Depuis plusieurs années, la santé mentale des étudiants est devenue une préoccupation majeure au sein des universités. Stress lié aux études, isolement, précarité, anxiété face à l’avenir : les sources de mal-être sont nombreuses et la crise du Covid-19 n’a fait qu’amplifier ces fragilités déjà existantes. Heureusement, la parole se libère peu à peu, et les établissements d’enseignement supérieur prennent des mesures concrètes pour mieux accompagner leurs étudiants.
À l’Université Côte d’Azur, le centre de santé universitaire joue un rôle central dans cette démarche. Coraline Carbonell, sa coordinatrice, revient pour nous sur les enjeux actuels de la santé mentale étudiante, les dispositifs d’accompagnement mis en place, et les pistes pour renforcer encore la prévention et le soutien.
Un état des lieux de la santé mentale des étudiants en France
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Coraline Carbonell, coordinatrice du Centre de santé universitaire de l’Université Côte d’Azur depuis six ans. Quand je suis arrivée, le centre était encore en sommeil. L’arrivée de la crise du Covid a marqué un vrai tournant : on a pris conscience qu’il fallait renforcer notre action sur la santé mentale des étudiants. Aujourd’hui, je coordonne l’ensemble des professionnels de santé qui interviennent, et je fais en sorte que les besoins des étudiants soient bien remontés pour pouvoir adapter nos moyens.
Comment évolue la santé mentale des étudiants ces dernières années ?
Il serait réducteur de dire que les difficultés sont apparues avec le Covid. La santé mentale des étudiants est historiquement fragile : ils ne sont plus des enfants, pas encore des adultes, c’est une période de bouleversements. Ce qui a changé après le Covid, c’est la perception. Les étudiants franchissent plus facilement la porte d’un centre de santé ou d’un psy. Il y a eu une vraie dédramatisation, une meilleure lisibilité de l’offre de soins et moins de réticence à demander de l’aide.
Quelles sont les principales sources de mal-être identifiées chez les étudiants ?
Trois grandes causes ressortent :
- L’orientation et les doutes académiques : des étudiants engagés dans un cursus qui ne leur convient pas, mais qui ont peur de se réorienter.
- La précarité économique, qui impacte fortement la santé mentale quand on a du mal à se nourrir ou se loger.
- L’isolement, amplifié par les cours en visio et la difficulté à créer du lien à l’université. Passer de 30 élèves au lycée à 300 en amphi peut être très déstabilisant.
Le soutien psychologique est important, mais l’aide sociale, les événements culturels et les actions de lien social sont tout aussi essentiels.
Avez-vous constaté une augmentation des demandes d’aide psychologique chez les étudiants ?
Oui, de manière significative. Après le Covid, nous avons pu recruter deux psychologues supplémentaires. Leurs plannings ont été remplis immédiatement. Cela montre une forte demande, mais aussi une diminution du tabou autour de la santé mentale. Notre objectif est d’avoir des psychologues présents sur chaque campus pour faciliter l’accès. Nous développons aussi des alternatives : ateliers, groupes de parole… pour aller au-delà des consultations individuelles.
Quels profils sont les plus vulnérables ?
Plusieurs profils ressortent :
- Les étudiants internationaux, confrontés à un nouveau pays, un nouveau système et souvent à une forte solitude.
- Les étudiants de première année, pour qui le passage lycée-université est un choc, avec plus de liberté, mais aussi plus de pression.
- Les étudiants en filières exigeantes (médecine, ingénierie), qui se mettent souvent une pression supplémentaire.
Les réseaux sociaux jouent-ils un rôle dans leur santé mentale ?
Oui et c’est très ambivalent. Il y a un côté très positif : les réseaux sociaux facilitent l’accès à l’information, la mise en relation entre pairs, les témoignages utiles. Mais aussi un versant plus sombre : sentiment d’isolement, pression sociale, exposition à la haine. C’est un outil puissant, mais qui demande du tri, de la nuance et un accompagnement.
Quels troubles sont les plus fréquents chez les étudiants ?
