Dans cet article, nous revenons avec toi sur des questions primordiales en philosophie : qu’est-ce que l’identité ? qu’est-ce que la différence ? De quoi compléter tes révisions pour l’épreuve de philosophie.
L’identité a un sens métaphysique, logique ou encore moral et politique, et il en va de même pour son opposé, la différence. Que signifient-ils tous ?
L’identité désigne en général ce dont on peut dire qu’il est “le même” : le mot vient en effet du latin idem, qui signifie aussi “le même”. L’identité métaphysique concerne cette relation dans le cas de l’essence des choses : qu’entend-on lorsqu’on dit qu’une chose est identique à elle-même, ou à une autre ?
Le bateau de Thésée
Dans ses Vies des hommes illustres, Plutarque rapporte la légende selon laquelle le bateau de Thésée, après le retour de celui-ci à Athènes, aurait été préservé, par le remplacement des pièces usées par des pièces neuves, de sorte que, après un temps suffisamment long, il ne restait plus aucune pièce d’origine du bateau, mais le bateau avait le même aspect que lorsqu’il était revenu de son périple. Dès lors, deux écoles s’opposent : les uns considèrent que le bateau est le même, puisqu’il garde le même aspect, alors que d’autres considèrent qu’il est différent, puisqu’aucune pièce n’a été maintenue. Dans un cas, l’identité repose sur la forme, dans l’autre, sur la matière.
Hobbes, dans le De Corpore (“Du corps”), considère que c’est l’identité de matière qui est la seule authentique. Pour le montrer, il fait l’expérience de pensée suivante : imaginons que, avec les pièces remplacées, l’on ait reconstruit le bateau de Thésée à l’identique, plus loin. L’on aurait deux bateaux de Thésée : celui des pièces remplacées, usé, et celui des pièces remplaçantes, neuf. Pour Hobbes, il est bien certain que c’est le bateau usé qui est identique au bateau de Thésée, puisque ce sont sur ces pièces que Thésée a navigué, bien qu’elles soient usées.
Il y a ainsi un paradoxe dans la restauration. Restaurer la cathédrale Notre-Dame de Paris à l’identique, par exemple, n’est-ce pas justement trahir l’identité de la cathédrale, en remplaçant les pièces d’origine, calcinées, par des pièces neuves, mais extérieures à la cathédrale d’origine ? Ou bien l’identité est-elle plutôt dans la forme ?
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Un monde de différences ?
Ce problème est si difficile à résoudre que l’on pourrait être tenté de le trancher en affirmant qu’il n’y a tout simplement pas d’identité dans la réalité. Cela impliquerait, d’abord, que toute chose change dans le temps, et s’use, à la manière du bateau de Thésée, de sorte que rien n’est jamais identique à soi-même : même dans l’instant présent, la chose changerait, et quitterait son identité. Cela signifierait aussi que, dans l’espace, rien n’est identique à soi-même : mon corps n’est pas identique à lui-même, mais toutes ses parties diffèrent irréductiblement les unes des autres, de sorte qu’il n’y a pas d’unité identique du corps à travers ses parties, mais une pulvérisation de mes organes en différences multiples. Cela abolirait le langage, car, si tout est toujours différent de soi-même et des autres choses, alors les noms et les adjectifs, qui dénotent quelque chose de stable et de général, ne peuvent rien désigner de réel. Cela abolirait enfin l’être, car l’être implique une telle stabilité et une telle identité à soi-même, niée dans le devenir incessant de différence en différence. C’est là une position proche de celle de Protagoras, en tout cas telle que présentée par Platon dans le Théétète.
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Un monde d’identité ?
La position protagoréenne semble donc se nier elle-même, car elle implique un renoncement au langage. Cela signifie-t-il qu’il faut abandonner la différence entre les choses, et considérer qu’il n’y a que de l’identité ? Cela impliquerait que les différences que nous apercevons entre les choses (entre le bateau usé et le bateau neuf, entre un chat et un chien, entre toi et moi) ne seraient que des illusions : le réel ne serait qu’une grande identité. C’est une thèse moniste (qui postule qu’il n’existe qu’une seule substance partagée par tout ce qui existe) soutenue par Parménide : l’être est, le non-être n’est pas, et, comme la différence est un non-être (dire “le bateau usé est différent du bateau neuf”, c’est dire “le bateau usé n’est pas le bateau neuf”), il n’y a pas de différence dans l’être, mais tout ce qui est véritablement est identique. Cependant, cette position aussi détruit le langage, car le langage a besoin au moins d’une dualité, celle du sujet et du prédicat. Si je dis “Socrate est un homme”, je pose une identité (celle de Socrate est de “l’hominité”) et en même temps je pose une différence (“Socrate” et “un homme”, cela ne désigne pas exactement la même chose). Il faut donc, pour pouvoir tenir un discours, articuler identité et différence, et admettre que les deux doivent coexister dans le réel.
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Le principe d’identité
Pour Hegel, cette coexistence de l’identité et de la différence est en fait comprise elle-même dans une bonne compréhension de ce qu’est l’identité. Dans sa Science de la logique, il revient ainsi sur ce que l’on appelle le principe d’identité. Ce principe est un des grands principes de logique. Il est formalisé ainsi : A = A. Autrement dit, toute chose est identique à elle-même. Ce principe paraît évident, et il s’oppose au principe de non-contradiction, selon lequel rien ne peut être en même temps et sous le même rapport quelque chose et sa négation. Par exemple : il ne peut pas à la fois pleuvoir et ne pas pleuvoir. Ou encore : Socrate ne peut pas à la fois être mort et vivant.
Pour Hegel, le principe d’identité produit en fait naturellement le principe de non-contradiction, car, si l’on dit que A = A, l’on pose bien une identité, mais, en même temps, l’on pose deux A, l’un comme ce qui est identifié, l’autre comme ce à quoi on l’identifie. Ainsi, l’on pose en même temps une différence entre les deux A. Or, on l’a vu, la différence est une négation. Dès lors, dire A = A, cela implique de dire A = ¬A (A est identique à non-A). Or, cette formulation correspond au principe de non-contradiction, qui interdit justement ce genre de jugements. Ainsi, l’identité elle-même produit la différence, et même la contradiction.
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L’identité des indiscernables
Leibniz ajoute au principe d’identité un autre principe, celui de l’identité des indiscernables. Pour lui, si deux choses sont parfaitement indiscernables l’une de l’autre, alors ces deux choses sont identiques – autrement dit, elles sont une seule et même chose. Cela signifie que toutes les choses que nous croisons sont toujours différentes des autres choses, par la forme par exemple. C’est le cas de chaque feuille que l’on rencontre, ou de chaque flocon : aucun n’est identique aux autres. Ce principe repose sur le principe de raison suffisante : à toute chose il faut une raison suffisante qui explique pourquoi elle est telle et pas autre. Or, si deux choses étaient indiscernables sans être identiques, il n’y aurait pas de raison suffisante pour laquelle l’une serait, par exemple, à tel endroit, et l’autre à un autre endroit. Donc, en raison du principe de raison suffisante, tout ce qui est indiscernable est identique.
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