Lévi-Strauss et le structuralisme : penser autrement l’homme et les cultures

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Pourquoi des peuples éloignés dans l’espace et le temps racontent-ils des mythes si semblables ? Pourquoi des sociétés très différentes suivent-elles des logiques comparables ? Au XXe siècle, Claude Lévi-Strauss, anthropologue et philosophe, propose une réponse originale : les cultures humaines obéissent à des structures profondes, souvent inconscientes, qui organisent notre manière de penser. Inspiré par la linguistique, il donne naissance au structuralisme, une méthode qui bouleverse notre façon de voir les mythes, les rites, et même la pensée elle-même.

Dans cet article, nous explorerons le contexte de naissance du structuralisme, ses principes clés, l’apport de Lévi-Strauss à la compréhension des cultures, mais aussi les critiques que cette approche suscite encore aujourd’hui. Une manière de mieux comprendre ce que signifie « penser » l’humain, autrement.

Le contexte de naissance du structuralisme

L’influence des sciences sur la philosophie

Au début du XXe siècle, les sciences humaines prennent un essor décisif. Elles cherchent à comprendre l’homme autrement qu’à travers l’introspection ou la morale. Parmi elles, la linguistique transforme profondément la pensée. Ferdinand de Saussure propose une vision révolutionnaire : la langue est un système, et chaque mot n’a de valeur qu’en opposition aux autres.

Le sens ne réside pas dans les choses, mais dans les rapports. Cette idée, simple en apparence, marque une rupture. Elle suggère que les structures, et non les éléments isolés, produisent la signification. Par exemple, le mot « chaud » prend son sens uniquement par opposition à « froid », et non en référence directe à une température objective. La pensée devient un réseau de différences. La pensée devient un réseau de différences.

Lévi-Strauss : un anthropologue philosophe

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Claude Lévi-Strauss hérite de cette démarche. Formé à la philosophie, il découvre l’ethnologie lors de ses voyages au Brésil. Il y observe des sociétés dites « primitives » et cherche à en dégager les lois invisibles. Comme Saussure avec la langue, Lévi-Strauss considère les mythes, les coutumes ou les systèmes de parenté comme des structures.

Ces structures échappent à la conscience des individus. Pourtant, elles organisent leur pensée et leurs pratiques. Par exemple, dans de nombreuses cultures, les règles de mariage interdisent l’union avec certains membres de la famille, mais permettent, voire imposent, l’alliance avec d’autres. Derrière cette diversité, Lévi-Strauss repère une même logique de réciprocité : c’est la structure qui produit le lien social. Son ambition est claire : dégager les formes universelles qui sous-tendent toutes les cultures humaines. Dans ce cadre, une idée nouvelle prend forme : ce n’est pas l’individu qui pense, ce sont les structures qui pensent à travers lui.


Qu’est-ce qu’une structure ? Les bases du structuralisme


La pensée structurée par des oppositions

Pour Lévi-Strauss, la pensée humaine repose sur un mécanisme fondamental : l’opposition binaire. L’esprit humain ne produit pas d’idées isolées, il organise la réalité en couples contraires. Jour et nuit, cru et cuit, nature et culture… Ces oppositions structurent la manière dont les sociétés pensent le monde. Ce schéma ne concerne pas uniquement le langage. Il se retrouve dans les mythes, les rites ou les classifications du vivant. Par exemple, dans certains récits amérindiens, les jumeaux représentent deux principes opposés : l’un civilisé, l’autre sauvage. Ce contraste donne sens à l’histoire, plus encore que les personnages eux-mêmes. Ainsi, ce n’est pas le contenu d’un mythe qui importe, mais les relations entre ses éléments. Ce mode de pensée, fondé sur la différence, traverse les cultures.

La structure, un système inconscient

Ce qui frappe Lévi-Strauss, c’est que ces oppositions ne sont pas toujours conscientes. Les individus ne savent pas qu’ils pensent en termes binaires. Pourtant, leurs pratiques les révèlent. La structure, chez lui, fonctionne comme une grille invisible. Elle relie des éléments en apparence différents selon une logique commune.

Comme en linguistique, la signification vient de la position dans un système, non de l’objet lui-même. Par exemple, deux tribus peuvent avoir des règles de parenté différentes, mais ces règles obéissent à la même logique d’échange : donner sa sœur pour recevoir une épouse. Ce système ne s’invente pas au hasard. Il préexiste à l’individu, comme la langue préexiste au locuteur. La structure ne se voit pas directement, mais elle organise le réel. C’est en ce sens que Lévi-Strauss parle de structures inconscientes : elles pensent à travers nous. Le structuralisme, dès lors, n’est pas une théorie du contenu culturel, mais une méthode pour en révéler la forme cachée.


L’apport de Lévi-Strauss : penser autrement la culture

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Dépasser l’ethnocentrisme

Lévi-Strauss rejette une idée dominante en Occident : celle selon laquelle certaines sociétés seraient plus avancées que d’autres. Pour lui, toutes les cultures méritent d’être comprises dans leur propre logique. Il critique l’ethnocentrisme, c’est-à-dire la tendance à juger les autres peuples à partir de ses propres critères. Cette critique s’inscrit dans une démarche rigoureuse : il ne s’agit pas de valoriser l’exotisme, mais d’adopter un regard structurant.

