Afrique: nouvelle terre de conquête pour les puissances étrangères

Afrique: nouvelle terre de conquête pour les puissances étrangères

Au sommaire de cet article 👀

Depuis les années 2000, l’Afrique est le dernier front pionnier. D’après la FAO1, 20% des terres pourraient encore être utilisées pour l’agriculture. Les acquisitions foncières en Afrique ont fortement augmenté, si bien que 785 contrats ont été conclus entre 2000 et 2021, soit 30 millions d’hectares. Les anciennes puissances coloniales n’ont plus la dominance face à la concurrence asiatique. Alors que l’Afrique était au cœur de la conquête coloniale au XIXe siècle, il semble qu’elle attire à nouveau les convoitises. L’Afrique est-elle le nouveau théâtre de la conquête pour les puissances étrangères ?

Rappel de la colonisation africaine

Afin de mieux comprendre les dynamiques actuelles en Afrique, remémorons-nous l’Afrique durant la colonisation.

l'Afrique durant la colonisation

Pourquoi l’Afrique?

Une terre riche en pétrole et minerais

L’Afrique est un des rares endroits où l’on peut encore accéder au pétrole dans de bonnes conditions de contrats et de fiscalité. C’est une région cruciale pour l’approvisionnement du monde : elle regroupe 30% des réserves de minerais et 10% du pétrole mondial. 

L’Algérie est le 1er producteur de gaz naturel et le 3ème pays pétrolier de l’Afrique. Mais sa production a baissé en 2007 du fait de l’insécurité à la frontière libyenne, après les attaques en 2013 des installations gazières d’In Amenas par un groupe islamiste. Le champ pétrolier Hassi Messaoud est le plus productif (40% de la production algérienne) et contient encore des réserves. Hassi R’mel produit 60% du gaz naturel algérien. 

L’Afrique du Nord exporte principalement en Europe (Libye vers l’Italie et Algérie vers la France -GNL2). Gazoducs sous-marins : medgaz. Le détroit d’Ormuz fait transiter 1/3 des flux maritimes de pétrole et des GNL.  Les principaux pays exportateurs de pétrole en Afrique sont : Algérie, Libye, Nigéria, Angola, Gabon et Congo. Depuis 2010, on observe une ruée vers l’or du Darfour au Soudan jusqu’en Mauritanie (les 2/3 de la production sont exploités par des multinationales : AngloGold, Ashanti, Randgold). Cela représente 90% des exportations du Mali et 80% pour le Burkina Faso.  Des contrats ne sont pas toujours favorables aux pays exportateurs, le Tchad ne perçoit que 12% de la valeur de son brut exporté.

Une terre fertile

Par ailleurs, l’Afrique offre également de l’agrobusiness et des exploitations forestières. Cela répond à des objectifs économiques pour permettre de sécuriser l’approvisionnement des états (un pays comme la Chine a beaucoup de bouches à nourrir). Les gouvernements en attendent de nouvelles rentes et une création d’emplois. Cependant, les organisations de la société civile dénoncent cette pratique, estimant qu’elle accentue l’insécurité alimentaire dans les pays producteurs, une concurrence agricole familiale pour les meilleures terres et l’eau. Des pratiques qui écartent les agriculteurs, contribuent à brader le patrimoine foncier national et, par ailleurs, la mécanisation génère peu, voire pas, d’emplois.

Un continent qui a du poids

Par ailleurs, la croissance démographique africaine, qui devrait doubler d’ici 20503, constitue un nouveau marché stratégique. Avec 54 États, le continent dispose également d’un poids diplomatique important à l’ONU, pouvant servir de levier pour influencer les décisions internationales.

