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Philosophie : Les conditions de la possibilité de la science de la nature chez Kant

À lire dans cet article :

Comment les sciences sont-elles possibles ? Une science consiste avant tout en un discours qui rende compte des phénomènes de son domaine. Cependant, pour être scientifique, ce discours doit pouvoir mettre au jour des connexions nécessaires entre les phénomènes. Or, cette nécessité est problématique : comment savoir si la relation que l’on a toujours observée entre les phénomènes (par exemple, le lever du soleil chaque matin) se reproduira toujours à l’identique ?

 

C’est à cette tâche que s’attelle Kant dans les Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science de 1783. Si, dans cet ouvrage, Kant rend compte de la prétention des mathématiques et de la physique à se présenter comme sciences, nous nous intéresserons plus précisément à la science de la nature seule.

 

Le problème de la physique

La réflexion de Kant trouve son origine dans l’Enquête sur l’entendement humain de Hume : dans cet ouvrage, le philosophe écossais montrait que, du point de vue de l’expérience seule, rien ne permettait de conclure à la nécessité des connexions observées entre les phénomènes. La croyance en une connexion nécessaire proviendrait seulement de l’habitude : l’on voit les mêmes causes produire les mêmes effets, ce qui nous fait croire qu’il existe une connexion nécessaire entre eux, mais rien ne nous donne cette information dans l’expérience. Tout ce que nous savons, c’est que, jusqu’ici, les mêmes causes ont produit les mêmes effets.

Kant, réveillé, selon ses propres mots, de son “sommeil dogmatique“, cherche donc à résoudre le problème posé par Hume, qui met en danger les sciences conçues comme discours sur les connexions nécessaires entre les phénomènes. Puisque la nécessité ne peut se trouver dans les choses que nous observons, c’est donc, pour Kant, qu’il faut la rechercher dans l’esprit humain lui-même. C’est le cœur du raisonnement de la troisième partie des Prolégomènes, qui porte sur les conditions de possibilité de la science pure de la nature.

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Résolution du problème

La nature de la nature

Par science pure, il faut entendre science décrivant les phénomènes selon des concepts a priori, c’est-à-dire selon des concepts qui ne sont pas tirés de l’expérience : seuls de tels concepts peuvent nous assurer de la nécessité que nous prétendons découvrir dans la nature. Par nature, il faut entendre “l’existence des choses, en tant qu’elle est déterminée selon des lois universelles“. Les choses en question ne sont pas les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, en-dehors de toute expérience possibles, mais les choses telles qu’elles sont pour nous, autrement dit leur apparition, ce que Kant appelle les phénomènes.

La nature a deux sens. Selon la matière, c’est “l’ensemble de tous les objets de l’expérience“, qui s’offrent à notre intuition et à notre perception. Selon la forme, c’est la soumission de ces objets à des lois physiques.

 

La soumission aux catégories de l’entendement

Il s’agit donc de découvrir le fondement de la nécessité que l’on observe, de fait, dans les sciences de la nature, qui remportent un franc succès expérimental à l’époque de Kant. Ce fondement est transcendantal : il concerne les conditions de possibilité de la science pure de la nature. Ces conditions sont a priori, sans quoi elles ne pourraient fonder la nécessité des connexions observées, ainsi que leur objectivité. En effet, n’est objectif ce qui est universellement vrai, de tout temps, et nécessairement, et ne concerne pas seulement un sujet à tel ou tel moment. Cependant, cette objectivité n’est pas connue en réglant notre entendement sur l’objet ; au contraire, il y a connaissance objective lorsque celle-ci est conforme aux concepts a priori de l’entendement humain.

Ces concepts a priori ne peuvent être que ceux d’une conscience en général (ce qui rend possible l’objectivité) et non ceux de ma propre conscience subjective. Ces concepts correspondent à l’activité propre de l’entendement, qui est le jugement. Un énoncé scientifique comme “l’air est élastique” repose ainsi à la fois sur l’intuition de l’existence d’un objet, dans l’espace et le temps, et sur un jugement qui fait la synthèse du divers sensible et en fait une pensée.

Kant donne une table des concepts en question, selon la quantité, la qualité, la relation et la modalité. On retiendra que le concept de causalité, auquel Hume avait mis un coup sévère, concerne la relation des phénomènes entre eux. La causalité est bien un concept a priori : énoncer qu’un phénomène cause un autre phénomène, c’est bien énoncer une connexion nécessaire et universellement vraie. Ces concepts, appelés catégories, s’appliquent à toute expérience possible. Toute expérience, par exemple, se fait selon la catégorie de la causalité : rien dans la nature n’a lieu sans cause. Cependant, dans le cas des énoncés scientifiques, il faut en outre dépasser l’aspect subjectif de l’expérience, pour décrire les phénomènes objectivement, en conformité avec les seules catégories.

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Conclusion

Contrairement à ce que pensait Hume, c’est donc l’expérience toute entière qui est construite en fonction des règles issues des catégories de l’entendement. Ce n’est pas l’entendement qui se règle sur les choses, mais les choses qui se règlent, comme phénomènes, sur l’entendement. Dès lors, une connaissance scientifique de la nature est évidemment possible, puisque les catégories construisent une expérience réglée sur de l’a priori, du nécessaire. Cela signifie que les conditions de possibilité de la physique sont les mêmes que celles de la nature elle-même : la nature comme règles auxquelles sont soumis les phénomènes est elle-même construite par les catégories a priori de l’entendement. Elle n’est nature que pour une conscience douée de facultés transcendantales ; en-dehors de cela, nous ne pouvons rien en dire.

 

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