Selon Lévi-Strauss, une société dite « primitive » n’est ni inférieure ni arriérée. Elle répond simplement à des contraintes différentes. Par exemple, la classification des plantes chez les Indiens d’Amazonie repose sur des oppositions logiques aussi complexes qu’un système botanique européen. La pensée sauvage n’est pas une pensée confuse. Elle est structurée, cohérente, rationnelle — mais selon une autre grille. En ce sens, Lévi-Strauss invite à repenser la notion même de « progrès ».


L’étude des mythes et des sociétés « primitives »

Pour mettre en lumière ces logiques cachées, Lévi-Strauss s’appuie sur les mythes. Il en collecte des centaines à travers les Amériques, en comparant leurs structures. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas leur contenu religieux ou moral, mais les relations qu’ils établissent. D’un récit à l’autre, des éléments changent, mais les oppositions fondamentales demeurent. Un mythe raconte la lutte entre le ciel et la terre ; un autre, celle entre les dieux et les hommes. Ces récits sont différents, mais ils expriment une même structure binaire.

Par exemple, dans La pensée sauvage, Lévi-Strauss montre comment les mythes organisent les contraires pour rendre le monde compréhensible. Il applique à ces récits la méthode structurale, comme un linguiste analyserait une phrase. Ainsi, les mythes deviennent des instruments de pensée, et non de simples fictions. Leur étude révèle une constante : l’esprit humain, partout, cherche à organiser le chaos par des formes stables. En redonnant aux cultures oubliées une profondeur logique, Lévi-Strauss change radicalement notre regard sur l’humanité.

Les limites et critiques du structuralisme

Une vision trop rigide ?

Le structuralisme, en voulant dégager des lois universelles, a parfois été critiqué pour sa rigidité. À force de chercher des structures profondes, il court le risque de négliger la diversité réelle des sociétés. Tout ne se réduit pas à des oppositions binaires. Certaines pratiques humaines résistent à cette lecture. De plus, la méthode de Lévi-Strauss repose sur une certaine abstraction. Elle demande souvent de reconstruire des structures idéales à partir de matériaux fragmentaires. Or, cette reconstruction peut parfois paraître arbitraire. Par exemple, certains critiques estiment que Lévi-Strauss force certains mythes à entrer dans des schémas qu’ils ne suivent pas naturellement. Enfin, en insistant sur l’inconscient collectif, le structuralisme laisse peu de place à l’individu. L’action humaine semble déterminée d’avance par des structures impersonnelles. Cette conception soulève une question centrale : l’homme est-il encore libre dans un monde structuré à son insu ?

L’oubli de l’histoire ?

Une autre critique importante concerne le rapport au temps. Le structuralisme privilégie l’analyse synchronique, c’est-à-dire l’étude des structures à un moment donné. Il s’intéresse peu aux évolutions historiques. Pourtant, les sociétés changent. Elles ne sont pas figées dans des oppositions éternelles. Par exemple, les règles de parenté ne sont pas seulement des structures : elles répondent aussi à des contextes économiques, politiques ou religieux, qui évoluent.

Certains penseurs, comme Pierre Bourdieu, reprochent à Lévi-Strauss de ne pas assez tenir compte de ces dynamiques. L’histoire devient alors un simple décor. Or, comprendre une société, c’est aussi saisir comment elle se transforme. Le structuralisme éclaire les logiques cachées du présent, mais peine parfois à expliquer comment ces logiques apparaissent, évoluent ou disparaissent. Ces critiques ne remettent pas en cause la richesse du structuralisme, mais elles en appellent à un dialogue avec d’autres approches plus souples et attentives au changement.

Ce qu’il faut retenir du structuralisme de Lévi-Strauss

Le structuralisme, tel que Lévi-Strauss le développe, n’est pas une simple école de pensée. C’est une méthode pour comprendre ce qui structure les cultures humaines au-delà des apparences. Influencé par la linguistique de Saussure, Lévi-Strauss montre que nos pensées, nos mythes et nos institutions suivent des logiques inconscientes fondées sur des oppositions binaires. Grâce à cette approche, il remet en cause l’ethnocentrisme et redonne toute leur valeur aux sociétés dites « primitives ». Il révèle une constante : derrière la diversité des cultures, il existe des mécanismes universels de pensée.

Mais le structuralisme n’est pas sans limites. Il tend parfois à figer la réalité, à oublier le rôle de l’histoire et à réduire la liberté humaine. Ces critiques ont ouvert la voie à d’autres courants, comme la sociologie critique ou les approches historiques.

En bref, Lévi-Strauss ne nous dit pas ce que pensent les hommes, mais comment ils pensent. Et cela, quelles que soient leurs origines. Son œuvre reste un tournant majeur dans la manière de penser la culture.

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