Victor Hugo, immense écrivain français se serait exclamé étant enfant : « Je serai Chateaubriand ou rien ! ». Pourquoi une telle admiration envers ce romancier ? Nous te proposons dans cet article une présentation de la vie et de l’œuvre de Chateaubriand, qui te permettra de comprendre en quoi il s’agit d’un auteur majeur du XIXe siècle. Bonne lecture !
Enfance et adolescence de Chateaubriand
François-René de Chateaubriand est né en 1768 à Saint-Malo dans une famille aristocratique. C’est un écrivain, mémorialiste (auteur de mémoires historiques) et homme politique français. Il est considéré comme l’un des précurseurs et pionniers du romantisme français et l’un des grands noms de la littérature française.
Après une enfance turbulente et une adolescence tourmentée, il devient soldat et assiste aux épisodes sanglants de la Révolution française.
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Ses débuts dans l’âge adulte
En 1791, il s’embarque pour l’Amérique et s’enthousiasme pour ce continent encore vierge et pour l’exotisme de ses « sauvages ». Opposé à la violence des révolutionnaires, il rejoint les armées qui soutiennent la monarchie. Revenu à Saint-Malo au début de l’année 1792, il se marie puis se rend en Allemagne avant de se blesser au combat. Il est alors transporté mourant à Jersey. Ce sera la fin de sa carrière militaire, en 1793. Il passe ensuite sept années d’exil et de misère à Londres. Il ne revient en France qu’en 1801. Il découvre alors une France bouleversée et choisit l’écriture comme expression de ses sentiments.
Dans son autobiographie, les Mémoires d’outre-tombe (écrite de 1809 à 1841, publiés en 1848-1850), Chateaubriand distingue ainsi trois carrières successives dans son existence :
« Depuis ma première jeunesse jusqu’en 1800, j’ai été soldat et voyageur ; depuis 1800 jusqu’en 1814, sous le Consulat et l’Empire, ma vie a été littéraire ; depuis la Restauration jusqu’aujourd’hui [1830], ma vie a été politique ».
Chateaubriand écrivain
Atala
Il publie Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert (1801) et René (1802), deux romans fortement nourris de son expérience américaine. Le premier reprend le mythe du bon sauvage. Il s’agit de l’idéalisation de l’homme à l’état de nature (des hommes vivant dans la nature). L’idée que « le bon sauvage » vit dans un paradis sur terre avant le péché originel s’est développée au XVIIIe siècle, ayant ses fondations chez les explorateurs et conquérants de la Renaissance. Le deuxième, qui présente des éléments autobiographiques, montre un héros mélancolique, souffrant d’insatisfaction et d’impuissance à agir.
En 1791, Chateaubriand s’embarque pour le Nouveau Monde, en particulier car il souhaite quitter la France en pleine Révolution. Il rencontre George Washington à Philadelphie, qui lui aurait lancé « Well, well, young man » ! Il revient en France début 1792, faute d’argent, en disant : « Je reviens avec deux sauvages d’une espèce inconnue, Chactas et Atala ». Il s’agit de deux Indiens qui font le succès de son premier livre, Atala, en 1801. En effet, il avait rencontré les derniers Indiens Natchez, rescapés d’un massacre organisé par les Français, en 1772. Ils lui inspirent son récit, dont voici un court résumé : Chactas avait été sauvé des envahisseurs blancs par une jeune chrétienne, Atala : ils vivent dans la forêt d’amour et d’eau fraîche, jusqu’à ce qu’un prêtre les recueille. Chactas est prêt à se convertir pour Atala, afin de l’épouser. Cependant, Atala a promis à sa mère de se consacrer à la religion, ce qui conduit à un dilemme digne des tragédies antiques.
Le Génie du christianisme
En 1802, Chateaubriand publie l’une de ses œuvres majeures : Le Génie du christianisme. Il s’agit d’un essai qui fait l’apologie de la foi et de la religion chrétienne, conçu comme une réponse à la période antireligieuse de la Révolution française. En ce sens, Chateaubriand présente le christianisme sous un jour nouveau et parlant plus au cœur qu’à la raison, il le rend plus accessible et affectif.
Lorsqu’il prend sa retraite, il écrit en 1809 un autre roman, Les Martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne, et le récit d’un voyage en Orient intitulé Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), après s’être embarqué avec sa famille pour l’Orient. Il visite à cette occasion la Grèce, la Turquie, et Jérusalem. Au cours de ces voyages, il prit des notes pour sa prochaine œuvre, Les Martyrs ou le triomphe de la religion chrétienne, publiée en 1809. Il commence en parallèle l’œuvre de sa vie, les Mémoires d’outre-tombe (écrits de 1809 à 1841). Chateaubriand meurt le 4 juillet 1848, à 80 ans.
L’engagement politique de Chateaubriand
Chateaubriand est un écrivain engagé dans son époque. Son itinéraire politique présente de nombreux changements, mais sa préoccupation a toujours été le destin de son pays. Tantôt allié puis opposant de Napoléon Ier, tantôt royaliste et convaincu de la nécessité d’un régime démocratique, Chateaubriand a toujours été dans le camp des opposants et opposé à tout système rigide.
