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Réforme BUT (Bachelor Universitaire de Technologie) : les IUT font peau neuve

À lire dans cet article :

Dès la rentrée prochaine, en septembre 2021, les parcours en IUT (institut universitaire technologique) devront s’adapter à la nouvelle réforme qui a pour corolaire le passage des DUT au BUT. Cette réforme est à l’initiative de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Il s’agit d’un changement majeur puisque les IUT, préparant jusqu’à maintenant au DUT (diplôme universitaire de technologie) en deux ans, proposeront désormais un parcours en trois ans aboutissant au BUT (bachelor universitaire de technologie). AuFutur fait le point sur les tenants et les aboutissants de cette réforme.

La formation actuelle en DUT

Afin de mieux comprendre cette réforme et ses implications, un court détour s’impose pour comprendre les particularités de la formation en IUT, encore en vigueur à l’heure actuelle, et qui concerne plus de 120 000 étudiants en France parmi plus de 2,7 millions d’étudiants au total (soit 4,5 % d’entre eux).

Une genèse liée aux Trente Glorieuses

Les IUT (instituts universitaires de technologie) ont été créés en 1966, dans un contexte de forte pression démographique au sein même de la France des Trente Glorieuses. Ces formations courtes (en deux ans) permettaient alors de répondre aux besoins croissants en techniciens supérieurs qualifiés et cadres moyens, se situant à mi-chemin entre la conception (réservée aux cadres supérieurs et managers) et l’exécution (attribuée aux ouvriers).

La scolarité s’est rapidement organisée en filières (on en compte 24 à l’heure actuelle), réparties entre le secteur secondaire (16 filières en production) et le tertiaire (8 filières en services).

On compte aujourd’hui 113 IUT en France, rattachés à des universités (même si leur fonctionnement est relativement indépendant de ces dernières).

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Les principes de la formation actuelle en IUT

Depuis sa création dans les années 1960, la formation en IUT n’a évolué que marginalement, les modalités sont restées peu ou prou les mêmes, à savoir :

  • une formation dite « courte » en deux ans ;
  • une notation par le contrôle continu ;
  • une approche à la fois technique et académique, répartie entre cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques ;
  • un rythme intense (environ 30 à 35 heures de cours par semaine) ;
  • un accent mis sur le projet professionnel, avec un accompagnement par un tuteur, un stage et la possibilité de réaliser la deuxième année en alternance.

Les BUT : une formation socialement et scolairement mixte

Contrairement à certaines filières du supérieur qui regroupent presque uniquement des bacs généraux (comme les CPGE où plus de 90 % des étudiants ont un bac général), la formation en IUT a la particularité de recruter dans un vivier plus large d’étudiants. En effet, un tiers des étudiants en IUT sont titulaires d’un bac technologique (contre 6 % seulement en CPGE), environ 68 % ont un bac général et les 2 % restants sont passés par un lycée professionnel.

Au-delà de sa relative mixité scolaire, la formation en IUT présente aussi une mixité sociale : toutes les catégories sociales y sont représentées, avec des écarts qui ne sont pas extrêmes. La population en IUT est celle qui est la plus proche, en matière de proportion, de la structure sociale des étudiants dans leur ensemble.

Une filière réputée pour son efficacité

Outre les éléments présentés ci-dessus, la formation au DUT s’avère particulièrement efficace et appréciée, tant du côté des étudiants que des professionnels qui recrutent des jeunes diplômés.

Les étudiants en IUT présentent des taux de réussite élevés aux examens du DUT : 62 % l’obtiennent au bout de deux ans dans les filières du secondaire et 72 % pour celles du tertiaire. Le taux de réussite dépasse les 85 % quand on inclut ceux qui obtiennent le diplôme en trois ans.

L’avantage présenté par ces études est qu’elles offrent une formation intéressante et complète à des étudiants qui hésitent parfois à se lancer dans des études longues. À l’issue des deux ans, le DUT en poche, les étudiants peuvent décider de s’insérer dans le marché du travail ou de poursuivre leurs études.