Les acteurs de la reconquête de l’Afrique

La Chine

Depuis les années 2000, l’Afrique est une des scènes les plus visibles de l’émergence chinoise. Seul Eswatini reconnait encore Taïwan en 2021. La Chine finance de nombreuses infrastructures en Afrique (package deal), en échange d’un accès aux ressources naturelles, permettant de rembourser le prêt en question (barrage de Bui au Ghana, Méroé au Soudan). En 2018, la Chine réhabilite les chemins de fer (Djibouti-Addis Abeba) qui avaient été à l’époque construits par la France. Cela montre un basculement de la Françafrique4 vers la Chinafrique5.

Acteurs chinois : COFCO dans le cacao ivoirien, Sinochern pour l’hévéa camerounais, petites entreprises privées (1 million de Chinois en Afrique), CNPC, CNOOC, Sinopec, Sino-Hydro. En 2015 a été créé le forum de la coopération sino-africaine6. L’agriculture a une place élevée dans la coopération chinoise. On parle de relation « win-win », car, d’un côté, cela représente des parts de marché pour eux et, de l’autre, une opportunité stratégique pour les pays exportateurs, dont certains sont boycottés par les pays occidentaux.

Promotion du modèle chinois : non-ingérence des affaires politiques internes des pays africains.7 Développement du soft power chinois avec la création d’instituts Confusius8 (en 2018, 80 000 étudiants africains étudient en Chine). En 2015, un programme d’accès à la télévision par satellite est mis en place pour 10 000 villages africains. Les nouvelles routes de la soie passent par l’Afrique (Djibouti, Kenya, Éthiopie, Égypte). 

Mobiles de la Chine en Afrique

L’objectif premier est de sécuriser l’approvisionnement en matières premières : près des deux tiers du pétrole angolais et congolais sont exportés vers la Chine, tout comme 80 % de la bauxite guinéenne, ainsi que le cuivre de la RDC et de la Zambie ou encore le fer d’Érythrée. Par ailleurs, ces relations étroites avec l’Afrique favorisent le soutien diplomatique aux candidats chinois, permettant à certains dirigeants d’accéder à la tête d’organisations internationales comme la FAO en 2018 ou l’ONUDI.

Revers de la médaille

Les produits chinois, moins chers, concurrencent les produits locaux. Leurs « packages deals » sont des contrats opaques au coût environnemental élevé (la Chine investit dans des mines, le pétrole, des exploitations forestières, des barrages et l’hydroélectricité, le BTP, etc, et ne respecte pas trop les normes). De plus, un trafic de cornes de rhinocéros et d’ivoire a été mis en place pour les riches chinois. Tout cela engendre un endettement croissant des pays africains vers la Chine et une dépendance économique, surtout en Angola.

La Russie

La Russie intervient principalement en Afrique avec Wagner : au Mali, en Libye, en RCA. Après 1990, les investissements russes sont plus faibles (excepté Rusal, qui rachète des mines de bauxite à Pechiney en Guinée). 2017 signe le retour de la Russie en Afrique. En 2022, elle coopère militairement avec 20 pays africains. Les théâtres africains sont un moyen de mettre en difficulté à peu de frais son adversaire stratégique : la France.

17 pays africains s’abstiennent de voter contre l’agression russe en Ukraine à l’ONU. Les États-Unis luttent contre le terrorisme après le 11 septembre 2001 (Soudan, Somalie). Ils ont une base militaire à Djibouti, à côté de la France.

La France a connu plusieurs phases en Afrique après la décolonisation. Elle a conclu des accords de défense avec les anciennes colonies (Cameroun, Gabon en 1964, Tchad, RCA). Elle se pose comme les gendarmes de l’Afrique. En 1990, au sommet de la Baule, Mitterrand exhorte les Africains à plus de démocratie, mais la France intervient de moins en moins seule. Elle intervient sous mandat onusien ou en tant qu’opération européenne (Eufor). Paris ferme ses bases à Bangui et Bouar (RCA) et réduit sa base à Dakar. La France retire ses troupes du Mali à partir de 2021, à la suite du coup d’État mené par Assimi Goïta, marqué notamment par l’expulsion de l’ambassadeur de France. En 2022, Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane et ordonne le retrait total des forces françaises. Autrefois saluée pour certains succès militaires, l’armée française est désormais perçue par une partie de la population comme une force d’occupation. Bolloré, dernier pilier de la Françafrique vend ses actifs portuaires logistiques en Afrique à MSC en 2021. Mais restent encore Orange et Total, les plus présents, puis SG, BNP, et le Crédit Agricole

Des nouveaux venus en Afrique

 En 2009, Daewoo Logistics, une société d’agrocarburant sud-coréenne, a tenté de s’implanter à Madagascar, un projet avorté à la suite de contestations.

