Il y a 60 ans, de Gaulle et Adenauer signaient le traité de l’Élysée, symbole de l’axe franco-allemand en construction. Comment imaginer ces deux puissances si proches seulement 18 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Cela fait en partie du plan diplomatique français qui s’est efforcé pendant les 30 Glorieuses et la Guerre froide de se trouver une nouvelle place sur la scène mondiale.
L’ouverture de l’économie pendant les 30 Glorieuses
En 1945, la France sort exsangue de la Seconde Guerre mondiale. Mais son économie était déjà défaillante avant. Dans son rapport, Christian Soffaës dénonce l’organisation du tissu économique français. Le ruralisme et le provincialisme prédominent et l’industrie reste concentrée sur des domaines niches, trop peu généraux lui inspirant la formule de « culte du petit ».
Pour intégrer la France aux échanges internationaux, la première mesure est de nationaliser les principaux secteurs économiques afin de les développer au sortir de la guerre (secteur bancaire [banque de France en 45], les transports (Air France en 45), l’énergie (création EDF en 46), l’industrie mécanique [Renault en 45]).
Pour continuer à s’internationaliser, il faut créer une économie efficace. Cela passe par une large modernisation de l’agriculture via la mécanisation (utilisation de machines plutôt que la force humaine). Cela permet un déversement sectoriel vers l’industrie et le tertiaire, des activités à plus forte valeur ajoutée.
Ce que tu dois retenir, c’est que les 30 Glorieuses marquent la naissance d’un « modèle français » encore très visible. On est dans une économie mixte, c’est-à-dire que même si les entreprises sont autonomes, il y a une forte implication de l’État dans l’économie pour dynamiser le marché (par exemple, de Gaulle crée en 1964 la SICAV pour orienter l’épargne de la population vers les entreprises du pays).
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La remise en question de la puissance coloniale de la France
À son apogée, l’empire colonial français était le deuxième mondial avec plus de 12.5 millions de km² (23 fois la taille de la France métropolitaine). S’il était son principal atout de puissance, notamment à la fin du XIXe siècle, ce n’est plus le cas après 1945. Dès septembre 1945, Ho-Chi-Minh déclare unilatéralement l’indépendance de l’Indochine. Vont alors suivre 8 années de guerre (46-54) jusqu’à la défaite de Dien Bien Phu entérinant la défaite française. De même, une violente guerre d’indépendance surgit en Algérie (54 – 62) à la fin de laquelle cette dernière prend son indépendance. La France a perdu la plupart de ses colonies et surtout, ces guerres ont déstabilisé la politique intérieure. Ainsi, même en métropole, des courants émergent pour prôner une remise en cause du modèle actuel et pour s’appuyer sur la puissance de la France sans ses colonies. Certains considéraient qu’elles étaient trop coûteuses et qu’il fallait plutôt penser au financement de la reconstruction en France. C’est le cas du cartiérisme, du nom de Raymond CARTIER laissant cette célèbre formule : « La Corrèze avant le Zambèze ».
Avec l’émergence des armes nucléaires, les critères de puissance changent. La France s’en accommode en recentrant sa puissance sur ce secteur et d’autres industries de pointe. L’État va lancer de nombreux programmes aboutissant par exemple à l’obtention de la bombe nucléaire en 1960, notre premier satellite (Astérix) et notre première fusée (Diamant) en 1965. On est rentré dans une période de « colbertisme high-tech » comme disait Elie COHEN, c’est-à-dire que l’État investit pour faire émerger des champions nationaux dans les domaines de pointe, assurant in fine sa puissance.
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La France comme moteur européen
Ne fondant plus sa puissance sur elle-même, la France cherche à s’ouvrir pour former un bloc de pays exerçant une influence majeure. En 1951, la CECA, Communauté européenne du charbon et de l’acier, est créée entre 6 pays (Allemagne, France, Luxembourg, Belgique, Italie, Pays-Bas). Si l’idée est d’empêcher le retour de la guerre en mutualisant les matières premières servant à l’industrie lourde (acier, charbon), il est aussi question d’une solidarité entre ses pays pour créer à terme des relations privilégiées et donc un ensemble fort. Par sa « méthode des petits pas », Robert Schuman annonce en 1950 la volonté d’aboutir à des « solidarités de fait » entre ces pays. Autrement dit, il souhaite faire une intégration progressive de ces pays via des délégations de souveraineté, par exemple, pour tendre à terme vers une union complète.
En 1963, par la signature du traité de l’Élysée, la France et la RFA lancent l’axe Paris-Bonn (Paris-Berlin depuis la fin de la Guerre froide) et vont dès lors s’affirmer comme des moteurs pour cette construction européenne.
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Un pays conciliateur entre toutes les parties du monde
Certes la France appartient au bloc occidental, comme le montre son appartenance à l’OTAN. Pourtant, elle s’affirme peu à peu comme un électron libre voulant avoir des relations avec tous les pays, qu’ils soient du camp occidental, communiste ou du tiers-monde.
En effet, la France refuse d’être un vassal des États-Unis. Elle se retire du commandement intégré de l’OTAN en 1966 (autrefois siégeant à Rocquencourt à côté de Versailles). Elle refuse que sa bombe atomique soit soumise au contrôle de l’OTAN comme aurait voulu Kennedy, c’est-à-dire devoir demander l’autorisation à ses alliés avant de l’utiliser. C’est ce qu’ont fait les Anglais par exemple avec les Accords de Nassau (1962). De Gaulle a donc encore fait le choix d’une force de dissuasion autonome. Il ose aussi critiquer ouvertement les États-Unis comme lors du discours de Phnom Penh en 1966 en dénonçant leur intervention au Vietnam.
Concernant les relations en dehors du bloc occidental, de Gaulle est d’abord à l’initiative d’un rapprochement fort avec le camp communiste. En effet, il fait partie des premiers Occidentaux, en 1964, à reconnaître la RPC de Mao comme la Chine, affront pour les États-Unis. Il se rend aussi à Moscou en 1966 et à Bucarest deux ans plus tard. Concernant le Tiers-Monde, le pays conserve aussi de forts liens notamment en Afrique, qu’ils soient économiques ou diplomatiques comme le montre l’intervention française au Zaïre (futur RDC) en 1977 avec le Maroc et à Kolwezi (Zaïre) en 1978.
Tu dois donc principalement retenir que la volonté principale de la France était d’être une puissance autonome et indépendante stratégiquement tout en conservant des alliés et une protection assurée par l’OTAN. Alors même qu’elle était détruite en 1945, elle a su s’affirmer comme une puissance conciliatrice, lui conférant un statut international privilégié pendant la Guerre froide.