philosophie

Bac 2022 : corrigé du sujet de philosophie (voie générale)

À lire dans cet article :

L’épreuve de philosophie du bac 2022 s’est tenue le mercredi 15 juin dernier, de 8h à 12h, le temps pour les candidats de laisser libre cours à leur imagination (et à leurs révisions !). Dans cet article, nous te dévoilons le corrigé du sujet sur lequel ont planché les élèves en classe de terminale.

Comment se déroule l’épreuve de philosophie au bac ?

L’épreuve de philosophie dure 4 heures et tu auras le choix entre 3 sujets : deux sujets de dissertation et un sujet de commentaire de texte.

Les sujets qui tombent le jour de l’épreuve te donneront l’occasion de mobiliser les notions et la culture philosophique que tu as acquises au cours de ton année de terminale.

À l’issue de cette épreuve, tu obtiendras une note sur 20 points.

Le sujet de philosophie du bac 2022 de la voie générale

Voici le sujet de philosophie sur lequel les candidats ont planché (corps et âme) le mercredi 15 juin dernier :

Le corrigé du sujet de philosophie du bac 2022 de la voie générale

Dissertation – Sujet 1

Le sujet était “Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ?”. Nous proposons la problématique suivante :

Comment l’art, comme action sur le monde, peut-il à la fois partir du monde pour en imiter la forme et prétendre changer celle-ci ?

Première partie

L’on peut arguer d’abord que les pratiques artistiques changent bien la forme du monde. Les pratiques artistiques sont en effet une partie de la vie active, de la vita activa telle qu’analysée par Arendt dans Condition de l’homme moderne. Plus précisément, il s’agit d’une partie de l’œuvre, c’est-à-dire de la capacité de l’homme à s’extraire de sa naturalité pour produire un monde humain. Ce monde est donc un monde artificiel, mais il n’est pas inauthentique pour autant : au contraire, c’est dans ce monde que l’homme trouve son humanité. Il est le fond culturel dans lequel il s’enracine, et qui lui survivra. L’œuvre est le statut des productions durables telles que les vêtements (à l’époque où ceux-ci se transmettaient de génération en génération), les bâtiments, les jardins, etc. qui constituent le décor indispensable d’une vie humaine. C’est a fortiori le statut des productions artistiques que proposent les pratiques correspondantes, en particulier l’architecture ou la sculpture.

Deuxième partie

Nonobstant, les pratiques artistiques montrent parfois qu’elles ne transforment pas le monde, mais au contraire les imitent, ce qui peut avoir un effet délétère : en imitant un modèle nécessairement imparfaitement, elles le cachent et, si elles transforment le monde, c’est en fait en voilant ce qu’il y avait de beau et d’harmonieux dans le monde. Ainsi, dans le livre X de la République, Platon montre que la peinture, en proposant l’imitation d’objets qui sont déjà l’image d’idées plus réelles et plus parfaites (c’est l’exemple des trois lits), nous éloigne en fait d’autant plus des idées qu’il nous faut rechercher. Les pratiques artistiques, dans ce cas-là, loin de transformer le monde, en maintiennent la forme, mais en la dégradant.

Troisième partie

Platon nuance lui-même sa conception dans le Sophiste en distinguant l’icône de l’idole. L’icône est la bonne copie, celle qui respecte les proportions du modèle, tandis que l’idole les trahit pour mieux flatter les sens de celui qui la contemple. Il semble donc que, dans tous les cas, la pratique artistique ne fait pas naître un autre monde, mais se borne à l’imiter. Même dans l’œuvre analysée par Arendt, il n’est pas possible de s’abstraire du monde, et transformer le monde revient toujours à le modifier, sans jamais en dépasser proprement la forme (ce qu’implique le préfixe trans-).

