Arme nucléaire, limitation et évolution

L’arme nucléaire : limitation et évolution de l’armement nucléaire

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Qu’est-ce que l’arme nucléaire ? Pourquoi est-elle qualifiée d’arme de dissuasion ? Existe-t-il une ou des armes nucléaires ? Son utilisation est-elle encadrée ? Et quels pays la possèdent ? Nous essayons de répondre aux multiples questions que soulève l’arme nucléaire en deux articles, celui ci-dessous constituant la seconde partie, centrée sur les accords de limitation sur la possession d’armes nucléaires, et sur l’évolution de cet armement au sein des pays.

Les accords de limitation

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le nombre de têtes nucléaires dans le monde n’a pas du tout connu une croissance continue depuis la mise au point de l’arme nucléaire (on compte en nombre de tête, car une ogive ou bombe peut se diviser en plusieurs têtes et toucher autant de cibles différentes). Depuis le point culminant de 1986 70 000 têtes nucléaires existaient dans le monde (de façon écrasante possédées par les USA et l’URSS), l’arsenal mondial est passé à un peu plus de 12 000 têtes aujourd’hui (à 93% possédées par les USA et la Russie). Plusieurs traités internationaux de limitation des armes nucléaires ont permis cette diminution. Ils ont même commencé bien avant 1986, après la crise des missiles à Cuba en 1962[1], sans avoir une grande efficacité au départ certes.

Le premier accord notable est le TNP (Traité de Non-Prolifération nucléaire), signé en 1968. Il concerne notamment les pays qui n’ont pas encore l’arme nucléaire, les pays la possédant leur proposant d’arrêter leurs recherches pour l’arme nucléaire en échange d’une aide au développement du nucléaire civil, pour la production d’électricité. Mais au moins, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord ne l’ont pas respecté, obtenant l’arme nucléaire après le TNP (que l’Iran signe en 1968, avant la révolution de 1979).

En 1972, les accords SALT I (Strategic Arms Limitation Talks) voient le jour, complétés par SALT II en 1979. Il s’agit d’accords de limitation, non de réduction du nombre d’armes nucléaires.

Le premier accord majeur de réduction du nombre d’armes nucléaires est signé en 1987, avec le traité INF (Intermédiaite-range Nuclear Forces treaty), après la crise des euromissiles (1977-1987)[2]. Le traité INF prévoit l’élimination des missiles à courte et moyenne portée du sol européen. Il reste très important jusqu’à sa dénonciation par D.Trump, la Russie n’ayant pas respecté l’accord en installant des missiles Iskander dans l’enclave russe en Europe à Kaliningrad.

La fin de la guerre froide marque une fin de la course à l’armement nucléaire, avec un apaisement (relatif) des tensions interétatiques dans les années 1990. Ainsi sont signés les accords START I en 1991(STrategic Arms Reduction Talks, remplaçant les accords SALT), qui prévoient d’une part une réduction des vecteurs nucléaires stratégiques et d’autre part que les ex-républiques socialistes soviétiques membres de l’URSS et devenues autonomes s’engagent à détruire l’arme nucléaire ou à la redonner à la Russie, ainsi qu’à signer le TNP. Puis en 1996, est signé le TICE (Traité d’Interdiction Complète des Essais Nucléaires) à l’ONU, les essais étant désormais remplacés par des simulations sur ordinateur.

Les années 2000 sont plus incertaines : après les attentats du 11 septembre 2001, les USA se retirent des accords ABM (Anti-Ballistic Missiles, signés en 1972 et qui interdisaient le déploiement d’un bouclier anti-missile sur tout le territoire). De ce fait, la Russie refuse de ratifier les accords START II et en 2004 les USA déploient un bouclier antimissile pour eux, le Japon et l’OTAN. La Russie dénonce ce bouclier antimissile comme étant tourné contre elle, bien que les USA affirment qu’il s’adresse aux « États voyous » de « l’axe du mal » (Irak, Iran, Corée du Nord notamment). En remplacement de START II sont signés les accords SORT en 2002, qui permettent de stocker les têtes nucléaires non déployées (la Russie signe, car l’arme nucléaire est chère à entretenir). Enfin en 2010 sont signés les accords New Start, remplaçant les accords SORT, et prévoyant une nouvelle réduction du nombre de têtes déployées pour 2018 (moins de 1550 pour les USA comme pour la Russie). La possibilité de stocker les têtes non déployées explique le fait que plus de 12 000 têtes existent encore aujourd’hui, bien que ce chiffre reste incomparable à ceux connus au pic de 1986 sous la guerre froide.

