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Philosophie : La soumission au souverain chez Hobbes

À lire dans cet article :

Qu’est-ce qu’un État ? L’État, c’est, littéralement, ce qui est, dans le sens de ce qui se maintient ou de ce qui dure, malgré la succession des monarques, des gouvernements ou des présidents. Dans ce cas, la question est plus précisément : que doit être un État ? C’est-à-dire : que doit-il être, justement pour se maintenir et perdurer ?

 

Pour répondre à cette question, il faut fournir une définition de l’État qui soit en même temps un engendrement de l’État, c’est-à-dire une identification des conditions d’existence de l’État. C’est là la méthode de Hobbes dans le chapitre 17 du Léviathan, qui peut se comprendre comme une géométrie politique : l’état de nature dont il part n’est pas historique, mais correspond aux axiomes et postulats anthropologiques nécessaires à la construction de la figure fondamentale du souverain.

 

L’état de nature

Dans les premiers chapitres du Léviathan, Hobbes décrit l’état des hommes vivant en-dehors de toute organisation politique structurée, ce que l’on appelle “état de nature”. Cet état de nature n’est donc pas historique ou pré-historique : il ne s’agit pas de savoir si les hommes vivaient vraiment ainsi, mais il s’agit d’identifier les comportements humains découlant de leur nature, tels qu’ils permettent de rendre compte de l’existence de l’État.

 

L’état de guerre

Cet état de nature est caractérisé par l’état de guerre de tous contre tous : l’homme étant caractérisé par un désir toujours renouvelé de puissance et de conservation de sa propre vie, il n’hésite pas à mettre celle des autres en danger par défiance, compétition et désir de gloire. Or, comme il l’observe dans le chapitre 13, la nature a fait les hommes si égaux que, malgré leurs différences, le plus faible peut vaincre le plus fort par la ruse ou en s’alliant à d’autres. Chacun ayant les mêmes fins et à peu près les mêmes forces, la défiance naît entre les hommes, et un état de guerre larvée se maintient entre eux.

Lire aussi : La lutte à mort des consciences chez Hegel

 

Droit naturel et loi naturelle

Les hommes disposent ainsi d’un droit naturel (chapitre 14), celui :

D’user de sa propre puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie et, par conséquent, de faire, selon son jugement et sa raison propres, tout ce qu’il concevra être le meilleur moyen adapté à cette fin.

Ce droit naturel est le ferment de l’état de guerre, et s’oppose, en cela, à la loi naturelle, qui interdit à chacun :

De faire ce qui détruit sa vie, ou qui le prive des moyens de la préserver, et de négliger de faire ce par quoi il pense qu’elle serait le mieux préservée.

Ainsi, par droit naturel, chacun exerce sa puissance sur autrui, au risque d’attirer sur lui une violence préventive ou vengeresse. L’homme est dans un état de tension qui ne peut se résoudre que d’une seule manière : l’instauration de l’État.

 

La génération de l’État

L’autorisation

La possibilité de l’État repose sur la distinction des concepts de personne, d’auteur et d’acteur. La personne est :

Celui dont les mots et les actions sont considérés soit comme étant les siens propres, soit en ce qu’ils représentent les mots et les actions d’un autre.

Dans le premier cas, il s’agit d’une personne naturelle ; dans le second, la personne est un acteur, qui représente quelqu’un d’autre et parle à sa place. Dans ce cas-là, l’acteur représente l’auteur, et a autorité pour agir : il est autorisé par l’auteur.

C’est cette autorisation qui permet à :

Des humains en multitude [de former] une personne une quand ils sont représentés par un seul homme ou une seule personne, en sorte que cela se fasse avec le consentement de chacun des individus […].

 

La puissance du souverain

Par cette autorisation, l’état de guerre peut être dissous : il suffit que chaque individu dans une multitude s’accorde avec tous les autres pour se défaire de son droit de nature sur toute chose et le déléguer à un représentant, le souverain. C’est seulement de cette façon qu’ils peuvent s’assurer de leur survie durable.

Le fait que le souverain est le récipiendaire de l’autorité de tout le peuple implique que son pouvoir est absolu : il peut décider de tout, y compris des opinions de ses sujets, et ceux-ci ne peuvent s’y soustraire (sauf dans le cas particulier de la peine de mort : l’État a été généré pour préserver la vie des individus, aussi, même si le sujet n’a pas le droit légal de se soustraire à la peine, il en a le droit naturel). Le Souverain exerce ainsi la terreur sur ses sujets : sa puissance et les châtiments qu’il promet doit être telle qu’elle dissuade la guerre larvée de tous contre tous de reprendre.

Le Souverain doit donc, par définition, détenir un pouvoir absolu, sans quoi l’État ne peut se maintenir, et rester l’État. Si son pouvoir n’est pas absolu, il y a un risque de guerre civile, que Hobbes a connue et à laquelle il réagit dans le Léviathan.
Le souverain de l’État n’est pas forcément un monarque ou un président : il peut aussi s’agir d’une assemblée, qui règne selon des votes à la majorité. Dans tous les cas, le fait que le souverain soit le représentant de la volonté de tous ses sujets fait que chacun reconnaît être l’auteur de cette volonté : le souverain est en effet nécessairement son délégué.

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Définitions

On appelle ainsi “État” :

Une personne une dont les actes ont pour auteur, à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d’une grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il l’estimera convenir à leur paix et à leur défense commune.

L’État est, en somme, une personne conventionnelle ayant le pouvoir d’agir au nom de tous, extérieure au contrat social qui l’a généré, actrice de ses actions, dont chaque sujet est l’auteur.

On appelle ensuite “souverain” :

Celui qui est dépositaire de cette personne […] et l’on dit qu’il a la puissance souveraine.

Par opposition, tous les autres membres de la société soumise au souverain sont ses sujets.

 

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