Former les ingénieurs de demain à comprendre, mesurer et accompagner la transition écologique : c’est tout le défi que relève l’ENTPE. Entre formation scientifique, débats citoyens et ouverture internationale, l’établissement place la transition écologique et solidaire au cœur de la 3e édition de son forum à travers six indicateurs. Nouveauté de cette année, la dimension internationale avec un échange entre Lyon et São Paulo.
L’ENTPE, établissement engagé pour la transition écologique
Les spécificités de l’ENTPE
L’ENTPE (École nationale des travaux publics de l’État) située à Vaulx-en-Velin, près de Lyon, forme des ingénieurs capables de répondre aux enjeux liés aux infrastructures, aux transports, à l’urbanisme et à l’environnement.
Deux statuts existent à l’ENTPE : élèves fonctionnaires et élèves civils. Tous suivent le même cursus d’ingénieur et obtiennent le même diplôme, mais leurs modalités d’accès, de financement et de carrière diffèrent. Les fonctionnaires, recrutés via concours, sont rémunérés pendant leurs études et s’engagent à travailler pour l’État pour une durée minimale de huit ans, tandis que les civils financent leur formation et peuvent s’orienter vers le secteur public ou privé après leur diplôme.
Le forum des indicateurs de la transition écologique et solidaire
Pour la troisième année consécutive, les élèves de deuxième année du cycle « Transitions », lancé en 2022, ont organisé le forum des indicateurs de la transition écologique et solidaire lundi 3 novembre. Cet événement, inscrit dans le cours « Ingénieur(e), transitions et sociétés », pousse les étudiants à réfléchir aux outils de mesure de la transition à travers six indicateurs clés.
- Bilan carbone
- Analyse en cycle de vie
- Services écosystémiques
- Qualité écologique des territoires
- Santé/qualité des sols
- Biodiversité
Le mot d’Anne-Laure Badin, chercheuse et coordinatrice
« Lorsque je suis revenue dans une position de chercheuse ici il y a 3 ans, j’ai eu envie d’aider à concevoir des indicateurs et aider les chercheurs sur la qualité des sols et la biodiversité notamment. Concevoir les enseignements autour de la transition, redéfinir l’ingénieur de la transition, quels sont ses outils de travail et quelle posture il doit adopter ?
Ce forum a pour intention de leur faire réaliser que la transition, c’est apprendre à faire ensemble. Dans le cadre de ce cours créé avec Fabrice Bardet, c’était explorer un domaine où chacun va se spécialiser dans la compréhension et dans un rôle. Le forum, c’est le moment collectif, ou ensemble, on explore un sujet avec la dimension du débat. C’était donc incarner dans le format du cours ce qu’on veut aussi faire passer dans le fond, c’est à dire : chaque méthode de compte est le fruit de débat. Le rôle de l’ingénieur ENTPE, c’est aussi de comprendre les méthodes, et de savoir l’expliquer à des décideurs, que ce soit des décideurs territoriaux ou en entreprise. C’est vraiment l’ADN même de notre école. »
ENTPE : les débats des forums étudiants autour des six indicateurs
Le programme de la journée
Il est 9h45. Les salles de cours bourdonnent : les étudiants sont prêts à débattre, les intervenants à répondre. Les vingt élèves, répartis en groupes de trois, ont tous préparé leurs indicateurs avec soin.
Pendant une heure et demie, les échanges s’enchaînent autour de thématiques variées : construction et rénovation, agriculture, reforestation… Chaque groupe défend l’importance de son indicateur de transition écologique et solidaire, en explorant ses atouts, ses limites et ses risques. L’objectif ? apprendre à expliquer, vulgariser et argumenter : des compétences essentielles pour les futurs ingénieurs de la transition.
En amont, des séances de travail avec des experts ont permis aux étudiants de se préparer. Simon, qui avait choisi l’indicateur « Santé des sols », s’est prêté à l’exercice avec enthousiasme.