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L’évolution de l’armement nucléaire dans le monde

Si ces accords de réduction de l’armement nucléaire concernent en premier lieu les USA et l’URSS puis la Russie, qui possèdent à eux deux encore 93% du nombre de têtes nucléaires, d’autres pays possèdent l’arme nucléaire. On en compte officiellement 8 aujourd’hui : USA, Russie, Royaume-Uni, France (seule en Union européenne depuis le Brexit), Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord. Israël la possède également a priori, sans que cela ne soit déclaré.

Dans les années 2000, dix ans après la fin de la guerre froide, la dissuasion nucléaire n’est plus le centre des politiques de sécurité nationale, qui se focalisent sur les nouvelles menaces : le terrorisme islamiste et les cyberattaques.

Les années 2010 voient en revanche un regain d’importance de la dissuasion nucléaire et des arsenaux nucléaires autour de la Chine, de la Russie, de l’Inde, du Pakistan et des tensions autour du programme nucléaire iranien. Ainsi, le risque d’utilisation de l’arme nucléaire augmente, conduisant aujourd’hui un risque de prolifération de l’arme nucléaire (c’est-à-dire que d’autres pays chercheraient à l’obtenir, par exemple la Corée du Sud si les États-Unis n’assurent plus leur protection, alors que le voisin nord-coréen la possède) et même à un risque de dissémination (c’est-à-dire de possession de l’arme nucléaire par des groupes non étatiques, par exemple des groupes terroristes).

Sur ce sujet du risque de prolifération, la question du programme nucléaire iranien cristallise les tensions à l’échelle mondiale. Officiellement, l’Iran n’a jamais eu l’objectif de posséder l’arme nucléaire, le programme nucléaire iranien ne visant que la production d’électricité. De fait, l’Iran n’a jamais franchi le « seuil nucléaire », contrairement à la Corée du Nord avec un premier essai en 2006. Le programme nucléaire iranien est lancé en 1950 avec l’aide des USA, dont le Chah, ou chef iranien, est l’allié. Cette aide s’arrête avec la révolution islamique en Iran en 1979, les USA étant désigné comme « le grand Satan ». Mais en 2002 l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) découvre un site nucléaire iranien à Natanz possédant un uranium enrichi à deux taux bien supérieurs à ceux nécessaires au nucléaire civil (la production d’électricité, alors que la bombe A requiert de l’uranium fortement enrichi). D’où le début des négociations sur le nucléaire iranien, après un embargo en 2006. Mais les tensions montent jusqu’en 2013, l’Iran reprenant l’enrichissement. Une désescalade s’amorce à partir de 2013, aboutissant aux accords de 2015 sur le nucléaire iranien, signés par l’Iran, l’Allemagne et les cinq membres du conseil permanent de l’ONU (USA, Russie, Chine, France, Royaume-Uni). Ces accords prévoient une limitation du programme d’enrichissement contre une levée progressive des sanctions, qui pèsent lourdement sur l’économie iranienne. Selon l’AIEA, l’Iran respectait ses engagements en 2016. Mais D.Trump fait sortir les USA de l’accord en 2018, avant de demander en 2020 à ce que l’ONU applique également des sanctions, pour non-respect de l’engagement pris en 2015. La situation n’est pas réglée aujourd’hui.

Ainsi, l’arme nucléaire est avant tout une arme de dissuasion par l’ampleur des dégâts qu’elle peut causer avec un seul bombardement. C’est un outil très précieux pour prévenir des conflits et garantir sa souveraineté et celle de ses alliés (membre de l’OTAN notamment, protégés par les USA). Mais une fois le conflit déclenché par d’autres moyens, l’arme stratégique (et non tactique) n’est plus utile, d’où les difficultés actuelles en Ukraine : si l’Ukraine avait été dans l’OTAN, la Russie n’aurait vraisemblablement pas osé l’attaquer, face à la perspective d’une réponse nucléaire par les USA. Mais maintenant qu’elle est envahie, les USA (ou autre puissance nucléaire) ne peuvent utiliser l’arme nucléaire stratégique sur la Russie, car elle aurait le temps de lancer la sienne vers les USA avant d’être touchée. Cette guerre menée par la Russie en Ukraine risque donc de renforcer la volonté des pays de posséder l’arme nucléaire pour assurer leur souveraineté, d’où un risque de prolifération nucléaire accru, et donc d’escalade nucléaire.

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[1] Très forte montée des tensions entre USA et URSS en octobre 1962 après l’installation de missiles nucléaires soviétiques à Cuba (île voisine des USA, communiste depuis la révolution de 1959), alliée de l’URSS.

[2] Période de relations tendues entre les blocs Est (autour de l’URSS) et Ouest (derrière les USA), due aux premiers déploiements en 1977 de missiles soviétiques SS-20 pointés vers l’Europe de l’Ouest, et qui dure jusqu’à la signature du traité INF en 1987.

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