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Philosophie : Responsabilité et liberté chez Nietzsche

À lire dans cet article :

Dans ce nouvel article, nous revenons avec toi sur les principes de responsabilité et de liberté chez Nietzsche, concepts que tu pourras utiliser dans ta copie le jours de l’épreuve de philosophie, le 15 juin prochain.

Être responsable, c’est, d’après l’étymologie, pouvoir répondre de ses actes : se reconnaître en eux, et se considérer comme le sujet libre qui en est à l’origine. Cela peut impliquer d’en assumer les conséquences, positives ou négatives : louange en cas d’action juste, reproche et culpabilité en cas d’action injuste. Cette idée paraît simple et évidente, mais pourrait n’être que de facture récente : l’homme aurait appris à être responsable, et cette idée n’aurait rien de naturel.

C’est en tout cas la thèse de Friedrich Nietzsche, qui, dans la Généalogie de la morale, s’emploie à déceler l’origine des concepts moraux de l’homme moderne, afin d’en réévaluer la teneur. Quelle est, en effet, la valeur de nos valeurs ? Nietzsche, dans son entreprise, établit la vie, comprise comme volonté de puissance, d’accroissement et d’extériorisation de la force, comme l’étalon de tous les valeurs. Comment comprendre la responsabilité, à cette aune ?

Un animal capable de promettre

Nietzsche se saisit de ce problème dans la Deuxième dissertation de l’ouvrage, intitulée “La “faute”, la “mauvaise conscience” et ce qui leur ressemble”. Sa thèse inaugurale est que l’homme, contrairement à l’animal oublieux, peut promettre :

Élever et discipliner un animal qui puisse faire des promesses — n’est-ce pas là la tâche paradoxale que la nature s’est proposée vis-à-vis de l’homme ? N’est-ce pas là le véritable problème de l’homme ?…

Il faut en effet opposer la promesse à l’oubli, qui est un “pouvoir actif” qui empêche à l’animal de remâcher et de remuer constamment les mêmes expériences : il lui permet de se projeter en avant et de se fondre dans l’instant présent, de “faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles”.

La promesse s’oppose à l’oubli en ce qu’elle force l’animal humain à adopter une certaine régularité, une certaine fixité, une certaine imperméabilité aux choses nouvelles : elle construit quelque chose de constant, de stable. En cela, l’homme devient responsable : il est capable de tenir la parole donnée, de poursuivre ce que son moi passé a débuté, de se reconnaître comme quelque chose de stable tout au long du processus.

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Le dressage de la mémoire

La faculté de promettre, la mémoire, devient une sorte d'”instinct dominant”, que Nietzsche appelle la conscience. Pour lui, celle-ci n’a pu être forgée dans l’homme qu’à force d’un douloureux dressage. La mnémotechnique, art de la mémorisation, n’a pu que mettre à profit le plus efficace des moyens mis à sa disposition :

« On applique une chose avec un fer rouge pour qu’elle reste dans la mémoire : seul ce qui ne cesse de faire souffrir reste dans la mémoire » — c’est là un des principaux axiomes de la plus vieille psychologie qu’il y ait eu sur la terre (et malheureusement aussi de la psychologie qui a duré le plus longtemps).

Aussi la préhistoire humaine n’a-t-elle dû être qu’une longue suite de peines infligées au service de la construction de cet instinct. La religion, en particulier, se comprend comme un “système de cruauté”, qui dresse la mémoire de l’homme dans une certaine direction, en vue de certains comportements. Il n’y a donc pas de lien primitif entre le châtiment et la responsabilité, c’est-à-dire l’idée que le coupable aurait pu agir autrement : le châtiment, parmi ses nombreux usages primitifs, consistait ainsi en une mnémotechnique redoutable.

La naissance du sujet libre

Pour comprendre comment quelque chose comme un être responsable, c’est-à-dire libre, est possible, il nous faut revenir à la Première dissertation de l’ouvrage. Celle-ci porte sur le passage des notions de “bon” et de “mauvais” à celles de “bon” et de “méchant”. Il y a une différence capitale entre les deux couples d’opposition : “bon” et “mauvais” a pour terme premier “bon”. Celui qui est bon, par générosité et surabondance de force, se pose lui-même comme valeur, et, par dédain, pense celui qui n’a pas cette abondance comme “mauvais” (il faut aussi entendre par là : “chétif”, cf. l’italien cattivo “mauvais”). Cependant, une rupture que Nietzsche appelle la “révolte des esclaves”, et qui conduisit à une inversion des valeurs, conduisit les faibles, les mauvais, à penser les forts comme “méchants”, et eux-mêmes comme “bons” – par réaction, donc.

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Nietzsche, pour donner à voir ce phénomène, imagine la situation de rapaces et d’agneaux :

Que les agneaux aient l’horreur des grands oiseaux de proie, voilà qui n’étonnera personne : mais ce n’est point une raison d’en vouloir aux grands oiseaux de proie de ce qu’ils ravissent les petits agneaux. Et si les agneaux se disent entre eux : « Ces oiseaux de proie sont méchants ; et celui qui est un oiseau de proie aussi peu que possible, voire même tout le contraire, un agneau — celui-là ne serait-il pas bon ? » — il n’y aura rien à objecter à cette façon d’ériger un idéal, si ce n’est que les oiseaux de proie lui répondront par un coup d’œil quelque peu moqueur et se diront peut-être : « Nous ne leur en voulons pas du tout, à ces bons agneaux, nous les aimons même : rien n’est plus savoureux que la chair tendre d’un agneau. »

Le philosophe pointe ainsi du doigt le tour de force idéologique accompli par les “agneaux” :

— Exiger de la force qu’elle ne se manifeste pas comme telle, qu’elle ne soit pas une volonté de terrasser et d’assujettir, une soif d’ennemis, de résistance et de triomphes, c’est tout aussi insensé que d’exiger de la faiblesse qu’elle manifeste de la force.

Autrement dit, les faibles, dans leur révolte, décrètent que ce sont eux qui sont les bons, et, pour ce faire, il leur faut poser que la force est quelque chose qui peut ne pas se manifester, ce qui est contradictoire : la force est pure extériorisation, et une force qui ne s’extérioriserait pas ne serait pas une force. Par là, les faibles donnent le coup d’envoi du concept moderne de “liberté” et de “sujet”, l’idée d’un substrat sous-jacent qui aurait la possibilité d’exercer ou non sa force. Mais ce sujet n’existe pas : les faibles font simplement de nécessité vertu. Incapables d’exercer leur force, ils déclarent que c’est là leur bonté. Imaginer un sujet libre derrière l’extériorisation de la force, c’est comme imaginer un sujet libre derrière l’éclair, dont l’éclair serait la manifestation ; mais l’éclair n’est que cela, il est pure extériorisation, et il en va de même de l’homme, avant d’être empoisonné par le ressentiment envers les forts et dressé en vue de la responsabilité.

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