Alexia Mortaud, 19 ans, très engagée pour la jeunesse et l’écologie, revient tout juste de la COP30, où elle est partie avec une délégation de 18 jeunes. Elle souhaite désormais transmettre et partager tout ce qu’elle y a appris, avec une volonté bien affirmée d’être utile à la cause et de faire entendre sa voix.
Le parcours d’Alexia en tant qu’étudiante engagée
Tu viens d’intégrer une école de commerce, peux-tu m’expliquer pourquoi tu as choisi de t’orienter dans cette filière ?
À la fin du lycée, j’étais très intéressée par l’immobilier, la politique, le code… Je ne voulais pas me fermer de porte, et j’ai trouvé qu’une école de commerce laissait la possibilité de se diriger vers plusieurs carrières malgré l’idée que l’on s’en fait. J’ai longuement hésité entre Assas en droit ou j’ai également été prise et l’IÉSEG du fait de son classement. Finalement j’ai choisi l‘IÉSEG, car j’ambitionne de réaliser un double master à HEC.
Quel type d’élève étais-tu au lycée, te prédestinais-tu à des études en école de management ?
J’ai grandi dans un cadre où mes deux parents m’ont toujours poussée à faire de grandes études. Ils sont tous les deux ingénieurs en informatique et c’est vrai que ça coulait de source pour moi d’essayer d’entrer dans une grande école et de faire de longues études.
En quoi faire une école de commerce sert-il ton engagement pour l’écologie et la jeunesse et que t’apporte-t-elle concrètement ?
Malgré ce qu’on pourrait croire, dans ce monde ou la consommation ne rime pas avec durabilité, on peut intégrer une école de commerce avec la volonté d’influencer de la bonne façon notre consommation. Je choisis de me concentrer et de développer des projets qui sont alignés avec mes valeurs.
Ce que j’apprécie avec mon école, c’est qu’on a des projets très axés sur ces sujets-là. On parle d’écologie, et on peut participer à des projets en lien avec tout ce qui découle du changement climatique.
Par exemple, on avait un projet en lien avec l’UNICEF : la création d’une cagnotte pour soutenir l’accès à l’éducation en Ouganda. Depuis le début, je ressens une forte corrélation entre l’environnement et l’école. On a des cours de langues également, ce qui est très important pour travailler avec l’international. Rien que lors de la COP30, il y avait 292 délégations de pays différents. C’est important également de développer son aisance à l’oral, savoir travailler en groupe, et ce sont des ressources que nous fournit l’école et qui sont très importantes au niveau professionnel.
Je développe également une application pour consommer plus durablement, puisqu’aujourd’hui, c’est ce qui pollue le plus. Le principe, c’est de permettre au consommateur de scanner n’importe quel produit : vêtement, aliment, etc., et un score global sera déterminé en fonction de l’emballage, du transport, ou encore de l’origine. Ce score permettra d’aider le consommateur à choisir avec beaucoup plus de transparence, et en même temps de mettre en avant la production et les producteurs locaux. Je suis à l’origine du projet, mais j’ai maintenant une équipe que je dirige pour tout coder tout retracer car c’est un travail énorme. Dès le prochain semestre, je vais obtenir le statut d’étudiante entrepreneuse, qui me permettra d’avoir un emploi du temps aménagé et plus de temps pour travailler sur l’application.
Comment arrives-tu à allier tes études et ton combat pour la jeunesse et l’écologie ?
Il faut le voir comme une passion plutôt qu’un travail. Lorsque je travaille sur mes différents projets, je le considère comme une activité extrascolaire. Certains prennent des cours de cuisine, moi je travaille sur mon application ou je prends la parole pour représenter la jeunesse. C’est chronophage, c’est vrai, il faut être confiant, déterminé et organisé.
D’où te vient cette volonté, quand et comment as-tu commencé à prendre la parole ?
J’ai fait toute ma scolarité à Paris, en lycée privé, et c’est vrai qu’on a du mal à se rendre compte du monde extérieur. Autour de mes 15 ans, certains de mes amis ont commencé à s’engager, surtout en politique. Ça m’a beaucoup inspirée et j’ai commencé par m’engager dans l’association #NousToutes et ça a été le déclic. J’ai réalisé que nos actions avaient un réel impact et j’ai souhaité approfondir en entrant en politique. J’ai commencé à créer mon programme, à partager mes idées au centre jeunesse de Saint-Ouen et ça a fonctionné. Maintenant, je participe à des signature de contrat ou encore des inaugurations de monuments. C’est important de représenter la jeunesse dans des sphères plus hautes, parce qu’il y a très peu de jeunes, alors même que ça nous concerne. Je veux qu’on nous prenne au sérieux et ça prouve qu’on peut comprendre le monde malgré nos jeunes âges.
