Dans cet article, nous faisons le point avec toi sur un versant important de la mondialisation, son enrichissement du monde. Un élément important du programme de HGGSP en classe de terminale. N’hésite pas à prendre quelques notes pour une fiche.
Depuis 1945 avec la mise en place des institutions multilatérales toujours en vigueur aujourd’hui (Organisation des Nations unies, Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, GATT puis Organisation mondiale du Commerce, construction européenne à partir de 1950…), la plupart des pays du monde ont pris part à la mondialisation, ce processus historique, pluriséculaire, de mise en relation des sociétés du monde entier, devenu un lieu commun à toute l’humanité. À partir des années 1990, on distingue une nouvelle phase de la mondialisation, accélérée par l’essor du secteur financier et des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui permettent aux capitaux et aux informations de parcourir le monde. Mais cette intégration à la mondialisation bouleverse l’organisation des pays, avec des acteurs et des territoires vus comme « gagnants » et d’autres « perdants » de la mondialisation, accentuant les inégalités. Dès lors, pourquoi les pays s’intègrent-ils à la mondialisation ? Les gains de richesse valent-ils le coût social ? La réponse à cette question se fait en deux articles complémentaires : le premier ci-dessous traite de l’enrichissement du monde depuis les années 1990 à l’échelle globale, et un second aborde les modulations de la redistribution de richesses, et notamment l’accroissement des inégalités internes aux pays.
Le recul de la pauvreté
Un tournant historique
Dans la première phase de la mondialisation décrite par Suzanne Berger (du XIXe siècle aux années 1990), le nombre de pauvres dans le monde a diminué de 1,3 milliard de personnes. Puis dans la phase actuelle de la mondialisation (Suzanne Berger parle de « seconde mondialisation » à partir des années 1990), cette diminution s’est accélérée, avec 650 millions de pauvres en moins entre 1990 et 2015. Cette diminution récente accélérée est fortement poussée par le développement de la Chine, où le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolu[1] a été diminué par deux entre 1990 et 2010.
De progrès qualitatifs
Mais concrètement, comment se traduit ce recul de la pauvreté ? Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolu concerne aujourd’hui environ 10% de la population mondiale (734 millions de personnes en 2015) contre 36% en 1990 (1,9 milliard de personnes alors), avec notamment 510 millions de Chinois qui ont dépassé ce seuil. L’IDH (indice de développement humain, qui s’intéresse aux conditions de vie plus complètes des populations que leur seul revenu) a plus progressé pour les pays les plus pauvres que les autres : l’espérance de vie en Afrique noire est passée de 50 à 55 ans entre 2000 et 2012, la moyenne mondiale a atteint 70 ans. Les 7 Objectifs Mondiaux de Développement (OMD, une série d’objectifs fixés par l’ONU de marqueurs de pauvreté à atteindre en 2015, en calculant le coût et en fixant des perspectives accessibles) ont tous progressé, mais aucun n’a été atteint : les droits de l’homme et les conditions de vie des femmes se dégradent, il y a toujours 805 millions de personnes souffrant de la faim (avant la crise du Covid et la guerre menée par la Russie en Ukraine, qui font craindre une augmentation de ce chiffre), 100 millions d’enfants non scolarisés et 750 millions d’analphabètes[2], la corruption et les conflits n’ont pas disparu, en témoigne, entre autres, la guerre menée par la Russie en Ukraine. Ainsi, les OMD sont contrastés si l’on raisonne par objectif à l’échelle mondiale, mais aussi pour chaque pays. Esther Duflo[3] note qu’à côté des mesures économiques de la pauvreté, d’autres inégalités plus difficiles à mesurer persistent : l’accès à la santé, à l’éducation, à la justice, à la participation politique. Ainsi, s’ils montrent des progrès, les indicateurs économiques et les OMD restent insuffisants pour mesurer la pauvreté à l’échelle mondiale(par pays).
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La hausse des niveaux de vie
L’accroissement de la richesse et les inégalités globales
À l’échelle mondiale, on assiste à un lent progrès sur la réduction des écarts de richesse : en prenant les déciles extrêmes (les 10% les personnes les plus riches d’un côté, les 10% les plus pauvres de l’autre), l’écart est passé de 1 à 100 (100 fois plus riches) en 2000 à 1 à 90 en 2015. Mais l’écart entre les 1% les plus riches et les 99% autres continue de se creuser depuis la Révolution industrielle. Avec une accélération récente de ce creusement : les 80 personnes les plus riches ont vu leur fortune augmenter de 600 milliards de dollars (600Mds$) entre 2010 et 2014, alors que les 50% les plus pauvres se sont appauvris (malgré le reflux de l’extrême pauvreté : cela signifie qu’il y a beaucoup de gens qui se situent peu au-dessus du seuil de 2$ par jour). Selon l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) OXFAM, 26 personnes détiennent autant que la moitié de la population mondiale. Ainsi, l’indice de Gini (qui mesure les inégalités, compris entre 0 et 1) est toujours très élevé à l’échelle mondiale, à 0,66. Il est plus modéré dans les pays développés, mais explose dans les pays émergents (0,61 en Chine).
Les perspectives
En continuant sur son rythme de 1990-2015, la part de la population mondiale dans d’extrême pauvreté devrait atteindre 7,7% en 2030 (ce qui est mieux que les 17% de 2010, mais loin de l’objectif de l’ONU fixé à 3%). Mais la crise du Covid et la guerre menée par la Russie en Ukraine, qui ont perturbé l’activité à l’échelle mondiale, rendent ce chiffre difficilement atteignable. D’autre part, l’ONU a en 2015 remplacé les OMD par les ODD (Objectifs de Développement Durable), avec 17 objectifs, dont celui d’éradiquer la plus grande pauvreté d’ici 2030. Mais pour cela, des investissements conséquents sont nécessaires, pour offrir un emploi au plus grand nombre, alors que l’aide publique est insuffisante : les investissements privés sont décisifs.
Ainsi, la mondialisation contemporaine depuis les années 1990 a permis une réduction de la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde et une diminution des inégalités de richesse entre pays à l’échelle globale. Pour autant, les inégalités entre pays restent fortes et se doublent d’inégalités internes aux pays elles exacerbées par la mondialisation, qui met en concurrence les territoires à l’échelle mondiale (voir article suivant sur les modulations de la distribution des richesses par la mondialisation).
[1] Personnes vivant avec moins de 2$ par jour, seuil défini par la Banque mondiale, et qui a légèrement évolué en 2018. [2] Adultes ne sachant ni lire ni écrire. [3] Économiste française ayant reçu le prix Nobel d’économie, qui a notamment écrit Le développement humain : lutter contre la pauvreté, en 2010Lire aussi : HGGSP : qu’est-ce que l’inflation ?