matière et forme philosophie

Philosophie : La matière et la forme

Au sommaire de cet article 👀

La philosophie fait partie des enseignements communs à tous les élèves de terminale, peu importe leur choix de spécialité. Dans ce nouvel article, nous faisons le point sur les notions de matière et de forme. De quoi briller dans ta prochaine dissertation ! 

Les notions de forme et de matière semblent revêtir des sens très clairs dans le langage courant, toutefois leur opposition n’est pas si évidente. Pourquoi la philosophie les met-elles ainsi en contraste ? Et quels sont les rapports que ces deux notions entretiennent ? La réponse à ces questions dans la suite de cet article.

Cause matérielle et cause formelle

L’opposition consacrée entre les deux concepts vient d’Aristote, qui, dans sa Physique, oppose la cause matérielle à la cause formelle. Par cause, Aristote entend les registres selon lesquels on peut décrire une chose, ce que l’on découvre si l’on s’interroge sur son origine, sa fin, etc. Pour une statue de marbre, par exemple, sa cause matérielle, c’est le bloc de marbre à partir duquel elle a été sculptée. Sa cause formelle, en revanche, c’est la forme de la statue, ses traits, ses courbes, la figure qu’elle présente.

Ces deux causes sont particulièrement entremêlées, car, dans le cas de la statue de marbre ou d’un être vivant, elles se conjuguent en un composé, un sunolon, autrement dit, dans le vocabulaire aristotélicien, une substance. Cependant, la substance est aussi en quelque sorte déjà dans la forme, car la substance est avant tout ce qui est déterminé dans la chose en question, tandis que la matière, elle, est toujours partiellement indéterminée. Le bloc de marbre, par exemple, est indéterminé du point de vue de ce qu’un sculpteur pourrait en faire, même s’il est déterminé en tant que bloc de marbre. Une fois que le sculpteur en a fait une statue, il est déterminé, il est devenu une nouvelle substance, par l’octroi d’une forme nouvelle qui le définit comme statue. Il faut ainsi insister sur le fait que, chez Aristote, la matière et la forme ne sont pas simplement deux aspects de la chose, mais un rapport dynamique qui va de l’indéterminé au déterminé : c’est ce que l’on appelle l’hylémorphisme, où hule signifie “matière”, et morphe “forme”. Ce rapport peut être compris comme une relation de la puissance à l’acte : le bloc de marbre est une statue en puissance, tandis que la statue une fois formée est en acte.

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Forme et formalisme

Avec l’abandon progressif de la philosophie aristotélicienne, le terme de “forme” a acquis un sens concurrent mais lié. Si l’on fait abstraction du sens dynamique du rapport entre matière et forme pour une statue, l’on comprend alors la matière comme simple contenu de la statue, tandis que la forme est comme son patron ou son modèle, applicable à toute autre matière. De ce point de vue, la forme n’est plus l’achèvement de ce qui est en puissance dans la matière, mais un modèle ou un gabarit vide que l’on peut remplir avec un contenu variable, qui sera sa matière. Cette conception de la forme et de la matière est plus conforme à la science moderne. En effet, la science aristotélicienne concevait une contingence irréductible des phénomènes physiques, du fait de l’indétermination maintenue de la matière, tandis que la science moderne conçoit les phénomènes comme parfaitement déterminés, de sorte que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets : la matière n’y apporte aucune indétermination.

La forme dans ce sens est particulièrement présente dans le formalisme logique, qui s’intéresse à la validité des raisonnements selon leur forme, indépendamment de leur contenu : il en va ainsi dans la science des syllogismes, dès Aristote, et du calcul des propositions moderne. En science moderne, la loi, qui est un rapport constant entre les phénomènes, est elle aussi formelle : elle énonce que, quels que soient les objets concernés, ceux-ci entretiendront un rapport identique.

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Matière et forme chez Kant

Cette nouvelle conception du rapport entre forme et matière est intégrée dans le renouvellement de la philosophie épistémologique que propose Kant dans la Critique de la raison pure : la forme et la matière ne sont plus conçus à même les objets, mais dans le rapport entre le sujet connaissant et les phénomènes qu’il perçoit et étudie. Chez Kant, la matière consiste ainsi dans le divers sensible reçu dans l’intuition et la sensibilité, matière ensuite organisée et déterminée selon les formes des diverses facultés humaines.

D’abord, la matière est déterminée selon les formes a priori de la sensibilité que sont l’espace et le temps : toute chose dont on peut faire l’expérience sera perçue dans l’espace et le temps, dont l’ordre détermine tous les phénomènes. Ensuite, cette matière déjà en partie informée et organisée est pensée via les concepts purs de l’entendement, appelés catégories. Ces catégories sont les formes a priori de l’entendement : la matière du divers sensible est ainsi organisées selon les concepts de qualité, de quantité, de modalité et de relation. Ainsi, chez Kant, la relation de causalité est pensée comme une forme appliquée à la matière reçue dans la sensibilité : quel que soit l’objet de l’expérience, il devra s’insérer dans le réseau de causes et d’effets pensé par l’entendement.

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