  • Dans le premier cas, les taux d’insertion sont excellents : 87 % obtiennent un emploi dans les 18 mois (taux équivalent aux diplômés d’un master, soit bac +5). Les débouchés sont nombreux car les employeurs apprécient particulièrement la formation à la fois théorique et opérationnelle, permettant rapidement de prendre ses marques dans le poste obtenu au sein de l’entreprise.
  • Dans le second cas, plus de 70 % des diplômés du DUT poursuivent leurs études, ce taux grimpe même jusqu’à 90 % dans certaines filières.

Le tableau semble idyllique puisque cette formation efficace convient à des étudiants aux profils variés et joue le rôle d’un tremplin vers l’emploi ou vers la poursuite d’études. Pourtant, la réforme des IUT a été actée et dès la rentrée 2021, de nombreux changements seront appliqués.

La réforme des BUT en question

Bien que de nombreuses incertitudes subsistent, les IUT sont peu à peu en train d’adopter les nouvelles mesures portées par la réforme des BUT qui entend repenser la conception de la formation jusqu’alors dispensée dans les IUT.

La réorganisation de la scolarité en trois ans et ses conséquences

Le principal changement apporté par cette réforme repose sur son noyau central, à savoir le réagencement de la scolarité en BUT en trois ans (au lieu de deux ans). Cette décision provoque de nombreux bouleversements, via un effet cascade inévitable. Il faut bien avoir en tête trois éléments, découlant directement de cette nouvelle scolarité sur trois années, les voici :

1. Les IUT préparent à un nouveau diplôme : le BUT

Jusqu’à présent, les IUT préparaient en très grande majorité à l’obtention d’un DUT (diplôme universitaire de technologie) en deux ans. Toutefois, certains IUT proposaient également la préparation à la licence professionnelle technologique, en trois ans.

Désormais, les IUT vont se focaliser sur la préparation d’un nouveau diplôme, le BUT (bachelor universitaire de technologie) sur trois ans et donnant lieu à 180 crédits ECTS.

2. Le DUT ne disparaît pas totalement

La réforme peut porter à confusion dans la mesure où le DUT ne disparaît pas totalement. En réalité, les IUT vont préparer les différentes promotions d’élèves au BUT (en trois ans donc), mais les étudiants seront automatiquement diplômés du DUT (valant alors 120 crédits ECTS) à la fin de la deuxième année.

Ainsi, ceux qui le souhaitent pourront quitter la formation tout en ayant obtenu un DUT. Toutefois, les porteurs de la réforme désincitent fortement à ce type de décision puisque la réorganisation du cursus a été pensée sur trois ans et quitter en cours de route le BUT ne permettrait pas d’acquérir l’ensemble des connaissances fondamentales.

3. Réforme BUT : les 24 filières sont conservées

La réforme ne change en rien l’organisation des IUT, s’appuyant sur les 24 filières (dont 16 en production et 8 en services) présentées précédemment. Il n’y a ni création ni suppression de filières. Par exemple pour la production, le DUT Génie Civil va tout simplement devenir le BUT Génie Civil, de même pour les services, le DUT Métiers du juridique se transforme en BUT Métiers du juridique.

Chacune des 24 filières de BUT va ainsi proposer au maximum cinq parcours différents. Le nombre de parcours au sein de chaque filière dépend principalement de l’ampleur des métiers accessibles à la fin de la formation au BUT. Pour reprendre l’exemple du BUT Génie Civil, les différents parcours sont notamment Travaux bâtiments, Travaux publics, Bureau d’études & conception, Construction Durable.

Pourquoi un BUT sur trois ans ? Les six objectifs de la réforme

Cette réforme est motivée par plusieurs objectifs, qui, sur le papier, visent à rendre cette formation plus adaptée aux logiques du supérieur et donc plus attractive.

Objectif 1 : faciliter l’accueil et la réussite des bacheliers technologiques

La réforme vise à faciliter l’accueil et la réussite des bacheliers de voie technologique. En effet, il existe un problème persistant pour les bacheliers technologiques qui sont souvent plus en difficulté pour trouver des formations supérieures sur Parcoursup.

Pour cela, l’État a fixé la proportion de bacheliers technologiques admis en première année au sein des IUT à 50 % des étudiants. De même, la réussite de ces bacheliers doit atteindre 70 %.