Poids lourd du groupe des BRICS, l’Inde s’appuie sur une diaspora importante en Afrique, notamment en Afrique du Sud, au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda et en République démocratique du Congo. Ses entreprises investissent également sur le continent : Tata (montage de minicars au Sénégal), Mittal (mines de fer au Liberia et Guinée) et Airtel.

Sous la présidence de Lula, le Brésil développe une coopération agricole avec les pays lusophones, notamment à travers des investissements au Mozambique. Dans le même temps, Petrobras s’engage en Angola aux côtés de Sonangol, avant que les difficultés économiques du Brésil après 2014 ne conduisent à l’abandon du projet. Les opérateurs économiques des pays du golfe investissent en Afrique (notamment dans des programmes immobiliers) : au Soudan, en Mauritanie et au Maroc. Dubaï Port World gère le port de Dakar depuis 2008 et s’est engagé dans la construction d’un nouveau port en eau profonde et d’une ZES9 à Ndayane à 70km du sud-est de Dakar. La Malaisie et Singapour sont présents dans le secteur de l’huile de Palme et le Japon est présent avec Toyota (l’entreprise a quasiment le monopole avec ses 4×4).

  1. Food and Agriculture Organisation. La FAO est une branche des Nations Unies, crée en 1945 dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation ↩︎
  2. gaz naturel liquéfié ↩︎
  3. soit 2.5 milliards ↩︎
  4. le pré-carrée est l’ensemble des colonies françaises qui entretiennent de bonnes relations avec la France après leur décolonisation, cf Pascal Airault et Jean-Pierre Bat ↩︎
  5. La Chinafrique. Pékin à la conquête du continent noir. Serge Michel et Michel Beuret https://www.grasset.fr/livre/la-chinafrique-9782246736219/ ↩︎
  6. FOCAC, se réunit tous les 3 ans ↩︎
  7. cela signifie que la Chine ne se préoccupe pas de la situation interne du pays, elle ne va pas envoyer de troupes pour rétablir l’ordre (ce qu’a fait la France), ou essayer de mettre en place des mesures ↩︎
  8. ces instituts transmettent la langue et la culture chinoise ↩︎
  9. zone économique spéciale ↩︎

FAQ : Afrique : nouvelle terre de conquête pour les puissances étrangères

Pourquoi l’Afrique est-elle redevenue un espace stratégique majeur depuis les années 2000 ?

Le continent concentre à la fois des ressources naturelles clés, des terres agricoles disponibles et un fort potentiel démographique, ce qui attire de nouveaux acteurs internationaux.

En quoi la concurrence actuelle diffère-t-elle de la période coloniale ?

Elle repose davantage sur des partenariats économiques, des investissements et de l’influence diplomatique que sur une domination politique directe.

Pourquoi les terres agricoles africaines suscitent-elles autant d’intérêts ?

Elles permettent de sécuriser l’approvisionnement alimentaire de certains États et d’investir dans l’agribusiness à long terme.

Quel rôle joue le poids diplomatique africain dans les relations internationales ?

Avec 54 États, l’Afrique représente un bloc important dans les votes internationaux, notamment à l’ONU.

Les pays africains sont-ils uniquement des acteurs passifs de ces dynamiques ?

Non, ils cherchent de plus en plus à diversifier leurs partenaires et à utiliser ces rivalités pour défendre leurs propres intérêts.

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