On rencontre beaucoup de troubles anxieux, parfois des épisodes dépressifs nécessitant un suivi médical. Les troubles alimentaires sont également très présents et concernent autant les garçons que les filles. C’est pour cela que notre approche est pluridisciplinaire : médecins, psychologues, infirmiers et assistants sociaux travaillent ensemble.
Comment reconnaître un mal-être qui nécessite une prise en charge ?
C’est une question de durée. Un simple coup de blues n’est pas une dépression. Mais si l’état persiste au-delà de deux à trois semaines ou s’il y a une rupture avec le comportement habituel, il faut consulter un(e) professionnel(le). Même un simple médecin généraliste peut aider à faire le point. Il ne faut pas attendre que la situation s’aggrave.
La présentation du centre universitaire de l’Université Côte d’Azur
À qui s’adresse ce centre de santé et comment fonctionne-t-il ?
Le centre de santé est situé sur le campus Saint-Jean d’Angély de l’Université Côte d’Azur et dispose d’une antenne à Sophia Antipolis. Il s’adresse à tous les étudiants et personnels de l’université. Une partie du centre est aussi ouverte à tous les habitants du territoire.
C’est un centre de santé universitaire à rayonnement élargi, ce qui attire des professionnels motivés par la diversité des profils (personnes âgées, maladies chroniques, etc.).
Quels professionnels sont présents dans ce centre et les soins sont-ils gratuits ?
Les étudiants peuvent consulter des médecins généralistes, des gynécologues, des médecins du sport, des psychologues, des infirmiers et des assistants sociaux. Les consultations sont sans avance de frais, sur simple présentation de la carte Vitale. C’est un levier fort pour lever les freins financiers.
Nous avons aussi des permanences CPAM et un accompagnement spécifique pour les étudiants étrangers, pour les aider à accéder à leurs droits.
🧠 Premiers secours en santé mentale : une formation qui mobilise toute la communauté universitaire
L’Université Côte d’Azur propose également une formation de 14 heures aux premiers secours en santé mentale, ouverte aux étudiants et aux personnels de l’université. Elle permet d’apprendre à détecter les signaux d’alerte, à comprendre les troubles (dépression, troubles alimentaires, anxiété, etc.) et à adopter les bons réflexes en attendant l’intervention d’un professionnel. Entièrement prise en charge par la CVEC, cette formation illustre l’engagement de toute l’université dans la prise en compte de la santé mentale. Agents d’accueil, bibliothécaires, étudiants : chacun peut se former, preuve que le sujet dépasse le cadre du centre de santé. Les étudiants y adhèrent pleinement, certains s’inscrivant même en plein mois d’août. Une dynamique de solidarité se crée et c’est sans doute l’un des plus beaux signaux d’une communauté qui se soucie réellement du bien-être de chacun.Travailler ensemble pour le bien-être des étudiants
Comment travaillez-vous avec les autres services de l’université ?
Le service social est intégré au centre de santé, ce qui facilite le travail d’équipe. On propose des dispositifs comme le frigo solidaire, le dressing solidaire et des aides adaptées à chaque situation.
Nous collaborons aussi avec les associations étudiantes : distribution de kits de prévention via les BDE, participation à des journées santé organisées par les étudiants, etc. Il y a une vraie dynamique collective.
Quelle est la fréquentation du centre de santé ?
Nous enregistrons environ 10 000 consultations par an, pour environ 4 000 étudiants suivis. Certains viennent une fois, d’autres toutes les deux semaines. Le taux de satisfaction sur Doctolib est excellent, autour de 9,5/10.
Quelles pistes pour améliorer encore le bien-être étudiant ?
Le bien-être passe autant par la réussite universitaire que par l’intégration sociale. Un étudiant sera épanoui s’il apprend, mais aussi s’il crée des souvenirs, des amitiés. Le sport, la culture, la vie de campus jouent un rôle clé, tout autant que nous.
Nous proposons aussi des formations aux premiers secours en santé mentale : 14 heures pour apprendre à détecter, comprendre et agir. C’est ouvert à tous, pris en charge par la CVEC. Le fait que des agents d’accueil, des bibliothécaires, ou des étudiants eux-mêmes y participent montre que la santé mentale est une préoccupation partagée par toute l’université.