Malgré les efforts déployés ces dernières années, la féminisation des écoles d’ingénieurs reste un défi majeur. Les jeunes filles ne représentent encore qu’une minorité dans ces formations, freinées par des stéréotypes persistants, un manque de modèles féminins et, trop souvent, une autocensure dès le lycée. C’est pourtant au moment des choix d’orientation que se jouent les trajectoires professionnelles.
Consciente de cet enjeu, l’EFREI, école d’ingénieurs généralistes et experts du numérique, a lancé Program’Her, un dispositif pensé spécifiquement pour les lycéennes curieuses de découvrir les métiers du numérique et de l’ingénierie. L’idée est alors de rendre ces domaines accessibles, concrets, inspirants et de montrer que la technologie peut être créative, collaborative… et pleinement ouverte aux femmes.
Tout savoir sur l’EFREI
Fondée en 1936, l’EFREI Paris est une grande école d’ingénieurs spécialisée dans les technologies du numérique et de l’informatique. Elle forme chaque année des centaines d’étudiants aux métiers d’avenir, au cœur des enjeux de la transformation digitale.
- Domaine : ingénierie, informatique, numérique
- Statut : école d’ingénieurs certifiée par la CTI
- Campus : Paris – Villejuif
- Spécialités proposées : cybersécurité, data, cloud, développement, réseaux, santé numérique, IA…
- Partenariats entreprises : nombreux acteurs du secteur tech
Ce mardi matin, sur le campus de l’école, l’atmosphère est un peu différente. Dans les couloirs, des groupes de lycéennes circulent d’un atelier découverte à l’autre. Certaines arrivent intriguées, d’autres déjà convaincues. Toutes se posent la même question : est-ce que ce monde-là pourrait être le mien ?
Guidées par des étudiantes ambassadrices, elles découvrent une école qui souhaite féminiser ses effectifs et où l’on s’attache, dès le lycée, à faire tomber les clichés, sans pression, dans la bienveillance et avec pédagogie.
Qu’est-ce que Program’Her, l’initiative de féminisation des bancs de l’EFREI ?
Lancé en février 2023, Program’Her est un dispositif imaginé par l’EFREI pour répondre à un constat simple : malgré de nombreuses initiatives nationales, la féminisation des écoles d’ingénieurs progresse encore lentement. La part d’étudiantes plafonne en moyenne à 28 %. Chaque année, la proportion d’étudiantes dans les filières du numérique peine à dépasser les 15%, et les stéréotypes continuent d’influencer les parcours au lycée. « Quand je suis arrivée à l’EFREI, ce qui m’a frappée, c’est qu’on n’était vraiment pas beaucoup de filles dans la filière prépa », confie Léa, étudiante ambassadrice.
Pour agir concrètement, Program’Her propose deux journées de présentation des métiers du numérique qui accueillent environ 60 lycéennes venues de toute l’Île-de-France. Les participantes découvrent les métiers du numérique au travers d’ateliers pratiques menés avec des entreprises partenaires, de rencontres avec des étudiantes de l’école et d’échanges informels dédiés à la démystification des filières ingénieures. Cybersécurité, data, créativité numérique, robotique, etc. Autant de domaines qui se révèlent bien plus accessibles qu’elles ne l’imaginaient.
L’objectif du programme est double : déconstruire l’autocensure qui touche de nombreuses jeunes filles et montrer la dimension collaborative d’un secteur trop souvent perçu comme solitaire ou « réservé aux garçons ». « On ne juge pas les personnes en fonction de leur genre, mais de leur centres d’intérêt », insiste Laura, lycéenne en classe de terminale. À travers ces expériences immersives, les participantes apprennent à se projeter dans des métiers parfois abstraits : « On imagine juste quelqu’un derrière un ordinateur. Ici, on voit concrètement ce qu’on peut », souligne Léa.
Pour aller plus loin, l’EFREI a mis en place un système de parrainage entre anciennes participantes du Program’Her et étudiantes de l’école. Ce suivi permet de répondre aux questions sur Parcoursup, les choix de spécialités ou la vie en école d’ingénieurs, tout en renforçant la confiance des unes et des autres. Certaines lycéennes ayant participé à Program’Her ont d’ailleurs intégré l’EFREI depuis, preuve de l’impact du dispositif.
