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Français : L’Étrange histoire de Peter Schlemihl

À lire dans cet article :

Si tu n’as jamais entendu parler de L’Étrange histoire de Peter Schlemihl, une nouvelle écrite par Chamisso, c’est tout à fait normal. Cette œuvre est rarement étudiée ; pourtant, son contenu est très riche et original, et te permettra de faire des rapprochements avec des œuvres au programme du bac de français 2024.

Qui est Adalbert von Chamisso ?

Avant de nous pencher sur cette œuvre, voici quelques éléments biographiques permettant de l’ancrer dans un contexte, une époque, par le biais de son auteur. Né le 30 janvier 1781 au château de Boncourt à Ante, près de Châlons-en-Champagne en France, Adalbert von Chamisso meurt le 21 août 1838 à Berlin.

Émigré en Prusse avec sa famille en 1790, il s’engage dans l’armée prussienne à 17 ans et adopte le prénom Adelbert à l’âge de vingt ans. Il choisit d’écrire, non dans sa langue maternelle, le français, mais en allemand, tout en conservant la nationalité française.

Adalbert von Chamisso confie s’être souvent senti divisé entre la France où il est né et l’Allemagne où il a grandi. Comme l’explique François-Xavier Hervouët dans l’édition de l’œuvre qu’il a dirigée chez Flammarion (2003), l’émigration qui suit la Révolution de 1789 et à laquelle est contrainte sa famille le déracine et le projette hors du monde, de la sphère sociale.

Autres succès littéraires

C’est sans aucun doute son œuvre poétique qui vaut la gloire à Chamisso. Son cycle de poèmes Frauenliebe und -leben de 1830 (L’Amour et la Vie d’une femme) a été mis en musique par Robert Schumann. Cette mise en musique est particulièrement célèbre. Les sujets qu’il choisit sont, le plus souvent, sombres : même dans ses œuvres les plus gaies et les plus légères, la tristesse ou la satire sont toujours présentes.

Résumé de L’Étrange histoire de Peter Schlemihl

L’Étrange histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre est un récit fantastique écrit par l’écrivain et botaniste allemand Adelbert von Chamisso durant l’été 1813. La première édition française de ce roman court paru en 1822, dans une traduction de Hippolyte de Chamisso, son frère.

Tout d’abord, « Schlemihl » signifie en yiddish « un type qui n’a pas de chance, mais qui s’en accommode ». Le yiddish est une langue germanique dérivée du haut allemand, avec un apport de vocabulaire hébreu et slave, qui a servi de langue vernaculaire aux communautés juives d’Europe centrale et orientale (ashkénazes) à partir du Moyen-Âge. Il est également parfois appelé judéo-allemand.

Chamisso, qui fréquentait les milieux juifs éclairés, écrivait le 27 mars 1821 à son frère Hippolyte « […] Dans le dialecte juif, on appelle de ce nom des gens malheureux ou maladroits auxquels rien ne réussit… »

Le personnage de Peter Schlemihl

Peter Schlemihl, un jeune homme sans fortune à la recherche d’un emploi, se rend chez un homme du nom de Thomas John, afin de trouver un emploi auprès de lui. C’est alors qu’il rencontre un étrange personnage habillé en gris. Celui-ci sort de sa poche, sous les yeux ébahis du jeune homme, un pansement, une lunette, un tapis, une tente et trois chevaux. Curieusement, personne à part lui ne semble se rendre compte des extravagants pouvoirs de l’homme en gris, qui finit par proposer à Schlemihl d’échanger son ombre contre la bourse de Fortunatus. Cette bourse confère à celui qui la possède le pouvoir d’en tirer des pièces d’or de manière illimitée. Peter Schlemihl accepte cette bourse, avant que l’homme en gris ne s’éclipse. Avant de partir, il lui indique qu’il retrouvera le jeune homme un an plus tard, jour pour jour.

Les effets de la malédiction

Malheureusement, Schlemihl, qui est devenu extrêmement riche, s’aperçoit rapidement que le fait de ne plus avoir d’ombre l’isole de la communauté des hommes. En effet, ces derniers éprouvent un violent dégoût vis-à-vis de celui qui est affligé d’une telle infirmité. Peter est donc contraint de s’isoler et vivre à l’écart de la société, malgré lui, en compagnie de deux domestiques. Il s’agit de Bendel, un serviteur honnête et entièrement dévoué à son maître (et qui est le seul à connaître son secret), et Rascal, dont l’honnêteté laisse à désirer, mais qui compense ce défaut par sa grande habileté.

Tous trois s’établissent dans une ville, qui n’est pas localisée précisément, mais qui se trouve certainement en Prusse (l’équivalent de l’Allemagne). Les nombreux cadeaux de Schlemihl aux habitants lui permettent d’être apprécié, d’autant qu’il a pris soin de ne pas révéler son secret. Il ne sort qu’à la nuit tombée et donne chez lui de somptueuses réceptions, après avoir disposé les éclairages de sorte que son absence d’ombre ne soit pas remarquée. C’est à l’occasion d’un de ces banquets qu’il fait la connaissance puis tombe amoureux de Mina, la fille d’un garde forestier. Il se propose de l’épouser, dès lors qu’il aura revu l’homme en gris et qu’il lui aura racheté son ombre.

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L’échec du mariage

Une journée avant la date fatidique, Rascal quitte avec fracas le service de son maître, dont il fait mine d’avoir récemment découvert le secret, qu’il se hâte de répandre dans toute la ville. Schlemihl est affligé, d’autant que le père de Mina refuse de donner la main de sa fille à un homme dépourvu d’ombre, et chasse le jeune homme. Heureusement, la date fatidique est arrivée, et Schlemihl retrouve l’homme en gris, qui lui propose de lui rendre son ombre en échange de la signature d’un contrat au libellé lapidaire : « Je soussigné lègue au porteur du présent mon âme après sa séparation naturelle de mon corps » comprenant alors à qui il a affaire, Schlemihl refuse.