Objectif 2 : proposer un cursus sécurisé en trois ans

Le deuxième objectif de la réforme vise à proposer un cursus « sécurisé » de trois ans, là où le DUT en deux ans supposait une candidature nécessaire dans un autre établissement pour poursuivre une troisième année en licence. Avec la réforme, l’étudiant une fois admis au BUT et à condition qu’il réussisse ses examens, peut étudier pour trois ans, sans se soucier d’une sélection au bout de la deuxième année.

Objectif 3 : insérer le BUT dans la logique européenne des études supérieures

En passant de deux à trois ans, le BUT s’insère dans le système européen des diplômes. Ce dernier renvoie aux grades dits « LMD » (licence, master et doctorat). En entrant dans ce système, le BUT pourra bénéficier d’une meilleure reconnaissance à l’international. Le BUT est désormais aligné sur les critères et les attendus européens, ce qui favorisera en principe les échanges universitaires et la reconnaissance du diplôme chez les recruteurs étrangers.

Objectif 4 : donner plus de temps aux étudiants pour construire leur projet professionnel

Avec un an de plus, les étudiants auront plus de temps pour bâtir leur projet professionnel. Par ailleurs, les périodes de stages seront plus que doublées (22 à 26 semaines contre 10 auparavant) et réparties sur les trois années (un stage nécessairement en dernière année et un ou deux autres durant les deux premières années). Chaque étudiant bénéficiera en outre d’un accompagnement professionnel personnalisé à travers plus de 600 heures de projets tutorés sur les trois ans.

La possibilité de se former en alternance est aussi vivement renforcée et encouragée, ce sera désormais possible dès la première année de BUT.

Objectif 5 : former à des métiers différents et s’adapter au tissu économique local

En conservant le découpage en 24 filières, avec pour chacune la sous-division en cinq parcours, la réforme du BUT vise à préparer spécifiquement les étudiants à des métiers très différents.

Par ailleurs, même si deux tiers des programmes de chaque parcours de chaque filière seront nationaux, les IUT pourront adapter le tiers restant du programme aux particularités économiques et sociales locales. Ce faisant, la formation sera ancrée à la réalité locale, améliorant davantage l’insertion professionnelle des futurs diplômés.

Objectif 6 : favoriser les liens entre bac +1, +2 et +3

L’objectif du BUT en trois ans est aussi de favoriser les ponts, c’est-à-dire, les entrées et sorties niveaux bac +1, bac +2 et bac +3. Que faut-il comprendre ? Certains étudiants pourront rejoindre la formation au BUT en cours de route (par exemple en deuxième année après un an de licence ou en troisième année à la suite d’un BTS). Réciproquement, des étudiants pourront quitter le BUT au bout de deux ans, après avoir obtenu le DUT.

Les objectifs énoncés ci-dessus présentent une réforme ambitieuse, celle-ci propose désormais une version « premium » d’une formation pourtant déjà efficace.

Réforme BUT : points de vigilance et incertitudes

Il serait toutefois trop hâtif et imprudent de ne pas souligner certains points de tensions et d’incertitudes découlant de la réforme en question.

Un grand flou autour de la notion de « compétences »

Dans les différents articles du texte de loi structurant la réforme, on peut lire de nombreuses fois l’expression « compétences » : approche par compétences, acquisition de compétences, mise en œuvre de compétencesmise en place d’une pédagogie innovante pour la transmission de compétences, etc. Toutefois, derrière cette expression particulièrement à la mode, un grand flou subsiste autour de ce qui est concrètement attendu en termes d’apprentissages et de savoirs, de pédagogie et d’évaluation.

Par ailleurs, étant donné qu’avec la réforme un tiers de la conception et de la mise en œuvre des programmes de chaque BUT sera à la charge de l’IUT concerné, on peut craindre un accroissement des inégalités de niveau et de réussite d’un IUT à l’autre, renforçant alors la dimension concurrentielle déjà bien en marche dans l’enseignement supérieur.

Un risque d’abaissement du niveau du diplôme

Le deuxième point critique lié aux principes fondamentaux de la réforme concerne le niveau même du diplôme et en particulier le risque d’abaissement du niveau du BUT.

