Fondée en 1850, Pigier est la première école professionnelle française. Le vendredi 13 juin 2025, elle a célébré ses 175 ans dans chacune de ses 30 écoles en France. Étudiants, alumni, enseignants et partenaires étaient réunis pour cet anniversaire exceptionnel. Une année également riche en événements sportifs, vie associative et étudiante. « Un moment fort pour le réseau Pigier », confie Jean-Francis Charrondière, directeur de marque et de l’école lyonnaise, dans une interview exclusive qu’il nous a accordés.
Pigier, l’héritage de la toute première business school de France
Pouvez-vous nous décrire Pigier en tant qu’école et les formations qui y sont dispensées ?
Pigier est une business school dédiée à l’alternance, donc post-baccalauréat. Nos formations sont justement toutes dispensées sur ce modèle, et ce, dès la première année. Nous avons trois filières principales : administration des entreprises et des ressources humaines, comptabilité et gestion, et la filière commerce. Nos diplômes vont du bac+2 jusqu’au bac+5.
Au vu des 175 ans du réseau Pigier, pouvez-nous parler des instants marquants qui ont contribué à cet héritage ?
Pour nous, Pigier a vocation d’être une école professionnelle, au-delà de l’alternance. Nous le devons à l’héritage de la toute première école fondée en 1850. C’était Gervais Pigier, chef comptable, qui a créé la première école de commerce et de comptabilité à Paris. Sa création s’est faite face à la pénurie d’emploi, d’où son déploiement croissant dont son fils, Émile Pigier, qui a fondé l’école lyonnaise en 1911. On lui doit également la création des premières écoles ouvertes aux jeunes femmes en 1890, puis les premiers BTS dans les années 70.
Selon vous, quelle est la valeur cardinale de l’école ?
Sans aucun doute, l’accompagnement. Je mets un point d’honneur à ce que l’ensemble des collaborateurs, responsables de filières, chargés de relation entreprise et coachs soit vraiment présent pour nos étudiants. Surtout pour l’orientation, le recrutement, l’accompagnement pour trouver une offre d‘alternance, ce qui n’est pas chose aisée, lors de leur scolarité, et même un accompagnement à la suite de leurs études. Étant donné notre ancienneté, nous avons le réseau d’alumni le plus important de France. Nous essayons donc d’entretenir des liens étroits avec eux.
Comment l’héritage de Gervais Pigier inspire-t-il encore les orientations pédagogiques de l’école en 2025 ?
Je dirais que Gervais Pigier a toujours été innovant. Il avait créé en 1850 ce qu’on appelait – à l‘époque – un « bureau commercial ». Pour moi, il s’agit de l‘ancêtre de l‘alternance, car les étudiants étaient mis en situation avec des formateurs afin de mieux comprendre les ficelles du métier. Dans cette continuité, nous avons créé dans nos écoles des EFI – espaces de formation individualisés – avec des parcours à la carte. À ceci s‘ajoutent d’autres innovations pédagogiques que nous mettons en place au cours des années comme récemment des tests immersifs métiers ou des bachelors 100% alternance post baccalauréat.
À titre personnel, quel est votre sentiment d‘appartenance à cette école et cette histoire novatrice dans l’enseignement professionnel français ?
Pour moi, c‘est une vraie fierté d’être directeur de la marque Pigier, car elle retrace une histoire marquante française dans l‘enseignement et la professionnalisation. En mon sens, il s‘agit là d‘un des patrimoines français auquel j’attribue du temps et du développement jour après jour.
Pigier et l’alternance, un lien intrinsèque à son histoire et à la réussite de ses étudiants
Quel est votre avis sur l‘avenir de l’alternance en votre qualité de directeur de la « business school de l‘alternance » ?
Il est vrai que le gouvernement a énormément misé sur l’alternance dès le départ, mais, pour des raisons budgétaires, cet accroissement s’affaisse avec des baisses de l’aide à l‘embauche. Ceci va créer des facteurs qui pourront freiner l’alternance. Toutefois, je ne crois pas que l‘alternance se fragilise. Au contraire, nous avons de nombreux partenaires qui croient dans les jeunes, qui veulent les former et qui n‘arrêteront pas de recruter des alternants.
Il se peut qu’il y ait moins d’opportunités et de postes pour les jeunes, surtout dans les secteurs en crise. Néanmoins, je reste intimement convaincu que l‘alternance est un mode de recrutement qui va perdurer. Aujourd’hui, beaucoup d‘entreprises recrutent des alternants pour les embaucher en CDI. C’est pour eux un vrai moyen de fidéliser leurs collaborateurs.