La seule manière de dépasser réellement la forme du monde semble être de considérer la pratique artistique comme une pratique capable de transcender les apparences du monde pour le présenter dans sa vérité. L’art le plus élevé, dans ce sens, transforme le monde dans la mesure même où il en avère la forme authentique. C’est la position que défend Schopenhauer dans Le Monde comme vouloir et comme représentation : la pratique artistique y est considérée comme ce qui s’affranchit du monde comme représentation (dans sa forme, qui est le principe de raison suffisante) pour contempler le monde comme pure volonté aveugle. En ce sens, la pratique se nie comme pratique : elle devient, une fois l’œuvre achevée, contemplation apaisée : en ce sens, la pratique artistique débouche sur un soulagement.

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Dissertation – Sujet 2

Le sujet était “Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?”. Nous proposons la problématique suivante :

L’État doit-il avoir la prérogative de trancher entre le juste et l’injuste, arbitrairement s’il le faut, notamment si la justice ne peut être définie préalablement ?

Première partie

L’État doit décider de ce qui est juste, en particulier dans le domaine proprement judiciaire. La jurisprudence est le lieu où l’État, par l’intermédiaire de ses juges et dans ses tribunaux, statue sur le juste au cas par cas, en fonction du droit déjà établi. Plus radicalement, si l’on suit le raisonnement de Hobbes dans le Léviathan, à l’état de nature, rien n’est en soi juste ou injuste, et c’est seulement lors de l’érection de l’État par le contrat social que le souverain nommé décide de ce qui est juste et injuste, y compris au niveau des opinions du peuple.

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C’est à lui de décider des lois, dans le domaine législatif, ainsi que des décrets, dans le domaine exécutif, et de la direction que doit prendre la société qu’il a sous sa coupe, dans ce que l’on appellerait aujourd’hui un “projet de société”.

Deuxième partie

Cependant, cette conception de la justice omet l’essentielle liberté des êtres humains, qui doit être recherchée y compris au niveau politique. Dans l’État voulu par Hobbes, l’être humain n’a pas de liberté politique, il est entièrement soumis aux ordres du souverain qu’il n’est pas. Il faut donc, soit élargir ce que l’on entend par “État”, soit renoncer à regarder l’État comme ce qui doit décider de ce qui est juste.

Les deux positions peuvent revenir au même, si l’on considère l’État non pas comme ce qui activement décide des lois, mais comme ce qui, passivement, les reçoit. C’est la conception que propose Rousseau dans son Contrat Social : ce n’est plus l’État qui décide du juste, mais tous les citoyens rassemblés activement en un corps souverain. Ce sont eux qui décident de ce qui est juste, et cette justice correspond à la justice idéale, car la loi s’applique à tous les citoyens indistinctement : aussi aucun ne peut vouloir une loi qui léserait les autres, car elle le léserait lui aussi. C’est ce que Rousseau nomme la volonté générale, qui correspond à l’intérêt commun.

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Troisième partie

Toutefois, cette conception de la justice, si elle garantit que les lois soient justes, c’est-à-dire équitables, n’est pas suffisante pour le pouvoir exécutif, qui est nécessairement pris en charge par quelques-uns seulement. Dès lors, même s’ils sont théoriquement soumis à la loi, leur pouvoir supplémentaire leur permet d’œuvrer à la déliquescence progressive de l’État, jusqu’à ce qu’ils puissent asseoir leur mainmise sur la société. Il faut donc parvenir à penser une justice au-delà même de la volonté générale, et une organisation politique qui empêche cette mainmise progressive.

Il suffit, pour le premier point, de considérer que l’État, s’il décide de ce qui est juste dans les cas particuliers de la juridiction, de la législation et de l’exécution, le fait en référence à la norme d’une justice idéale, absolue, telle qu’elle ne dépende même pas de son expression dans la volonté générale. Ainsi, Platon recherche dans la République l’idée de la justice, qu’il trouve dans l’harmonie entre les différentes composantes de la cité, qui sont la composante productive (les ouvriers, les commerçants, les marchands…), la composante militaire (les gardiens de la cité), et la composante dirigeante. Ceux-ci sont les philosophes-rois, que leur éducation aura rendus amoureux de l’idée du bien, et capables de pratiquer la justice dans la cité en contemplant son modèle idéal. Il s’agit là du modèle de la cité (une utopie), mais chaque cité réelle doit s’efforcer de l’imiter au mieux.