Que pensent les lycéennes de l’initiative Program’Her de l’EFREI ?
Lors de notre venue à Program’Her, sur le campus parisien de l’EFREI, nous en avons profité pour poser quelques questions aux lycéennes présentes sur place. Maud, élève en classe de première, et Laura, en classe de terminale, se sont prêtées à l’exercice pour AuFutur.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à Program’Her ?
Maud : J’avais envie de découvrir les métiers liés à l’informatique, parce que j’envisage de m’orienter vers ce domaine.
Laura : Pareil, je suis attirée par les études d’ingénieur et je voulais voir plusieurs domaines concrets.
Qu’avez-vous appris pendant les ateliers ?
Laura : On a découvert la cybersécurité aujourd’hui, et hier on a travaillé sur la data.
Maud : Ça nous a permis de concrétiser des métiers qu’on imaginait mal avant. Ces domaines pourraient clairement nous intéresser.
Un atelier vous a-t-il particulièrement marquées ?
Laura et Maud : On a beaucoup aimé l’atelier proposé avec Disney, notamment pour son aspect collaboratif. On a dû imaginer des solutions en groupe, c’était dynamique et motivant.
Est-ce que Program’Her vous donne envie de poursuivre en école d’ingénieurs, comme l’EFREI ?
Maud : Oui, clairement.
Laura : Je suis en terminale, donc je prépare mes vœux Parcoursup. Je vise des concours comme Avenir et Advance, et l’EFREI fait partie des écoles qui m’intéressent. J’envisage aussi d’autres établissements, et éventuellement des prépas PCSI ou MPSI.
Selon vous, quels sont les principaux freins pour les jeunes filles qui veulent se tourner vers l’ingénierie ou les sciences ?
Maud : Certains garçons ont encore des attitudes sexistes, ça peut décourager.
Laura : Et il y a beaucoup de préjugés : les filles seraient « faites » pour les lettres, le français… Pour nous, il ne faut pas juger en fonction du genre, mais des centres d’intérêt.
Comment pourrait-on encourager davantage de filles à s’orienter vers ces filières ?
Laura : Faire beaucoup plus de sensibilisation, montrer concrètement ce qu’on peut faire dans ces métiers.
Maud : Au lycée, on propose souvent aux filles des spécialités comme HLP ou anglais, alors que certaines aimeraient faire des sciences. Il faut arrêter de nous mettre dans des cases.
Y a-t-il une parité dans vos classes de spécialité au lycée ?
Maud : Oui. Dans ma spécialité NSI, on est seulement 3 filles pour une vingtaine d’élèves.
Laura : Pour ma part, c’est plus équilibré en maths et physique, mais ça dépend des classes.
À savoir : 42 % seulement des filles gardent l’option maths en terminale (selon des données du ministère de l’Éducation nationale datant de 2023).
Quelques chiffres clés sur la parité au lycée
Voici un panorama des données récentes qui illustrent l’écart de genre dans les filières scientifiques au lycée, et qui montrent pourquoi des dispositifs comme Program’Her sont pertinents.
- En seconde générale et technologique, les filles représentent 55 % des élèves. Mais en première, elles ne sont que 48 % à choisir l’enseignement de spécialité « mathématiques », et en terminale ce chiffre tombe à 42 %.
- Dans certaines spécialités technologiques comme « Sciences de l’ingénieur », en 2018, seules 2,7 % des filles en seconde ont choisi cette voie, contre 12,1 % des garçons.
- Depuis la réforme du lycée de 2019, la part des filles parmi les élèves suivant au moins deux disciplines scientifiques en première a chuté : de 47,5 % en 2018 à 44,9 % en 2023.
- Selon une étude régionale, bien que les femmes soient majoritaires dans la voie générale, elles sont moins souvent orientées vers les parcours scientifiques et pensent moins fréquemment aux formations sélectives.
Ces chiffres traduisent un phénomène complexe : même si les filles réussissent souvent mieux à l’école que les garçons, elles restent sous-représentées dans les spécialités scientifiques, et au lycée comme après, cela limite les choix d’orientation vers les filières d’ingénierie et du numérique.