Le Diable lui montre alors ce qui se passe au même moment chez les parents de Mina, qui sont en train de négocier la main de leur fille à Rascal, qui s’est considérablement enrichi en volant discrètement et de manière régulière son maître lorsqu’il était à son service.

Désespéré, Schlemihl résiste néanmoins à la signature du contrat diabolique. Par conséquent, la jeune fille est donc mariée contre son gré avec l’ancien domestique de Schlemihl. Ce dernier est contraint de quitter la ville, dont les habitants, peu reconnaissants envers leur bienfaiteur, refusent de compter parmi eux un homme sans ombre. Il part seul, après avoir donné, la mort dans l’âme, son congé et beaucoup d’or à son fidèle Bendel.

Mais le Diable suit toujours Schlemihl, et lui propose un nouveau marché : il sera son serviteur, et lui laissera tout le temps qu’il restera à son service la jouissance de son ombre, en attendant que Schlemihl signe enfin le fameux contrat qui lui ferait échanger son ombre contre son âme, ce qui lui permet de retrouver la compagnie de ses semblables. Mais il résiste toujours et, le jour où le Diable lui montre ce qu’est devenu Thomas John (un fantôme livide et épouvanté qu’il sort de sa poche), saisi d’horreur, il jette la bourse de Fortunatus dans un gouffre, faisant disparaître par la même occasion le Diable.

Schlemihl, toujours sans ombre et dorénavant sans argent, est obligé de fuir à nouveau la compagnie des hommes. Il erre alors dans tout le pays, et use ses chaussures sur les chemins. Il lui reste à peine de quoi s’acheter une paire de bottes usagées, dont il se rend cependant compte qu’il s’agit des bottes de sept lieues, qui lui permettent de franchir mers et continents en quelques enjambées. Schlemihl décide alors de s’installer en Thébaïde (en Égypte), et de consacrer le reste de ses jours à étudier la faune et la flore de tous les continents.

Épilogue

Un jour qu’il est tombé malade après être tombé dans les eaux glacées qui bordent la Norvège, et après avoir erré quelque temps à travers le monde dans un état de semi-inconscience, Schlemihl s’évanouit. Il se réveille dans un hôpital inconnu, dont il constate avec étonnement qu’il porte son nom. Il s’aperçoit que ses propriétaires ne sont autres que Bendel, qui l’a fait construire avec l’argent que lui avait légué son maître, et Mina, désormais veuve.

Ces derniers ne reconnaissent pas l’homme qu’ils ont aimé dans ce vieil homme hirsute à la longue barbe blanche, mais Schlemihl surprend une de leurs conversations au cours de laquelle ils se demandent si les prières qu’ils adressent quotidiennement pour le bonheur et le repos de l’homme sans ombre l’ont soulagé de son fardeau. Schlemihl, une fois rétabli, quitte l’hôpital pour retourner dans la Thébaïde, sans s’être révélé à ses anciens amis, mais après avoir laissé sur son lit une lettre :

« Votre vieil ami est, ainsi que vous, plus heureux aujourd’hui qu’il ne l’était alors ; et s’il expie sa faute, c’est après s’être réconcilié ».

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Les inspirations de Chamisso

Chamisso a directement puisé dans sa propre histoire pour réaliser cette nouvelle. En effet, on peut voir dans le thème de l’ombre perdue une métaphore de sa propre identité perdue au moment de la fuite de sa famille en Allemagne. Selon François-Xavier Hervouët, « le héros est en effet d’abord un voyageur, un apatride (sans pays), mis au ban (à l’écart) de la société ».

Un ouvrage qui critique la société bourgeoise

Par ailleurs, cette nouvelle permet de critiquer le conformisme bourgeois, c’est-à-dire les mœurs de ses membres, voire même une critique des débuts du libéralisme qui met l’argent au centre de la société.

Le personnage même et l’onomastique (l’étude des noms) nous permettent de mettre en avant les inspirations bibliques et traditions yiddish. La philosophe Hannah Arendt, dans La Tradition cachée, le Juif comme paria (1987), estime à propos de L’Étrange histoire de Peter Schlemihl que « Tout est inversé : ce n’est plus le paria, méprisé par la société, qui est un schlemihl, mais ceux qui vivent dans la hiérarchie bien cloisonnée, car ils ont manifestement échangé les dons généreux de la nature contre les idoles de l’intérêt social ».

On y trouve par ailleurs le thème du « juif errant », un personnage légendaire dont les origines remontent à l’Europe médiévale et qui ne peut pas perdre la vie, car il a perdu la mort. De ce fait, il erre dans le monde entier et apparaît de temps en temps.

Pour aller plus loin

Nous te conseillons de consulter l’édition de cette nouvelle dans la collection Étonnants classiques de Flammarion. Cet ouvrage présente en effet un dossier très complet qui présente plus en détail cette nouvelle et le contexte dans lequel elle a été écrite. Tu devrais trouver cette édition sans problème cette édition dans le CDI et à la bibliothèque de ton établissement.

Conclusion

Pour conclure, cette œuvre méconnue et peu étudiée se révèle être un formidable texte, très plaisant et facile à lire. Elle te permettra d’avoir un bon exemple de nouvelle à utiliser dans tes copies aussi bien de philosophie que de français, afin de te démarquer des autres candidats.

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