Le retour de la COP30
Tu reviens tout juste du Brésil, où tu as eu l’occasion de partir pour assister à la COP30. Comment cette opportunité s’est présentée à toi ?
Cette opportunité s’est présentée grâce au maire de ma ville, Karim Bouamrane. Grâce à la création du village olympique de Saint-Ouen, les jeunes ont beaucoup parlé aux athlètes internationaux et notamment avec les sportifs brésiliens. On s’est tous très bien entendus, ce qui a donné l’idée à Karim Bouamrane de créer un groupe avec ces athlètes et nous, en préparation de la COP30 et avant ça le forum Nosso Futuro à Salvador de Bahia. Une sorte de pré-COP organisée par l’Institut français et l’ambassade de France au Brésil. J’ai eu la chance de faire partie des 18 sélectionnés, dont 3 seniors grâce à mon engagement et ma prise de position dans différents évènements.
Peux-tu nous expliquer comment tu t’es préparée à ce départ, et quels étaient tes objectifs sur place ?
J’ai participé pendant 8 mois en amont à la formation de Banlieues climat, Écologie Universelle et Ça bouge grave. On a été formés à la fois pour le forum Nosso Futuro et pour la COP sur la pratique, la théorie, et comment conscientiser les enjeux et les problématiques. C’est là qu’on a réalisé que tous les enjeux du réchauffement climatique n’étaient pas qu’environnementaux, mais aussi et surtout social. On était mobilisés tous les samedis de 8h à 19h, avec beaucoup de pratique l’après-midi. On a bénéficié de l’intervention de Brésiliens, ou encore de peuples autochtones pour témoigner des problématiques auxquelles ils sont confrontés. On a également participé à l’ouverture de l’exposition “Migrations & climat” pour récolter les avis des gens de banlieue, sur les sujets des inégalités et du changement climatique, des jeunes comme des plus âgés. Durant cette formation on a notamment préparé :
- Les différentes tables rondes
- Un plaidoyer sur la jeunesse et l’environnement
- Nos discours d’ouverture et de clôture de certains forums
Des enseignements qui nous ont beaucoup apporté, puisqu’une fois sur place, on est beaucoup passés à la radio, on a fait pas mal de journalisme finalement avec l’Institution française. D’ailleurs, un documentaire de 30 minutes sera diffusé le 9 décembre pour retracer toute cette aventure.
Tu as pu t’exprimer devant le président Macron, comment as-tu vécu ce moment, as-tu pu présenter tout ce que tu souhaitais ?
Lors de l’ouverture du forum Nosso Futuro, le président a participé à une table ronde avec la ministre de la culture du Brésil et d’autres délégués de quelques pays d’Afrique. L’année dernière, ce continent était au coeur du sujet de la COP 29. L’Afrique étant immense, il n’y avait pas eu assez de temps pour parler de tous les pays. C’est à ce moment que j’ai pu échanger un peu avec Emmanuel Macron, pour lui présenter les tables rondes qu’on a réalisées et lui exposer les problématiques de la jeunesse. Lorsque j’ai pu lui parler individuellement, j’ai eu la sensation qu’il m’écoutait vraiment. Ses réponses étaient encourageantes, j’ai ressenti beaucoup de fierté. Il semblait impressionné car comme il me l’a dit, lorsqu’il avait mon âge, il n’était pas aussi impliqué.
Maintenant que tu as pu prendre un peu de recul, quels sont tes regrets, si tu en as ?
Je sais que j’ai eu une chance énorme de partir, et on a été assez préparés pour qu’on soit conscients de ce qu’on allait y faire et de notre rôle. J’étais sur place du 3 au 11, et c’est vrai que tout est allé très vite. Pour moi, le plus important, c’est surtout l’après COP. Je veux absolument transmettre le plus possible que ce soit autour de moi, dans les écoles. C’est très important de commencer la sensibilisation dès le plus jeune âge. Je vais dans quelques classes de primaire pour leur parler de tout ce que j’y ai vu et appris et ils sont très réceptifs. Je vois que ça a un réel impact. Le message que je veux faire passer, c’est que la jeunesse a du pouvoir, qu’elle doit se faire entendre et qu’on est le futur. Sur place, je n’ai aucun regret. J’ai pu partager mes idées, échanger, écouter et réaliser de beaux discours avec mes mots, mes textes, sans censure. C’est ce qui m’a le plus plu. J’ai également parlé aux populations locales, ce qui m’a permis de réaliser une journée en immersion avec les autochtones. C’est vraiment là qu’on se rend compte à quel point chaque mode de vie, chaque objectif, chaque attente est différent. J’ai pu entendre des témoignages d’enfants très percutants, mais j’aurais aimé en entendre davantage. C’est quand on assiste à ça qu’on est directement touché et que notre motivation est décuplée.