La première raison qui justifie cette crainte repose sur la réduction effective du nombre d’heures de cours. En DUT tertiaire, les étudiants suivent 1 620 heures de cours sur deux ans et 1 800 heures pour les DUT secondaires. Avec la réforme, les BUT tertiaires comporteront 1 800 heures sur trois ans et 2 000 heures pour le secondaire. Dit autrement, la réforme des IUT consiste à répartir la charge de travail des deux ans de DUT très légèrement augmentée sur trois ans. Cela contribue à abaisser le niveau du diplôme dans la mesure où la réduction effective des heures de cours et de la charge de travail ne peut qu’entraîner une baisse des exigences. 

Par ailleurs, en rendant plus accessible cette formation aux lycéens de la voie technologique (ce qui est un objectif louable), les IUT sont confrontés au dilemme de l’harmonisation des savoirs et de la remise à niveau. Dans l’idéal, il faudrait que les IUT puissent proposer une remise à niveau pour les bacheliers technologiques afin que ces derniers aient autant de chances que leurs camarades avec un bac général de réussir le diplôme. En réalité, la réforme ne dote pas les filières de moyens supplémentaires pour y faire face, ce qui rend impossible cette remise à niveau durable. Que va-t-il se passer ? Ne pouvant pas harmoniser le niveau des étudiants faute de moyens et d’heures de cours, et face à l’objectif de réussite des étudiants, les IUT vont être contraints d’abaisser les exigences pédagogiques.

Une loi visant uniquement à gérer les flux d’étudiants ?

Comme nous venons de l’évoquer, l’abaissement du niveau d’exigence et des heures de cours conduirait à terme à un abaissement du niveau du BUT. On pourrait alors se demander si la réforme ne viserait pas plutôt à gérer les flux toujours plus croissants et complexes des néobacheliers arrivant dans la sphère des études supérieures pour transformer le BUT en voie de garage pour les « recalés de Parcoursup ».

En effet, si à moyen terme le niveau du BUT baisse, alors les différents acteurs (les employeurs mais aussi les formations, comme les écoles ou les universités, qui recrutent potentiellement après un BUT) vont vite réaliser que le BUT n’a plus rien à voir avec la solide réputation du DUT. De ce fait, le nouveau diplôme paraît bien moins attractif, ce qui aura pour effet une stratégie d’évitement de la part des meilleurs bacheliers.

Voici un exemple pour illustrer ces propos. Si le DUT ancienne version permettait aux meilleurs étudiants d’intégrer une école d’ingénieur ou de commerce, ce ne sera certainement plus le cas pour le BUT : ces très bons candidats se reporteront alors vers les CPGE, ce qui permettrait d’endiguer la crise de recrutement des prépas tout en privant les IUT des meilleurs éléments. Le BUT deviendrait alors une voie « de garage » où se retrouveraient les bacheliers les moins bien préparés et/ou orientés, ceux qui à cause de leur choix de spécialités peu stratégique ou de leurs résultats insuffisants ne sont pris ni en BTS, ni en licence, ni en CPGE.

« Bachelor », un terme qui pose problème

Le choix du mot anglais « bachelor » renvoie à une dimension internationale, en lien avec l’inscription du BUT dans les logiques européennes de l’enseignement supérieur. Si le terme bachelor crée effectivement un effet d’attraction et de visibilité du diplôme au niveau international, il suscite néanmoins une certaine confusion terminologique. En effet, c’est la première fois que l’enseignement public utilise cet anglicisme, jusque-là réservé uniquement à la sphère privée. Une vraie confusion apparaît entre ce diplôme national et une éventuelle certification privée.

Les IUT sont progressivement en train d’intégrer les nouvelles modalités pour que la rentrée 2021 permette le passage au BUT. Notons à ce propos que la première promotion du BUT débutera les études en 2021 afin d’être diplômée à la fin de l’année scolaire 2023/2024. Pendant un an (l’année scolaire 2021/2022), les nouveaux BUT et anciens DUT devront cohabiter. La crise sanitaire qui mobilise déjà pleinement les équipes n’arrange pas vraiment la situation, à tel point qu’un appel à reporter la réforme d’un an a été lancé, en vain. Une chose est certaine, il faudra suivre de près l’application de cette réforme qui aura forcément des conséquences importantes sur l’ensemble de l’organisation des études supérieures.


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