Le futur en grec ancien est un temps verbal central pour exprimer l’action à venir, le projet, la prédiction ou parfois même l’ordre. Pour comprendre et traduire les textes antiques, qu’il s’agisse de récits historiques, d’oracles, de dialogues ou de maximes morales, il faut que tu le maîtrises ! Savoir former, identifier et interpréter le futur grec te donnera accès à de nombreuses subtilités, notamment parce que ce temps présente des aspects morphologiques et sémantiques différents du français.
Les bases de la formation du futur
Le futur grec se construit généralement sur la base du radical du verbe, auquel on ajoute un suffixe caractéristique (-σ-) suivi des terminaisons personnelles du présent (indicatif). Ce schéma se retrouve dans la majorité des verbes réguliers du grec ancien.
👉🏻 Formation : radical verbal + σ + terminaison du présent de l’indicatif
Personne | Terminaison | Exemple avec λύω |
1re singulier | -ω | λύσω |
2e singulier | -εις | λύσεις |
3e singulier | -ει | λύσει |
1re pluriel | -ομεν | λύσομεν |
2e pluriel | -ετε | λύσετε |
3e pluriel | -ουσι(ν) | λύσουσι(ν) |
Futur moyen et futur passif en grec ancien
Le futur moyen en grec se forme de la même façon, avec un ajout du σ mais des terminaisons proprement moyennes :
- λύσομαι (je me délierai / je délierai pour moi), λύσει, λύσεται, λυσόμεθα, λύσεσθε, λύσονται
Le futur passif en grec possède un morphème spécifique (θησ-) ajouté au radical verbal :
- λυθήσομαι (je serai délié), λυθήσει/λυθήσῃ, λυθήσεται, λυθησόμεθα, λυθήσεσθε, λυθήσονται
Exceptions et particularités morphologiques en grec ancien
- Verbes contractes : ils conservent la contraction, mais le σ est inséré entre le radical et la terminaison (φιλέω → φιλήσω, τιμάω → τιμήσω).
- Verbes en -ίζω ou -αίνω : on retrouve souvent le suffixe -ι- ou le redoublement (βαπτίζω → βαπτίσω).
- Pour certains verbes à radical en labiale, gutturale ou dentale (π, β, φ, κ, γ, χ, τ, δ, θ), le -σ- fusionne ou se transforme (évolution phonétique) :
- γράφω → γράψω (le φ devant σ devient ψ)
- πείθω → πείσω
- τάττω → τάξω
- Futur irrégulier, ou futur dit « sigmatique irrégulier » : être (εἰμί) n’a pas de vrai futur simple : ἔσομαι (je serai), avec un changement radical.
- Certains verbes n’admettent pas de futur (par exemple δεῖ = il faut).
Tableau récapitulatif du futur en grec ancien
Radical | Futur actif | Futur moyen | Futur passif |
λύ- | λύσω | λύσομαι | λυθήσομαι |
γράφ- | γράψω | γράψομαι | γραφήσομαι |
φιλ- (φιλέω) | φιλήσω | φιλήσομαι | φιληθήσομαι |
εἰμί (être) | ἔσομαι | – | – |
λείπω (laisser) | λείψω | λείψομαι | λειφθήσομαι |
Les valeurs du futur en grec ancien
Futur de projection ou de planification
C’est la valeur principale : le futur exprime une action qui n’est pas encore réalisée, mais que le sujet projette, anticipe ou prévoit.
- Αὔριον γράψεις.
Demain, tu écriras.
Futur de promesse ou de menace
Le futur marque le plus souvent une modalité de certitude, parfois renforcée en promesse, en engagement ou en avertissement :
- Ταῦτα ποιήσω.
Je (te) le ferai. - Θανατοῦν σέ μέλλει.
Il va te tuer (menace ou inéluctabilité).
Futur de vérité générale, valeur gnomique
Dans des sentences, maximes, ou proverbes, on trouve souvent le futur comme valeur de règle générale applicable en tout temps :
- Ὁ λανθάνων οὐκ ἀποδιδράσκει.
(Celui qui se cache) ne s’échappera pas.
Futur d’ordre ou d’injonction (valeur jussive)
Le futur peut exprimer un ordre ou une interdiction :
- Οὐ φεύξῃ.
Tu ne fuiras pas (c’est un interdit, proche de l’impératif négatif).
Futur historique ou épique
Dans certains contextes littéraires (Homère, tragédie), le futur peut être employé à la place du présent ou du passé pour donner de la vivacité au récit.
- Καὶ ἐκεῖνος ἐπελεύσεται…
Et alors il s’approchera… (au sens où, dans la suite de l’histoire, il s’approchera).
Futur d’attente ou de supposition
Il peut également exprimer l’hypothèse ou l’attente :
- Ὁ παῖς ἥξει.
(Probablement) l’enfant viendra.
Les emplois particuliers du futur
Après certaines particules et verbes de volonté
Verbes comme λέγω (dire), ὑπισχνέομαι (promettre), ἐλπίζω (espérer), μέλλω (être sur le point de…) sont généralement suivis d’un infinitif futur si l’action projetée n’est pas encore réalisée.
- Ἐλπίζω γράψειν.
J’espère écrire / que j’écrirai.
L’infinitif futur
Employé principalement dans les subordonnées de but après des verbes de mouvement :
- ἦλθεν ἰδεῖν → il est venu voir (infinitif aoriste/simple)
- ἦλθεν ὁμιλήσειν → il est venu pour parler (infinitif futur, marque l’intention/projet non accompli)
Le futur dans la langue poétique
Parfois utilisé dans l’épopée pour souligner la volonté des dieux ou le destin.
Points de confusion et erreurs courantes
- Attention à ne pas confondre le futur moyen avec le passif : la terminaison -ομαι peut apparaître dans les deux, mais la présence de -θη- dans le radical signale toujours le passif.
- Certains verbes n’ont pas de futur (verbes défectifs), ou emploient des périphrases (« être sur le point de… + infinitif »).
- Certains verbes sont dits déponents, c’est-à-dire qu’ils existent seulement à la forme moyenne mais ont un sens actif.
Exemples littéraires
- Εὖ πράξεις, ἐάν ἀκούσῃς.
Tu agiras bien, si tu écoutes. - Ἐγὼ προελεύσομαι μετὰ σοῦ.
Moi, je marcherai avec toi. - Κακόν φεύξει οὐδείς.
Personne n’échappera au mal. - Τοῦτο ποιήσω σήμερον.
Je ferai cela aujourd’hui.
Exercices pratiques
Exercice 1 :
- Donne la forme du futur actif, moyen et passif pour γράφω (écrire).
- Transforme au futur :
- λύομεν (nous déliions)
- παιδεύεις (tu élèves)
- φιλεῖ (il aime)
- Trouve la valeur du futur dans la phrase suivante :
- Οὐκ ἀφίξεται εἰ μὴ σπεύσει.
Exercice 2 :
- Je délivrerai les prisonniers.
- Tu seras aimé des dieux.
- Il promet de venir.
Correction
Exercice 1 :
- γράψω (actif), γράψομαι (moyen), γραφήσομαι (passif).
- λύσομεν, παιδεύσεις, φιλήσει.
- Futur de supposition/condition.
Exercice 2 :
- Λυσω τοὺς δεσμώτας.
- Φιληθήσῃ ὑπὸ τῶν θεῶν.
- Ὑπισχνεῖται ἐλεύσεσθαι.