Quelles leçons peux-tu tirer de cette expérience, et ton point de vue a-t-il évolué sur tes certitudes avant de partir et une fois de retour ?
La COP30 a changé beaucoup de choses. J’y suis allée avec beaucoup d’aprioris, parce que, lors du forum, nos prises de paroles étaient controlées. On avait notamment une question à poser qui était “est ce que la jeunesse est vraiment écoutée ? “, alors que les questions étaient présélectionnées et imposées. Ça m’a fait sourire. J’avais peur que l’on ne soit que des figurants, présents pour la médiatisation de l’événement sans notre mot à dire, mais ça n’a pas été le cas heureusement. J’ai pris conscience d’autres réalités, notamment à des plus petites échelles, sur des plus petites populations et tout va beaucoup plus loin. Le changement climatique n’a pas qu’un impact écologique. Il accroit les inégalités sociales, ce qui a énormément de conséquences. Je ne pensais pas, par exemple, que la sécheresse pouvait causer un problème d’accès à l’éducation. J’ai réalisé aussi que les dépenses pour la technologie étaient de 600 milliards par an, alors que pour régler les problèmes de pauvreté extrême du monde, il faudrait à peine 300 milliards. Il faut qu’on redirige nos priorités, on doit corriger les problèmes qu’a engendrés la colonisation parce que c’est notre devoir et que ça nous concerne. J’ai pu parler avec madame Taubira, et j’ai été très impressionnée par son parcours. Découvrir les parcours de toutes ces personnalités m’a inspirée et encore plus motivée. C’est vraiment le sentiment de faire quelque chose d’utile qui me tient très à cœur.
Comment ta participation à la COP va-t-elle influencer ton engagement au quotidien ?
Avec toutes ces prises de conscience, j’ai encore plus envie de partager mon expérience pour la transmettre. J’étais déjà assez active, mais maintenant, c’est vrai que je me tourne particulièrement vers la sensibilisation. Je le fais avec mes proches, mes classes de primaire, aux conseils municipaux. J’agis encore plus concrètement maintenant que je sais ce qui est en jeu. Ce qui m’a marqué, c’est notamment de pouvoir parler aux jeunes de banlieues avec qui j’avais moins de contact, et que je prends plus en compte. J’ai réalisé que mon entourage n’est pas représentatif de toute la France. Ce qui a changé aussi, c’est tout le réseau que je me suis fait. Maintenant, ce sera plus facile de porter mes idées plus haut, puisque j’ai pu aborder des personnes comme le président ou encore Valérie Pécresse. On m’accorde de la confiance, je peux représenter la jeunesse comme il se doit et ma voix est enfin prise au sérieux. Cette COP a été pour moi un tremplin, une véritable occasion d’être mise en lumière. Rien que pour trouver des stages à l’international, je me suis fait tellement de contacts parmi toutes les délégations, les choses sont forcément facilitées.
Quels sont tes objectifs sur le moyen à long terme ?
J’ai toujours été entrepreneuse et curieuse dès le plus jeune âge. Mon objectif premier, c’est de continuer mes études et faire de la politique en parallèle pour ne pas me fermer trop de portes. J’ai envie de créer des entreprises, de faire de l’immobilier, continuer à développer des applications… J’ai toujours eu beaucoup d’idées et l’envie de toutes les réaliser. Je me destine à plusieurs carrières. En tout cas, peu importe ce que je ferai, il faut que ça soit aligné avec mes valeurs, que je résolve des problèmes. Je veux entreprendre avec comme direction principale d’être fidèle à mes valeurs.
Si j’avais un message à faire passer, ce serait de rappeler que ce n’est pas parce qu’on est jeunes qu’on ne peut pas agir. Si on a des valeurs très ancrées et qu’on veut faire la différence, il faut se lancer et ne pas avoir peur. On peut prouver de quoi on est capables, mais il faut avoir confiance en soi, car ce que les autres percevront sera le reflet de notre propre vision de nous. Le travail paye, et parfois il faut y aller au culot.







