. Il prétend que tout plaisir doit être recherché, et que, par nature, les forts s’imposent aux faibles. Socrate lui montre au contraire que la vie désirable ne peut se réduire à la recherche du plaisir, et que la nature ne consiste pas en une oppression des plus faibles par les plus forts, mais en une harmonie organisée, un cosmos dont la géométrie rend compte.

Le Ménon

Le Ménon a pour objet de recherche la vertu. Ménon ne parvient pas à la définir, et l’aporie de sa recherche conduit à un paradoxe : comment peut-on recherche ce que l’on ignore ? Si on l’ignore, on ne peut le rechercher, car on ne sait pas ce que l’on doit chercher ; si on le connaît en revanche, on n’a pas besoin de le rechercher, puisqu’on le connaît déjà. Il doit donc y avoir une connaissance cachée, que la recherche met au jour. C’est la théorie de la réminiscence : l’âme connaît de toute éternité les sciences mathématiques et philosophiques, mais les a oubliées en s’incarnant dans un corps. La recherche permet de les retrouver. Socrate le prouve en présentant à un jeune esclave le problème du doublement de l’aire du carré : par des questions successives, il parvient à le faire accoucher de la connaissance selon laquelle le carré double a pour côté la diagonale du premier carré, dont la longueur est irrationnelle et vaut √2.

Le Phédon

Ce dialogue se termine par la mort de Socrate. Avant cela, il cherche à convaincre ses disciples que l’âme est immortelle, parce que simple et indestructible. L’âme est capable connaître les idées, qui sont ce qu’il y a de plus réel, car elles sont stables et identiques à elles-mêmes. La région sensible du monde, au contraire, est l’objet de l’opinion, car les choses sensibles sont floues, fluctuent et ne restent jamais identiques à elles-mêmes.

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Le Banquet

Le Banquet est une suite de discours sur l’amour. On y trouve le mythe des androgynes, selon lequel, autrefois, les hommes étaient unis à leur moitié, mais que, ayant voulu défier les dieux, ceux-ci les avaient punis en les séparant. Depuis, les hommes recherchent leur âme sœur, sans jamais recouvrer l’union dont ils jouissaient. Socrate, dans son propre discours, montre que l’amour est toujours amour de ce qui nous manque, et que l’objet du manque est la beauté. Il y a élévation dans l’amour de la beauté : l’homme aime d’abord les beaux corps, puis les belles âmes, et s’élève enfin à la science du beau et à l’idée du beau.

Le Politique

Dans Le Politique, Platon recherche la définition de l’homme politique. Procédant par division des genres en espèces, il trouve que le politique est un berger qui prend soin des hommes. Plus précisément, il a pour fonction le tissage des caractères contradictoires : il doit apparier les caractères plus vaillants avec les caractères plus modérés, afin de parvenir à une cité harmonieuse.

 

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