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Explication de texte

Le texte proposé était un extrait de l’Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique de Cournot. Il portait sur l’opposition entre l’observation des phénomènes naturels et celle, intérieure, de ses propres états psychologiques. Cournot y soutient que l’observation de la nature répond à des critères de scientificité à laquelle ne peut prétendre l’observation intérieure. Le problème qu’il y résout peut donc se formuler ainsi : en quoi les critères de l’observation de la nature font-ils défaut à l’observation intérieure, empêchant la constitution d’une psychologie scientifique ?

Premier moment

Le texte se compose de deux moments. Dans le premier, l’auteur établit les critères qui ouvrent l’observation de la nature à la scientificité, et ce en deux étapes : il mentionne d’abord la nécessité de définir les conditions de l’observation de façon à ce que celle-ci puisse être répétée. L’observation découle ainsi de la construction d’un système répétable à l’identique, où la part d’imprévu est la moindre possible, et où l’on circonscrit la part de négligeable. Ces critères sont du côté objectif de l’observation : ils dessinent ce que l’on appelle aujourd’hui l’expérimentation. Dans la seconde étape, Cournot dessine les critères subjectifs de la scientificité de l’observation de la nature : il faut que l’observateur lui-même puisse être “répété”, autrement dit que les résultats de l’observation ne changent pas selon l’observateur. Un mal-voyant, par exemple, ne pourra pas corroborer une observation visuelle de la même façon qu’une personne dotée d’une excellente vue. C’est cette neutralité subjective qui permet à la “vérité intrinsèque du fait observé” de se manifester sans obstacle.

Second moment

Dans le second moment, Cournot oppose ces critères à la réalité de l’observation intérieure, qui ne peut les respecter et donc prétendre à la scientificité, là aussi en deux étapes. Dans la première, Cournot énonce l’impossibilité d’une psychologie scientifique, en tout cas selon les critères des sciences de la nature. La raison tient, objectivement, à la nature des faits psychologiques, qui sont “fugaces, insaisissables”, là où les phénomènes naturels sont plus fixes, bien définis, et ne se fondent pas les uns dans les autres de façon floue comme le font les états psychologiques.

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Subjectivement, la raison de la non-scientificité de la psychologie tient au fait que l’observation intérieure n’est pas partageable : elle est privée, elle ne peut se soumettre à la corroboration ou à la réfutation d’autrui, ce qui est justement une condition nécessaire de la scientificité. Pour pouvoir à la fois répéter le fait observé et faire varier l’individu observateur, il faut que l’observateur et l’observé diffèrent, ce qui n’est pas possible dans la psychologie. En outre, il n’est pas possible de mettre au jour un observateur neutre, capable d’observer le fait dans sa vérité intrinsèque, car chaque individu diffère trop des autres individus pour ce qui est de ses états psychologiques.

La seconde étape est davantage rhétorique : Cournot y entérine sa thèse en faisant usage de questions oratoires, creusant l’écart entre la scientificité des sciences de la nature et l’absence de scientificité de la psychologie. C’est l’occasion pour lui d’approfondir la question de la variation entre les observateurs : cette variation est nécessaire pour vérifier qu’un phénomène est objectif, et ne diffère pas d’un sujet à l’autre. Mais, s’il y a effectivement différence, c’est le nombre d’observateurs corroborants qui permet de juger de l’objectivité du fait : même si quelques-uns n’observent pas de la même façon le phénomène, il suffit qu’une écrasante majorité (“tant d’autres personnes”) l’observent identiquement pour que le fait soit établi objectivement. On distingue ainsi entre les “personnes mieux douées” d’un côté et “l’œil [pas] assez bon”, “le tact [pas] assez délicat” de l’autre.

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