Mer Méditerranée, frontière, échanges, puissances

HGGSP : La mer Méditerranée, espace de contact et d’exclusion

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Dans cet article, nous faisons le point avec toi sur une notion de géopolitique forte, les espaces maritimes. Nous nous intéresserons ici à la mer Méditerranée, un espace à la fois de contact, mais également d’exclusion.

La mer Méditerranée est une mer intérieure (très enclavée à l’intérieur des terres), espace de contact et d’exclusion entre l’Europe et le MENA (« Middle East and North Africa »). En effet, elle fonctionne à la fois comme une frontière, mais aussi comme un espace d’échange dynamique, avec des traits communs entre l’Europe au Nord, composée des États de l’Union Européenne et des Balkans, et 9 États du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA, qui représente 276 millions de personnes, soit 55% de la population des pays bordiers). L’espace méditerranée est complexe à délimiter, mais on peut prendre l’ensemble des pays bordiers pour le situer. Le caractère de frontière renvoie souvent à une fracture civilisationnelle qui existerait entre les pays du Nord et les pays du Sud de la mer méditerranée, mais cette fracture est à nuancer. En revanche, la frontière FRONTEX (aux portes de l’espace européen Schengen, au sein duquel la libre circulation des personnes est autorisée) constitue une frontière physique bien réelle. Du côté des points communs, on trouve avant tout le climat, une concentration des hommes et des activités sur les rives, et donc une concurrence vive pour l’espace et pour l’eau. Le fait que la mer Méditerranée soit à la fois une mer convoitée et fragile (I) et un espace d’échanges asymétriques (II) rend nécessaire l’affirmation d’un partenariat méditerranéen renforcé (III).

La Méditerranée, une mer convoitée et fragile

La mer Méditerranée est un espace soumis a de très fortes pressions dues à l’activité humaine, ce qui la fragile grandement. Dès 1975, le Plan bleu affirmait « la croissance, l’aménagement du territoire et gestion de l’eau sont non soutenables. » Aujourd’hui, les indicateurs sont encore plus inquiétants : 48% des côtes sont bétonnées, la mer Méditerranée concentre 1/3 du trafic maritime mondial, ce qui entraîne une pollution massive notamment du fait du dégazage des navires (ou déballastage : 1,5 millions de tonnes de carburant sont déversées chaque année dans la Méditerranée selon l’ONG environnementale WWF). Et 90% des stocks de poissons sont surexploités. Cette fragilisation risque de s’accentuer dans les prochaines années du fait d’une pression grandissante : la population vivant sur les rives de la Méditerranée a augmenté de 17% au XXIe siècle, ce qui a notamment pour effet de renforcer l’urbanisation et donc l’artificialisation des sols.

La mer Méditerranée est également convoitée en tant que point de passage stratégique, à la fois pour le commerce et la défense. Ce caractère historique a été renforcé par l’ouverture du canal de Suez en 1869 (14% du commerce mondial y passe). Elle voit aujourd’hui se concentrer les flottes de guerre, notamment la VIème flotte américaine, présente depuis 1945.

Enfin, la mer Méditerranée est un espace de tensions et rivalités multiples. Les deux principaux conflits concernent la Zone Économique Exclusive (ZEE) que se disputent Israël et le Liban, notamment pour exploiter les gisements de gaz en profondeur et surtout l’île de Chypre, opposant la Grèce à la Turquie. Indépendante en 1960 après le départ du Royaume-Uni, l’île a été envahie par la Turquie en 1974 après une tentative de rattachement à la Grèce. Une ligne verte tracée par l’ONU a séparé le Nord (38% du territoire) turc, du reste. 180 000 Grecs ont alors fui vers le Sud de l’île. Et la découverte de gisements de gaz au large de l’île en 2010 ravive les tensions.

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Un espace d’échanges asymétriques

En parallèle des tensions multiples, la mer Méditerranée est l’objet d’échanges intenses, mais asymétriques, selon deux gradients : Nord-Sud et Ouest-Est. En effet, la Méditerranée marque le plus grand différentiel de niveau de vie entre deux régions contiguës. Et les déséquilibres se sont lourdement aggravés : le PIB par habitant au Nord était quatre fois plus élevé qu’au Sud en 1977, il l’est six fois plus aujourd’hui. Cette opposition Nord-Sud est à nuancer par l’opposition Ouest-Est : à l’Ouest, l’écart Nord-Sud est de 12, alors qu’il est bien moins fort à l’Est, les Balkans et la Grèce n’étant pas beaucoup plus développés que la Turquie par exemple.

