Heureux qui comme Ulysse Du Bellay

Heureux qui comme Ulysse : analyse linéaire

À lire dans cet article :

L’année de première file à toute allure et tu aimerais approfondir tes révisions pour le baccalauréat de français ? Dans cet article, nous revenons avec toi sur le célèbre poème Heureux qui comme Ulysse, 31e sonnet du recueil Les Regrets de Joachim Du Bellay. 

Nous te proposons ci-dessous une analyse linéaire du poème Heureux qui comme Ulysse de Joachim Du Bellay. Nous t’expliquons pas à pas les rouages de cette œuvre emblématique et te livrons nos meilleurs conseils pour réussir ton commentaire de texte sans accroc. 

Premier conseil ? Lorsque tu as ton texte sous les yeux, nous te conseillons de le lire une première fois en entier, sans ne prendre aucune note. Cette première lecture te permettra de comprendre dans les grandes lignes de quoi parle le texte et elle t’évitera de partir sur un premier contre-sens. Ensuite, tu pourras lire le texte une seconde fois et faire toutes les annotations que tu veux. Une fois que tu comprends bien le texte et que tu as saisi les tensions, essaie de trouver une problématique et un plan qui seraient pertinents. Prends ton temps pour cette première phase, c’est important que tu comprennes bien de quoi il est question pour ne pas te lancer dans un commentaire qui deviendrait vite obsolète. 

Poème Heureux qui comme Ulysse

Première chose et non des moindres, commence par bien lire le poème, Heureux qui comme Ulysse, une première fois, une seconde fois et autant de fois que nécessaire. 

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Lire aussi : Gargantua, Rabelais : analyse de l’oeuvre

Heureux qui comme Ulysse analyse

Conseil ? Il est très important que tu observes bien tout le poème dans son intégralité, avant d’analyser les vers un par un, à commencer par sa structure : il s’agit d’un sonnet régulier (qui suit la structure ABBA ABBA CCD EED) rédigé en alexandrins réguliers.

Une fois que tu as analysé le poème dans son ensemble, tu peux passer à l’analyse linéaire.

Heureux qui, comme Ulysse,/ a fait un beau voyage,

C’est un alexandrin régulier séparé en deux hémistiches par une césure. Le nom propre, Ulysse, héros de la mythologie grecque parti en mer loin des siens, est ainsi placé juste avant la césure et mis en avant. L’adjectif heureux, placé en tête de vers est également mis en avant et résonne comme une apostrophe au lecteur.

Ou comme cestuy-là / qui conquit la toison,

Il est bien sûr question ici de Jason et de sa toison d’or. Là encore, le héros désigné par un pronom démonstratif cestuy-là.

La récurrence du pronom relatif qui introduit la proposition relative et décrit l’exploit épique du héros. Cela créé un parallélisme de construction.

Et puis est retourné, plein d’usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Analysons les deux vers en même temps grâce à l’enjambement (est retourné / vivre), qui créé :

  • d’une part un effet d’attente (soulignant la durée du voyage)
  • et met en avant vivre placé ainsi en tête de vers.

La phrase exclamative renforce la joie supposée des grands héros, rentrés chez eux.

La rime interne entre usage et âge montre qu’il s’agit là d’une décision sage (par opposition à la soif d’aventure de la jeunesse).

C’est en fin de compte une strophe très originale que propose Du Bellay. On s’attendrait à une glorification épique des exploits des héros. Mais non. Ce qui importe ici, c’est leur vie tranquille auprès des leurs après la fin de leurs aventures. Nous sommes ici aux antipodes d’un poème épique classique.

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Cette strophe est également à commenter en intégralité.

Il s’agit ici dans ce poème d’un long enjambement, où un élément syntaxique essentiel de chaque vers est systématiquement rejeté au vers suivant.

Ainsi le COD du verbe revoir du vers 5 est rejeté au vers 6 : fumer, le verbe du vers 6 est rejeté au début du vers 7, la proposition relative qui qualifie la maison au vers 7 est rejetée au vers 8. Un effet d’attente est créé à chaque vers, le vers s’étire et traduit ainsi l’attente et le désespoir du poète.

Ce désespoir est par ailleurs renforcé par l’utilisation de l’interjection tragique hélas, placé en fin d’hémistiche au vers 6 et par la forme interrogative de la strophe, qui résonne ainsi comme une lamentation.

La contrée du poète est opposée ici à la grandeur de Rome par l’utilisation d’adjectifs péjoratifs tels que petit, pauvre. L’attachement du poète à sa contrée natale est renforcé par l’utilisation du déterminant personnel à la première personne mon (v. 6), ma (v. 7) et du pronom personnel COD à la première personne me (v. 8).

Par ailleurs, le redoublement qui relève presque du pléonasme, beaucoup d’avantage marque la démesure de l’attachement affectif du poète à sa contrée natale.

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,

Que des palais Romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Commentons les deux tercets en même temps.

Remarquons tout d’abord l’anaphore : plus répété en début de chaque vers créé un effet hyperbolique et traduit la détresse du personnage.