« Je suis en majeur environnement, et on a beaucoup de cours liés aux sols, je voulais en savoir plus. Tout l’intérêt de ce forum, c’est d’informer pour espérer que certaines choses puissent être mises en place dans le futur. Nous, en tant qu’ingénieurs, allons devoir utiliser ces indicateurs dans nos projets d’avenir. On doit se familiariser avec leur fonctionnement. C’est très intéressant également d’un point de vue éloquence, d’expliquer, décrire et défendre notre indicateur. C’était aussi un bon point de départ pour parler de sujets plus larges. »
La restitution générale de l’après-midi
Il est 14h, l’amphithéâtre est complet, prêts pour les réflexions et retours des différents groupes : au-delà de la défense de chaque indicateur, tous ont souligné leur complémentarité. Certains, comme le bilan carbone et l’analyse du cycle de vie (ACV), gagnent à être croisés pour une évaluation plus juste. Comparer les indicateurs permet aussi d’éviter que certaines entreprises se parent d’une image trop vertueuse et d’assurer une meilleure transparence des financements issus des fonds d’investissement.
Les débats ont aussi mis en lumière la complexité et la dimension politique de ces outils. Beaucoup restent récents, parfois controversés, et ne sont pas encore intégrés dans un cadre législatif solide. Les étudiants ont rappelé que les pays développés et en développement n’ont pas la même approche ni les mêmes priorités, ce qui rend indispensable un échange international.
Autre constat : le manque de sensibilisation à ces enjeux. Pourquoi n’en parle-t-on réellement qu’à partir de l’enseignement supérieur ? Les futurs ingénieurs ont ici un rôle clé à jouer : poser un regard critique sur ces indicateurs, en comprendre les failles comme les forces, et imaginer des solutions plus durables.
Cette année, le forum s’inscrit dans une ouverture internationale : des étudiants brésiliens ont échangé avec les élèves de l’ENTPE, sur ces problématiques communes et internationales. D’autant plus que l’Amazonie est le « cœur battant » de l’écologie mondiale. La prochaine étape sera le Maroc, comme deuxième pays partenaire du projet. Ce programme est d’ailleurs soutenu par la Région à hauteur de 15 000 € sur trois ans, pour encourager les échanges et la construction de véritables ponts scientifiques et humains entre continents.
Florence Jany-Catrice, chaire EQAM (économie de la qualité et ses mesures), est professeure d’économie à l’université de Rouen-Normandie. Marraine de l’événement, durant les 3 années, elle a clôturé cette journée avec des recherches sur la valorisation des qualités écologiques des territoires par la participation. Elle s’exprime sur son rôle de marraine :
“Fabrice Bardet m’a demandé d’être marraine, car j’ai été l’une des fondatrices d’un forum pour d’autres indicateurs de richesse. Il avait été mis en place dans les années 2008-2010 pour débattre les questions de mesure de la performance économique et du progrès social. Parmi les valeurs de ce forum, il y avait notamment la délibération citoyenne pour élaborer ces indicateurs alternatifs au PIB pour indiquer les performances d’un pays. J’ai vu que leur forum faisait résonner ce qu’on avait mis au niveau national. C’était un honneur pour moi d’être marraine, d’autant plus que je trouve intéressant que des ingénieurs soient confrontés à la vulgarisation des indicateurs. C’est remarquable de faire passer ces idées dans une école d’ingénieur d’une part, et que des futurs cadres aient une capacité réflexive et critique autour des indicateurs qu’ils vont devoir manipuler. Ça permet aussi aux professionnels d’avoir une analyse un peu réflexive eux-mêmes de leurs propres pratiques, de réaliser qu’il y a aussi des limites. “
La suite logique du forum : des étudiants envoyés au Brésil pour la COP30
Dans la continuité du projet, trois étudiants ont été sélectionnés pour représenter leur école à São Paulo, en marge de la COP 30. Ils y incarneront le rôle d’ambassadeurs du monde académique français, étant les seuls étudiants présents sur place. Après l’ouverture vers le Brésil cette année, le projet s’étendra l’an prochain au Maroc, pays co-organisateur de la Coupe du monde 2030, avec ses propres enjeux et défis.

