Langage et pouvoir : comment les mots façonnent le réel ?

Langage et pouvoir : comment les mots façonnent le réel ?

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Parler, écrire, nommer : autant d’actes en apparence ordinaires, mais qui portent en eux une puissance bien plus grande qu’il n’y paraît. Le langage n’est pas un simple miroir du monde : il façonne nos représentations, oriente nos pensées, légitime des autorités ou, au contraire, les conteste. Depuis l’Antiquité, la question du pouvoir des mots traverse la philosophie, la politique, la littérature. Platon craignait les sophistes pour leur capacité à manipuler l’opinion par le discours ; George Orwell, dans 1984, imaginait une société où le langage lui-même est réduit pour empêcher la rébellion.

Dans cet article, nous explorerons comment le langage est à la fois outil de communication et instrument de pouvoir, en analysant ses fonctions politiques, sociales et symboliques. Nous verrons comment il crée du réel, en même temps qu’il peut le dissimuler, et pourquoi penser le langage, c’est aussi penser la liberté.

Le langage ne décrit pas seulement le monde : il le construit

Nommer, c’est faire exister

Lorsque nous nommons une chose, nous ne faisons pas que la désigner : nous lui donnons une place dans notre pensée, dans notre vision du monde. C’est ce qu’explique le philosophe John Austin avec la théorie des actes de langage. Dire, c’est parfois faire. Lorsqu’un maire dit « je vous déclare mariés », ou qu’un juge dit « vous êtes coupable », ces mots produisent une réalité juridique et sociale.

Ce pouvoir performatif du langage montre que les mots ne sont pas neutres : ils ont un effet réel. Dire à quelqu’un « tu n’es rien » ou « tu es capable » n’est pas anodin : cela influe sur l’image de soi, sur les relations, sur les parcours de vie. C’est aussi le point de départ de nombreuses discriminations : par exemple lorsque des groupes sociaux sont enfermés dans des catégories dévalorisantes.

Le langage comme cadre de pensée

Les mots que nous utilisons façonnent également notre manière de penser. Le linguiste Benjamin Lee Whorf avance l’idée que notre langue structure notre rapport au monde. Ainsi, certaines cultures ont plusieurs mots pour désigner la neige, d’autres n’ont pas de futur grammatical. Ce n’est pas simplement une différence de vocabulaire, mais une différence de perception.

Cela signifie que penser, c’est aussi hériter d’un langage, avec ses limites, ses silences, ses cadres implicites. Or, celui qui contrôle ces cadres oriente les débats, impose des normes, construit ce que l’on appelle aujourd’hui des « récits dominants ».

Le langage comme instrument de pouvoir politique

Langage et domination

Le philosophe Pierre Bourdieu, dans Ce que parler veut dire, montre que tous les locuteurs ne sont pas égaux face au langage. Parler n’est pas seulement produire des sons : c’est aussi se positionner dans une hiérarchie sociale. Le professeur, l’expert, le politique : tous bénéficient d’un « capital symbolique » qui donne plus de poids à leur parole.

Cette hiérarchie produit ce que Bourdieu appelle la violence symbolique : une domination qui passe par les mots, mais qui est souvent invisible, parce qu’elle est intériorisée. Par exemple, lorsqu’un élève pense que son accent ou sa manière de parler est « incorrecte », il subit une forme de violence linguistique qui l’exclut.

La novlangue et le contrôle de la pensée

La littérature a souvent dénoncé les dérives totalitaires du langage. Dans 1984, George Orwell imagine la novlangue, une langue appauvrie, réécrite par le pouvoir pour rendre impossible toute pensée critique. Moins il y a de mots pour dire la liberté, la révolte, la justice, plus il est difficile de les penser.

Ce danger n’est pas pure fiction. Les régimes autoritaires cherchent souvent à contrôler le langage : en imposant une terminologie officielle, en censurant certains mots, ou en inventant des euphémismes pour masquer la réalité (« dommages collatéraux » au lieu de « morts civiles »). Le langage devient alors un outil de propagande, qui façonne une réalité conforme à l’idéologie dominante.

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Réinventer les mots

Face au pouvoir normatif du langage, des voix s’élèvent pour créer d’autres manières de dire, d’autres récits. Les mouvements féministes, décoloniaux, écologistes, entre autres, ont montré que changer les mots, c’est aussi changer les mentalités. L’écriture inclusive, par exemple, ne se contente pas d’ajouter un point médian : elle questionne la place du masculin comme norme dans la langue.

La philosophe Judith Butler souligne que le langage peut être un lieu de subversion. Si les mots peuvent opprimer, ils peuvent aussi être réappropriés : les insultes peuvent être retournées, les identités invisibilisées peuvent être nommées et revendiquées. C’est tout l’enjeu des luttes symboliques : refuser les définitions imposées, proposer d’autres récits.

Poésie, littérature et création de réel

La littérature, la poésie, le théâtre (tous les arts du langage) ont aussi ce pouvoir de défaire les normes, de libérer l’imaginaire. Quand Victor Hugo écrit Les Misérables, il donne la parole aux pauvres et aux oubliés. Quand Aimé Césaire invente la négritude, il oppose à un langage colonial une langue poétique, chargée de mémoire et de fierté.

La création littéraire n’est pas seulement ornementale : elle est politique. Elle permet d’inventer de nouvelles façons de voir le monde, de refuser la langue de bois, de rendre visible l’invisible. Le poète, écrivait Paul Éluard, est celui qui « a changé le monde en changeant les mots ».

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Le pouvoir algorithmique des mots

Aujourd’hui, le langage n’est plus seulement une affaire de voix humaines : il est aussi codé, calculé, manipulé par des algorithmes. Les moteurs de recherche, les intelligences artificielles, les réseaux sociaux interprètent, hiérarchisent et orientent les mots que nous utilisons. Ce pouvoir nouveau modifie en profondeur notre accès au réel.

Les mots-clés, les hashtags, les slogans deviennent des leviers de visibilité ou d’effacement. Le langage est soumis à des logiques de marché, de viralité, de polarisation. Le risque est celui d’une réduction de la complexité, où les mots ne servent plus à penser, mais à capter l’attention.

Une vigilance citoyenne

Face à ces mutations, une éducation au langage devient plus que jamais nécessaire. Apprendre à parler, c’est aussi apprendre à écouter, décoder, critiquer. Cela suppose de développer une conscience linguistique, une capacité à repérer les manipulations, à interroger les mots qu’on emploie et ceux qu’on nous impose.

Comme le rappelle l’écrivain Albert Camus« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde.» Mieux nommer, c’est au contraire ouvrir un espace de compréhension, de dialogue, de justice.

Conclusion

Le langage est loin d’être un simple instrument de description : il est un acteur du réel, un outil de domination ou de libération, un champ de lutte et de création. Comprendre son pouvoir, c’est aussi apprendre à penser de manière plus libre et plus responsable. Chaque mot prononcé, écrit, partagé, porte en lui une part de pouvoir : celui de façonner les mondes possibles.

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