Avec un taux d‘insertion professionnelle de 87%, quelles sont les raisons qui expliquent une telle réussite ?
Pour moi, c‘est dû à notre accompagnement, à nos formations que nous créons avec nos comités de perfectionnement et au suivi assidu des maquettes. Si je devais parler du facteur numéro un qui explique la réussite Pigier, c‘est l‘alternance, puisqu’aujourd’hui l’expérience professionnelle vient renforcer le développement des soft skills de nos étudiants, aujourd’hui indispensable sur le marché du travail.
Par conséquent, nos élèves qui auront effectué une alternance pendant trois à cinq ans trouveront un emploi à la fin de leur contrat. Quant à ceux qui ne l’ont pas été ou qui cherchent autre chose, les années cumulées d’alternance démontrent leurs capacités professionnelles et leur valeur dans le milieu professionnel.
Vous nous avez dit que la totalité de vos formations se dispensent en alternance, et ce, dès la première année. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Pour moi, l’alternance est un vecteur d‘ascension social très important, car il permet de financer des études aux coûts onéreux. Leur proposer la gratuité de l’école, en plus d’un salaire, c’est leur donner accès à une école de commerce et à des études supérieures jusqu’au niveau bac+5. L‘alternance permet aussi aux profils « moins scolaires » de s’épanouir. Là où certains auront du mal avec de la théorie pure, cet équilibre entre pratique et théorique permet de dévoiler leur talent.
L’importance de l‘accompagnement des étudiants dans le monde du travail pour Pigier
Vous avez évoqué la difficulté à trouver une offre d’alternance et de l’importance que vous accordez à l‘accompagnement. Quels sont les moyens mis en place pour faciliter cette insertion professionnelle ?
Nous avons un réseau de près de 250 chargés de relation entreprise qui aident tous nos étudiants, et surtout les lycéens. L’accompagnement requis pour eux est d’autant plus important quand on a 18 ans et pas eu la chance d’avoir fait des jobs étudiants ou travailler lors de la saison estivale. Ils doivent donc se concentrer sur leurs soft skills et mettre en avant ce qu’ils ont fait dans le milieu associatif, ou dans le sport, par exemple. On les aide à créer un profil professionnel avec LinkedIn pour obtenir un réseau professionnel.
Cet accompagnement se retrouve aussi avec l’instauration d‘une plateforme, Destinée. Elle met en situation les étudiants grâce à des immersions métiers. On a développé sept tests d’orientation, ce qui permet aux candidats de vérifier si leur choix d’orientation est bon et empêcher les ruptures en cours d‘année.
Comment a été accueillie la plateforme Destinée en termes d’accompagnement professionnel ?
Elle a été développée cette année et je dois être honnête que le public qui est le plus attiré par la plateforme, ce sont les parents. C’est tout à fait compréhensif, surtout lorsqu’on voit des lycéens être encore perdus. En tant que père de deux garçons de 15 et 18 ans, je comprends tout à fait ce sentiment. Nous proposons donc aux parents et étudiants une plateforme complémentaire à Parcoursup, avec des tests métiers pour les aider à mieux se diriger et affiner leur orientation.
Pour répondre aux attentes de cette nouvelle génération d’étudiants, quels ont été les autres moyens mis en place hors de la plateforme Destinée ?
Nous sommes actuellement en train de développer un autre dispositif qui part sur l’idée du matching, c’est-à-dire que l’on demande à nos entreprises partenaires de développer leurs valeurs, leurs attentes pour un nouveau collaborateur. En face, l’étudiant sera confronté à des tests de personnalité et nous compilerons les informations pour faire des matchings entre les entreprises et les candidats. Ça permet de décorréler du modèle classique du CV et remettre l’humain au premier plan.
En quoi la révolution technologique actuelle a-t-elle changé les formations au sein du réseau Pigier ?
Aujourd’hui, je dirais que c’est l‘humain qui va faire la différence. La connaissance est facilement accessible, alors que la dimension humaine apporte une vraie valeur ajoutée, de l‘engagement et du sens. C’est pour ça que nous avons des intervenants charismatiques capables de mobiliser et d‘inspirer nos étudiants et les engager dans la formation. L’IA générative a bien révolutionné la connaissance, alors c’est à nous, l’équipe pédagogique, de nous améliorer.
Pigier et ses étudiants : qu’attendent-ils de vous ?
Quels sont les profils d’étudiant que vous cherchez pour intégrer vos écoles ?