Au-delà du niveau de vie, les échanges sont également déséquilibrés. Certes, depuis la bascule atlantique du XVIème siècle due au grandes découvertes (à partir de l’arrivée de Christophe Collomb en Amérique en 1492), la Méditerranée a perdu son statut de centre du monde. Mais le trafic reste important, en plus des échanges Nord-Sud, le canal de Suez en a fait un espace de transit entre les océans Indien et Atlantique. Les échanges Nord-Sud (ou transméditerranéens) restent eux largement déséquilibrés en faveur de l’Europe, qui y réalise ses plus grands excédents commerciaux, alors que ces échanges sont vitaux pour le Sud, secondaires pour le Nord (à part pour l’approvisionnement en matières premières, à commencer par le gaz algérien ou libyen).

Cette asymétrie est un héritage du pacte colonial. Les échanges intra-sud restent car les économies sont trop peu complémentaires et harmonisées : le commerce entre le Maroc et la France représente 16 fois ceux entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Dans les décennies à venir, l’enjeu premier au niveau des échanges sera vraisemblablement de capter les flux commerciaux des routes de la soie, en les faisant arriver dans un port de son pays (Tanger Med au Maroc, Algésiras en Espagne, Marseille en France, Goia Tauro en Italie, le Pirée en Grèce notamment).

Enfin, l’espace méditerranée constitue le premier bassin touristique mondial, avec 31% du tourisme international. Là aussi, les bénéfices sont inégalement répartis : le Nord accapare 170 des 200 millions d’arrivées annuelles. Ce développement du tourisme souffre de l’instabilité politique au Sud (attentats de 2015 en Tunisie par exemple). Au Nord comme au Sud, il pose des problèmes environnementaux (utilisation de l’avion, usage accru de l’eau douce).

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Un partenariat méditerranéen nécessaire

Ces multiples tensions et asymétries (pour les échanges et le niveau de vie) rendent nécessaire un fort partenariat entre les pays méditerranéens pour développer de façon durable cet espace. Ce partenariat a été initié au sommet de Copenhague de 1973, après le choc pétrolier, mais n’a jamais abouti. L’Europe ne pèse pas sur les évolutions politiques de la région, car les pays Européens poursuivent des objectifs dispersés. En effet, les pays de l’Est de l’Europe poussent pour que les moyens de la Politique de voisinage de l’Union Européenne (UE), qui désigne les fonds alloués aux partenariats avec les pays voisins de l’Europe, soient davantage tournées vers l’Est que vers le Sud.

Face à l’approfondissement de la fracture Nord-Sud, l’UE a initié le partenariat Euromed en 1995, lors du processus de Barcelone. Celui-ci avait pour but de faire du bassin méditerranéen un espace de paix, de sécurité et de prospérité. Ainsi, le programme MEDA avait permis d’injecter 16 millions d’euros dans la coopération. Mais en 2005, l’UE constate l’échec relatif du processus. Voit alors le jour l’Union Pour la Méditerranée (UPM) en 2008. Trois volets hérités du processus de Barcelone doivent composer l’UMP : une politique de sécurité, une zone de libre-échange (ZLE) et une coopération sociale et culturelle décentralisée. 6 autres axes viennent les compléter : dépollution, autoroutes de la mer et terrestres, protection civile, plan solaire, enseignement supérieur (projet de création d’une université euro-méditerranéenne à Piran en Slovénie), aide aux PME.

Mais le conflit israëlo-palestinien a jusqu’à aujourd’hui paralysé le processus, par ailleurs pris en otage par les rapports de force intra-européennes (Europe du Sud contre Europe de l’Est) et les relations postcoloniales (France-Algérie notamment). A terme, une banque euro-méditerranéenne et une politique de gestion concertée des flux migratoires sont attendues dans l’UPM, mais les financements restent à définir.

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