contigent nécessaire possible impossible

Philosophie : Le contingent, le nécessaire, le possible, l’impossible

À lire dans cet article :

Petite pause philosophique avec ce nouvel article au sujet des notions de contingent, de nécessaire, de possible et d’impossible. Nous faisons le point avec toi et t’aidons à y voir plus clair. 

Le contingent, le nécessaire, le possible et l’impossible sont les quatre modalités dont on fait usage, non seulement en philosophie, mais aussi dans toute science. Mais qu’entend-on exactement par modalité, et quels sont les rapports que ces modalités entretiennent entre elles ?

Dans la langue courante, on tient pour nécessaire d’abord ce qui est indispensable : si j’ai besoin de manger, il est nécessaire pour moi de manger. On appelle aussi nécessaire l’inévitable : par exemple, les lois de la nature sont nécessaires, au moins d’un point de vue humain, car il n’est pas possible de s’y soustraire. Dans cet article, on explorera les différents sens précis des termes de nécessaire, contingent, possible et impossible.

Le carré logique en philosophie

Les modalités peuvent d’abord se comprendre selon leurs relations réciproques, dans le carré suivant :

Nécessaire ←Contraire→ Impossible
↕Subalterne↕ Contradictoire ↕Subalterne↕
Possible ←Subcontraire→ Contingent
  • Le nécessaire et l’impossible sont contraires, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être vrais en même temps : quelque chose ne peut pas être à la fois nécessaire et impossible. En revanche, ils peuvent être faux en même temps : si quelque chose n’est ni nécessaire ni impossible, il peut être simplement possible, ou contingent.
  • Le nécessaire et le contingent sont contradictoires : être contingent, c’est la même chose que ne pas être nécessaire. De même, être impossible, c’est la même chose que ne pas être possible. Les contradictoires ne peuvent ni être vrais ensemble, ni être faux ensemble : quelque chose est soit nécessaire soit contingent, soit impossible soit possible.
  • Le possible et le contingent sont subcontraires, c’est-à-dire qu’ils peuvent être vrais ensemble, mais pas faux ensemble. Quelque chose peut en effet être à la fois possible et contingent. En revanche, quelque chose ne peut pas être ni possible, ni contingent, car le nécessaire est compris dans le possible, et le contingent dans l’impossible. Par conséquent, si quelque chose n’était ni possible, ni contingent, il ne serait même pas concevable.
  • Le nécessaire et le possible sont subalterne : cela signifie que si quelque chose est nécessaire, a fortiori il est possible. Le nécessaire est un cas particulier du possible. De même, si quelque chose est impossible (il ne peut pas être), alors à plus forte raison il est contingent (il pourrait ne pas être) : l’impossible est contenu dans le contingent et en est comme une radicalisation.

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La conception temporelle des modalités

On peut d’abord comprendre les modalités à partir de leur relation au temps. On définira ainsi chaque modalité :

  • Le nécessaire est ce qui existe toujours ou est toujours vrai.
  • L’impossible est ce qui n’existe jamais ou n’est jamais vrai.
  • Le possible est ce qui existe parfois ou existera, ou ce qui est parfois vrai ou sera vrai.
  • Le contingent est ce qui n’existe parfois pas ou n’a pas existé, ou ce qui est parfois faux ou a été faux.

Cependant, cette approche temporelle, privilégiée dans l’Antiquité, empêche par exemple de déterminer rigoureusement si quelque chose est impossible : comment savoir si cette chose, qui n’a jamais été vraie, ne sera pas un jour vraie ? Il est ainsi difficile de distinguer l’impossible du possible, alors que les deux sont contradictoires.

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La conception logique des modalités

Une autre approche est la conception logique, privilégiée à partir de Duns Scot, puis Leibniz. Elle s’appuie sur le concept de logique de contradiction : les contradictions sont des propositions toujours fausses, dont on attribue la fausseté en fonction de règles logiques prédéfinies. Ainsi, ⊥ (p ∧ ¬p), ce qui se lit “Il est faux qu’à la fois p et non-p“, p pouvant être n’importe quelle proposition. Par exemple, “il est faux qu’à la fois il pleuve et il ne pleuve pas”.

On définit ainsi l’impossible comme ce qui est contradictoire, et le possible comme ce qui n’est pas contradictoire. Ensuite, le nécessaire peut être compris comme ce dont la fausseté ou l’inexistence serait contradictoire (par exemple, si l’on considère que l’existence de Dieu est nécessaire, on dira que son inexistence est contradictoire). Enfin, le contingent est ce dont l’inexistence ou la fausseté ne seraient pas contradictoire (par exemple, j’existe, mais il ne serait pas contradictoire que je n’existe pas).

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Le problème de la bataille navale

La position mégarique

Pour les philosophes mégariques, la structure logique des modalités obligeait à admettre que tout est soit nécessaire, soit impossible. Par exemple, si l’on considère la proposition “Demain, il y aura une bataille navale”, il faut admettre que soit cette proposition est vraie, soit elle est fausse. Or, si elle est vraie, elle est vraie de toute éternité, et, si elle est fausse, elle l’est aussi de toute éternité, car toute proposition doit respecter le principe de bivalence, selon lequel toute proposition est soit vraie, soit fausse, et ne peut rien être d’autre. Ainsi, d’après Diodore Cronos, si l’on veut respecter le principe de contradiction et le principe du tiers-exclu, il faut admettre que tout est soit nécessaire, soit impossible. Il n’y a donc rien qui soit seulement possible, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de possibles qui ne se réaliseront jamais.

La solution d’Aristote

À cet argument, Aristote répliqua, dans son De l’interprétation, qu’il existait bien des futurs contingents, c’est-à-dire des futurs non-nécessaires, ou dont la valeur de vérité n’est pas établie de toute éternité. Cette réfutation repose sur la distinction entre la nécessité de la proposition et la nécessité de la disjonction entre la proposition et sa négation. Autrement dit, Aristote distingue entre dire que soit “il y aura une bataille navale” est nécessaire, soit “il n’y aura pas de bataille navale” est nécessaire, et dire qu'”il y aura une bataille navale ou il n’y aura pas de bataille navale” est nécessaire. Le premier cas est la position mégarique : soit l’existence de la bataille est nécessaire, soit son inexistence est nécessaire. Le second cas est la position aristotélicienne : la nécessité ne porte plus sur l’une ou l’autre proposition, mais sur l’alternative. Par conséquent, même s’il est nécessaire que la bataille navale ait ou non lieu, la bataille elle-même n’est pas nécessaire, ni l’absence de bataille. C’est seulement l’alternative qui doit être admise de toute éternité : le fait qu’il y ait une bataille, lui, est contingent (il pourrait ne pas être), de même que le fait qu’il n’y en ait pas.

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