Epicure

Philosophie : Le plaisir chez Épicure

À lire dans cet article :

Que nous faut-il pour atteindre le bonheur ? La vie nous assaille de souffrances, et nous conduit à en craindre de nouvelles, quitte à faire preuve de superstition. Au-dessus de toutes ces craintes, celle de la mort nous paralyse. Que faire pour apaiser cette inquiétude ?

 

La solution d’Épicure tient en quatre principes, aussi l’appelle-t-on tetrapharmakos (τετραφάρμακος, en grec : le “quadruple remède”). Son sommet consiste en une doctrine du plaisir comme Souverain Bien, et est exposée dans la Lettre à Ménécée, dont nous allons suivre le développement.

 

Ne crains pas les dieux

Épicure procède couche par couche, jusqu’au remède le plus fondamental. Le premier remède concerne donc la superstition, qui est la crainte de la souffrance infligée par les dieux. Or, cette crainte n’a rien de fondé : pour Épicure, il est bien évident que les dieux existent, mais ceux-ci n’ont aucune raison d’importuner les hommes. En effet, ils sont déjà bienheureux et paisibles : ils n’ont donc aucune raison de s’immiscer dans les affaires humaines, ni en bien ni en mal, ni pour punir ni pour récompenser. L’impiété ne consiste donc non pas à nier l’existence des dieux, mais à croire qu’ils prennent part aux affaires humaines :

Mais, quant à leur nature, ils ne sont pas tels que la foule le croit. Et l’impie n’est pas celui qui rejette les dieux de la foule : c’est celui qui attribue aux dieux ce que leur prêtent les opinions de la foule.

 

Ne crains pas la mort

Si la superstition n’est donc fondée sur rien : l’homme n’a pas à craindre la puissance des dieux. Cependant, s’il ne doit pas craindre une puissance implacable extérieure à lui, sans doute doit-il craindre la mort, qui est elle aussi, en quelque sorte, une puissance implacable. Pour Épicure, il n’en est rien :

Prends l’habitude de penser que la mort n’est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensibilité.

Il y a ici un point capital de la doctrine épicurienne : tout bien et tout mal sont dans la sensation, ce qui est à la source de son hédonisme, c’est-à-dire la doctrine selon laquelle le plaisir est le souverain bien, la fin que l’homme recherche et qui, obtenue, maintient l’homme heureux et satisfait.

L’argument est simple mais frappant : la mort, c’est la privation de sensation. Or, la privation de sensation ne peut pas être un mal pour moi, car elle implique que, moi-même, je ne sois pas. Pour qu’il y ait bien ou mal, il faut du moins que moi, je sois, pour éprouver des sensations plaisantes ou déplaisantes. Puisque, dans la mort, je ne suis pas, il n’y a pour moi ni bien ni mal. Dès lors, la mort n’est pas à craindre :

Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d’horreur, la mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus.

Considérer que la mort est pour moi un mal, ce serait, en somme, comme considérer que la période avant ma naissance était pour moi un mal : c’est absurde, car, avant ma naissance, je n’étais pas.

Ce qui est une souffrance, ce n’est donc pas la mort, mais l’attente craintive de la mort. Or, cette crainte n’a aucun fondement ; dès lors, autant ne pas craindre la mort, et rejeter cette souffrance.

Lire aussi : La lutte à mort des consciences chez Hegel

 

La métrétique des plaisirs

Ne crains pas les souffrances

Si la mort n’est pas à craindre, car le mal ne peut être que dans la sensation, la souffrance, qui est une sensation, doit bien, elle, être crainte ? Pour Épicure, ce n’est pas le cas, car la souffrance peut parfois être la source de plaisirs plus grands, et, surtout, elle peut être neutralisée. C’est là la source d’une métrétique des plaisirs, c’est-à-dire d’un calcul permettant de déterminer quels plaisirs doivent être poursuivis, et quelles douleurs acceptées en vue de ces plaisirs.

 

Les plaisirs sont faciles à obtenir

Plaisir au repos et plaisir en mouvement

Le dernier remède est ainsi le plus fondamental : il consiste en une identification du plaisir au bonheur et à la finalité de toute vie humaine. Or, Épicure n’est pas “épicurien”, au sens courant : sa doctrine ne recommande pas de rechercher les plaisirs les plus débauchés, sans limite. C’est tout l’inverse : pour Épicure, le souverain bien, le plaisir le plus haut, c’est la simple absence de douleur, qui laisse l’âme en paix (ce que l’on appelle, en grec, l’ataraxie), ainsi que le corps (l’aponie). C’est un plaisir catastématique, en repos. Les plaisirs cinétiques, qui impliquent un mouvement, une dynamique, ne sont rien d’autre que des plaisirs qui visent cet état de repos et de paix. Les plaisirs cinétiques n’ont pas la même valeur que les plaisirs catastématiques, car ils sont mêlés de douleur : boire lorsque l’on a soif, c’est un plaisir cinétique, nécessairement mêlé à une douleur, car la soif en est une, et que l’on boit que tant que l’on a soif. Au contraire, avoir sa soif étanchée, c’est un plaisir catastématique, au repos, sans douleur.

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Les types de plaisir

Cela signifie que, même si tout plaisir est un bien, tout plaisir ne doit pas être recherché. Épicure distingue ainsi les types de plaisir, correspondant aux différents types de désir :

  1. Les désirs non-naturels sont des désirs vains : ce sont en particulier les désirs qui renferment de l’illimité, comme celui de s’enrichir (l’on peut toujours devenir plus riche)
  2. Les désirs naturels : ce sont des désirs bornés, qui peuvent être satisfaits. Mais tous ne doivent pas l’être.
    1. Les désirs non-nécessaires : ce sont ceux dont la privation n’implique pas une douleur, comme le désir sexuel. Il n’est pas nécessaire de les poursuivre, mais ils ne sont pas non plus proscrits.
    2. Les désirs nécessaires : ce sont ceux dont la privation implique une douleur. On en distingue trois types :
      1. Les désirs liés à la vie : il est ainsi naturel et nécessaire de combler sa soif.
      2. Les désirs liés au corps : il est naturel et nécessaire de se protéger contre ce qui peut causer du dommage au corps.
      3. Les désirs liés au bonheur : il est naturel et nécessaire de faire de la philosophie, qui est la science des causes du bonheur, et d’entretenir des amitiés.

Ce sont les plaisirs naturels et surtout nécessaires qui doivent être recherchés en priorité. Il peut être ainsi bon de ne pas éviter certaines douleurs, si cela permet d’entretenir le plaisir au repos : ainsi, de ne pas participer à un banquet, si cela permet de ne pas finir avec une indigestion.

 

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