Cette COP, dite de la « mise en œuvre », fait écho à la COP 21 : elle rappelle combien les indicateurs de transition sont essentiels pour mesurer concrètement les avancées. Un fil rouge direct avec le forum organisé à l’école.
Au-delà du déplacement, cette expérience s’inscrit dans une démarche pédagogique globale. Les étudiants suivent de nombreux cours dédiés à la sensibilisation, à la transition écologique et énergétique, et travailleront à produire un retour d’expérience complet pour l’école et la Région, qui soutient le projet.
Depuis plusieurs semaines, les trois étudiants collaborent avec des étudiants de São Paulo issus de filières en droit ou en géologie. Pendant que les Français travaillent sur les indicateurs, leurs homologues brésiliens se concentrent sur le rôle des entreprises (chimie, aviation…). Ensemble, ils préparent des rencontres avec des dirigeants d’entreprises, des assemblées de l’ADEM et des commissions citoyennes locales.
Sur place, leur mission sera aussi de relier le monde académique et le monde économique, en prolongeant le travail initié au forum : débattre, expliquer et confronter les visions autour des indicateurs.
Un compte Instagram dédié suivra leur parcours : un moyen de rendre cette COP plus lisible et accessible, loin de l’image parfois opaque des conférences internationales. Objectif : montrer l’action plutôt que la dénonciation, valoriser les initiatives concrètes, et prouver que les jeunes ingénieurs peuvent être acteurs du changement.
Enfin, le projet comporte aussi une dimension humaine forte : entre les échanges interculturels, les discussions politiques et la recherche de solutions communes, les étudiants apprennent à naviguer dans un monde globalisé où chaque décision compte.
Prosper confie :
« On a eu notre réponse il y a deux semaines, tout s’est fait très rapidement. Certains élèves ont questionné la légitimité de notre déplacement, notamment à cause du voyage en avion, mais c’est justement ce qu’on veut aborder : le paradoxe d’une COP sur la transition et l’impact réel de nos choix. On va documenter tout ça sur Instagram, pour rendre visible ce que les jeunes font concrètement, sans culpabiliser ni accuser. Notre but, c’est de montrer que les étudiants sont aussi acteurs de cette transition, pas seulement spectateurs. »
FAQ : 3e édition du forum des indicateurs de la transition écologique et solidaire à l’ENTPE
Quel est l’objectif du forum des indicateurs de la transition écologique et solidaire ?
Ce forum permet aux élèves ingénieurs de confronter leurs idées autour d’indicateurs concrets de transition. Ils apprennent à les analyser, les comparer et à en comprendre les enjeux environnementaux, économiques et sociaux pour mieux les intégrer dans leurs futurs projets.
Pourquoi des étudiants de l’ENTPE se rendent-ils en marge de la COP30 ?
Trois étudiants ont été sélectionnés pour représenter la voix du monde académique français à São Paulo. Leur mission : échanger avec d’autres acteurs internationaux, valoriser leurs travaux sur les indicateurs et témoigner de l’engagement des jeunes ingénieurs dans la transition écologique.
Comment les étudiants préparent-ils leur voyage ?
Depuis plusieurs mois, ils collaborent avec des étudiants brésiliens issus d’autres disciplines pour croiser leurs approches. Ensemble, ils préparent des rencontres avec des entreprises et des institutions locales afin de lier théorie et pratique autour des enjeux climatiques.
Pourquoi créer un compte Instagram pour suivre leur projet ?
Le compte Instagram vise à rendre la COP plus accessible et transparente pour le grand public. Les étudiants y partagent leurs découvertes, leurs échanges et les initiatives positives, afin de montrer une vision concrète et motivante de la transition écologique.
Quel est l’enjeu pédagogique de cette expérience pour les élèves ingénieurs ?
Au-delà du voyage, cette participation s’inscrit dans une démarche de formation à la transition. Les étudiants développent leur esprit critique, leur capacité à débattre et leur compréhension des politiques environnementales à l’échelle mondiale.