Dès 1797, il écrit un Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes considérées dans leurs rapports avec la Révolution française qui en critique la violence sanguinaire et, en 1814, il publie un pamphlet contre Napoléon Ier intitulé « De Buonaparte et des Bourbons ». Un pamphlet est une œuvre littéraire, un écrit qui attaque, accuse, parodie ou calomnie un pouvoir, une institution, une personne ou une idée, en usant d’un ton ironique, agressif ou violent. Le pamphlet fait partie de la littérature satirique ou polémique. Il s’agit souvent d’une écriture militante ou engagée.
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Le préromantique
Un homme entre deux siècles
Les œuvres de Chateaubriand sont novatrices : elles montrent que le thème privilégié de l’écriture est l’expérience. Fortement imprégnés par l’expression des sentiments, ses ouvrages sont dominés par des thèmes récurrents qui annoncent le romantisme.
Thèmes et caractéristiques de son écriture
Par son talent comme par ses excès, Chateaubriand peut être considéré comme le père du romantisme en France. Ses descriptions de la nature et son analyse des sentiments du moi en ont ainsi fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques. Il a, le premier, formulé le « vague des passions » qui deviendra un lieu commun du romantisme :
« Il reste à parler d’un état de l’âme, qui, ce nous semble, n’a pas encore été bien observé ; c’est celui qui précède le développement des grandes passions […]. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente […] », Chateaubriand, Génie du Christianisme, vol. 3, 1802, II, « IX ».
Dès lors, on rencontre fréquemment le thème de l’ennui lié au désœuvrement, au sentiment d’inutilité et à l’insatisfaction chronique devant un monde qui paraît décevant. Cet ennui engendre dès lors une souffrance morale. En dépit des moments d’exaltation, celle-ci est dominée par une angoisse profonde et un désir de mort. C’est cette souffrance qu’expriment avec lyrisme les romans de Chateaubriand, notamment René.
Le temps
Un autre thème central est celui du temps : la hantise du temps qui passe, du changement, de la destruction et du vieillissement fait écrire à Chateaubriand des passages nostalgiques sur le passé et l’enfance où le symbole des ruines domine.
Pour échapper au monde ennuyeux et à la perte du passé, l’écrivain privilégie le voyage et l’exotisme : fuite et recherche d’un ailleurs géographique ou temporel, l’imagination est aussi, pour Chateaubriand, un moyen de soulager son « mal du siècle ».
Les œuvres de Chateaubriand
- Essai sur les révolutions (1797)
- Atala (1801) : Atala a d’abord été pensé comme étant une œuvre racontant le voyage de Chateaubriand en Amérique, mais elle a ensuite été remaniée pour servir d’« illustration » à un thème du Génie du christianisme. Cet ouvrage a connu un vif succès en raison de l’évocation de souvenirs de voyage, d’un certain exotisme et d’une tonalité pathétique.
- René (1802) : Comme Atala, René a servi d’illustration pour un chapitre du Génie du christianisme. Cette œuvre est considérée comme ayant apporté la gloire à son auteur.
- Génie du Christianisme (1802) : Très affecté par la mort de sa mère et de l’une de ses sœurs, Chateaubriand est l’auteur de cette apologie de la religion chrétienne. L’ouvrage a été publié peu avant le Concordat. Cette œuvre a connu un grand succès à l’époque. Son but est de montrer le génie du christianisme à l’œuvre dans l’Histoire (contre la tradition philosophique). Cette œuvre a aussi été écrite pour soutenir la politique religieuse de Napoléon en 1802. Il s’agit donc d’une œuvre apologétique, c’est-à-dire qui consiste à défendre de façon cohérente une position.
- Les Martyrs (1809)
- Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811)
- De Buonaparte et des Bourbons (1814)
- Les Natchez (1826)
- Vie de Rancé (1844)
- Mémoires d’outre-tombe, posthumes (1848). Les Mémoires d’Outre-Tombe, publiées d’abord dans le feuilleton de la Presse, ont été éditées de 1849 à 1850. Les Mémoires d’outre-tombe sont le récit des épisodes de la vie de Chateaubriand. Il y raconte ses voyages et sa vie politique. On y lit une certaine obsession de la fuite du temps, une mélancolie manifeste. Précurseur des romantiques, Chateaubriand a conscience d’appartenir à une génération de « fin de siècle », connaissant l’écroulement d’une société fondée sur la monarchie. Les thèmes abordés sont nombreux : confrontation du destin de l’homme et de l’histoire du monde, « mal du siècle », prise de conscience de l’Histoire entre Ancien Régime et Nouveau Monde, etc.
Pour aller plus loin
La plateforme Lumni que le ministère de l’Éducation coordonne te propose plusieurs fiches thématiques sur l’œuvre de Chateaubriand, de quoi approfondir un peu plus les sujets qui t’intéressent !
Conclusion
François-René de Chateaubriand est un écrivain préromantique ; son œuvre romanesque et autobiographique, par ses thèmes, témoigne du renouveau littéraire qui accompagne le début du XIXe siècle. La littérature devient le lieu privilégié de l’expression d’un sujet inquiet, souvent souffrant, et qui, malgré son engagement dans le monde, est à la recherche de son identité profonde.