Remarquons ensuite les parallélismes de construction, avec une opposition systématique entre la Gaulle et Rome, d’un hémistiche à l’autre.

On retrouve ici une fois de plus l’opposition centrale entre la grande de Rome et l’intimité du chez soi, gaulois.

D’une part, Du Bellay cite les grands monuments romains, palais Romains, Tibre latin, mont Palatin. Les adjectifs qui qualifient ces monuments mettent en valeur leur grandeur froide et inaccessible : audacieux, dur. L’Histoire occupe souvent une place relativement importante dans les poèmes du recueil Regrets de Du Bellay.

Ces monuments sont d’autant plus imposants qu’ils débordent sur des vers entiers : Que des palais Romains le front audacieux. (v.10).

D’autre part, les monuments romains paraissent ainsi inaccessibles et étrangers au poète, comme le montre également l’opposition entre l’article défini le et le déterminant personnel mon, mes.

L’attachement à sa région natale transparaît également par le champ lexical de l’intimité utilisé pour qualifier la région de son enfance : fine, petit, doulceur.

Le dernier tercet est également très précis géographiquement : Loire, Liré, Angevine, adjectif qui qualifie la région natale de Du Bellay,

Anjou : ces détails géographiques cités aussi tardivement dans le sonnet créent un effet d’attente qui traduit la souffrance du poète.

Lire aussi : La poésie du Moyen-Âge à nos jours : quelques repères

Heureux qui comme Ulysse problématique et plan

Même si la problématique te sera donnée à l’oral, on peut d’ores et déjà mettre en avant trois grandes thématiques du poème Heureux qui comme Ulysse pour en dégager une analyse.

  1. Un sonnet régulier très lyrique qui traduit la souffrance du poète
    1. Présence de nombreux pronoms personnels (à citer avec la ligne)
    2. Utilisation de phrases exclamatives, interrogatives et des interjections qui résonnent comme un cri tragique.
    3. Un sonnet construit autour de parallélismes de construction et de nombreuses répétitions (= lamentations)
  2. L’opposition de la majesté de Rome à l’intimité d’un chez soi
    1. Articles : article défini vs. déterminant personnel
    2. Adjectifs : la grandeur vs. l’intimité (presque maternelle)
    3. Lieux : des lieux mythiques vs. le champ lexical de la campagne.
  3. Une vision originale et critique de la grandeur romaine.
    1. Utilisation de la mythologie antique originale. (Des héros considérés avant tout comme des homme en exil // vie de Du Bellay)
    2. L’utilisation presque péjorative du pronom démonstratif pour parler de Jason. (Reconnaissable par son acte mythologique)
    3. L’opposition de la fugue de la jeunesse et de la sagesse (vision rétrospective de la grandeur romaine).

Conseils de méthodologie ?

  • On n’oublie surtout pas dans chaque partie de justifier chaque argument par un exemple précis du texte en citant le texte et la ligne.
  • Il faut être précis dans la dénomination des figures de style, des catégories grammaticales, du lexique, etc. Tu peux donc reprendre les fiches notionnelles si besoin.

Lire aussi : La poésie de la Pléiade

Heureux qui comme Ulysse ouverture

On peut faire des liens avec un autre poème des Antiquités ou des Regrets de Du Bellay.

Notamment avec l’autre poème très célèbre des Regrets : France, mère des arts, des armes et des lois, tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle.

Exemples ouverture Heureux qui comme Ulysse

Premier exemple 

On y retrouve le lien avec l’aspect très maternel de la France, qui est renforcé par l’allégorie.

France, mère des arts, des armes et des lois,

Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :

Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,

Je remplis de ton nom les antres et les bois.

Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,

Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?

France, France, réponds à ma triste querelle.

Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine,

Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine

D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture,

Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :

Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

Lire aussi : “Je n’ai plus que les os”, Ronsard, Commentaire linéaire

Second exemple

Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,

Qu’il n’était rien plus doux que voir encore un jour

Fumer sa cheminée, et après long séjour

Se retrouver au sein de sa terre nourrice.

Je me réjouissais d’être échappé au vice,

Aux Circés d’Italie, aux Sirènes d’amour,

Et d’avoir rapporté en France à mon retour

L’honneur que l’on s’acquiert d’un fidèle service.

Las ! mais après l’ennui de si longue saison,

Mille soucis mordants je trouve en ma maison,

Qui me rongent le cœur sans espoir d’allégeance.

Adieu donques, Dorat, je suis encor Romain,

Si l’arc que les neuf Sœurs te mirent en la main

Tu ne me prête ici, pour faire ma vengeance.

Les Regrets (Sonnet CXXX)

Lire aussi : Pierre de Ronsard – Biographie et oeuvre

Ce que tu dois retenir ? Prends bien le temps de lire et relire le poème, et de passer chaque vers au crible. Le moindre détail pourrait être important. N’oublie pas également de citer les lignes dans ton commentaire, ton correcteur appréciera beaucoup. 

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