Nous avons tout type d’étudiant : certains viennent après un cursus universitaire en admission parallèle en bac+4 par exemple, d’autres sont des lycéens qui cherchent à faire de l’alternance, tout bac confondu avec une majorité issue d‘un bac technologique. Ce que nous recherchons avant tout chez nos étudiants, c‘est de la motivation, de la maturité et un véritable savoir-être.
Quelles sont les modalités d’admission pour rejoindre une école Pigier ?
Nous sommes sur Parcoursup, donc les bacheliers et étudiants peuvent candidater depuis la plateforme. Je tiens à préciser qu’ils n’ont pas besoin d‘attendre la fin de la procédure pour savoir s‘ils sont acceptés ou non. Lorsque nous les rencontrons et que nous les avons admis, ils le savent directement. Nous recrutons les élèves sous trois critères : le dossier scolaire – principalement les appréciations, les tests d’admissions (tests métiers, culture générale, français et anglais), et surtout l’entretien de recrutement.
Comment est-ce que Pigier répond aux attentes de l’inclusion, la diversité sociale et la parité, au-delà de son héritage historique ?
La plupart de nos campus ont le label H+. Elle est donnée par les régions dans le cadre de l‘accueil des étudiants en situation de handicap. Nous avons aussi dans nos maquettes pédagogiques des cours liés à ces enjeux, comme « Gestion du handicap » et « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises).
Que souhaiteriez-vous dire aux lycéens et étudiants qui hésitent à se rendre à Pigier ?
Je leur dirai de ne pas hésiter à rentrer en contact avec nos conseillers en formation. Les rencontres et échanges y sont gratuits, alors ils y ont tout à gagner. En nous rejoignant, ils gagneront en autonomie, un salaire, une expérience professionnelle et un diplôme. Je tiens également à ajouter que nous avons encore beaucoup de postes d’alternance à pourvoir pour les lycéens et les élèves en niveau bac+2, bac+3 et bac+5.
Le futur de Pigier : 175 ans de formation et après ?
Pigier représente une trentaine d’écoles, dont une nouvelle à Clermont-Ferrand en l‘honneur des 175 ans de l’école. Pouvez-vous nous parler de la stratégie territoriale de Pigier ?
Aujourd’hui, notre objectif est d’être proche des territoires et des villes avec de vrais potentiels d’employabilité pour nos étudiants. On aura 31 écoles en septembre, mais nous n’avons pas de stratégie de développement très forte, car notre couverture est déjà importante. Bien entendu, nous avons des ambitions pour de nouveaux campus dans le Centre, car nous n‘y sommes pas assez implantés ou encore à Toulon ou Valence.
Comment faites-vous pour garantir la même qualité de formation au travers du territoire ?
Pour garantir une homogénéité de nos pratiques, on fait énormément d’audits dans toutes nos écoles. Je sais que j‘en fais a minima un en présentiel dans chacune des 30 écoles. Je me déplace sur le terrain, je vais à la rencontre des étudiants et des équipes pédagogiques, et je vérifie que la stratégie soit bien déployée. Au sein de l’école de Lyon, le siège de la marque, notre direction pédagogique nationale pilote la création de nos diplômes et animations pédagogiques. Nous fournissons les syllabus et programme de cours, et nous veuillons à ce qu’ils soient correctement utilisés ; l’objectif étant que les équipes suivent la ligne directrice définie par la marque Pigier.
Qu‘en est-il de la partie internationale pour le réseau Pigier, plus particulièrement dans le contexte de l’alternance, qui reste un modèle très français ?
Notre part d’internationalisation se développe en deux parties : la première en se concentrant sur des passerelles avec des campus en Afrique francophone, notamment avec Pigier Cameroun, Pigier Côte d’Ivoire ou Pigier Bénin.
La seconde est de permettre des passerelles pour les étudiants qui souhaitent aller à l‘étranger. Par exemple, certaines de nos écoles, comme Mulhouse et Lyon, proposent des stages alternés en Allemagne ou en Suisse. Nous sommes aussi en veille avec le concept d’alternance à l’international, actuellement porté par l’État.
Enfin, nous proposons des summer schools à la fin des cursus de formation ou lors de leurs congés d’été de nos étudiants. En juillet prochain, c’est une vingtaine d’étudiants qui se rendent à Dublin durant 3 semaines. L’année prochaine d’autres destinations plus lointaines seront proposées comme l‘Australie ou la Nouvelle Zélande.
Je voulais avoir votre ressenti suite à la fête des 175 ans de Pigier. Comment l’avez-vous vécue cette soirée ?
Ça a été un véritable travail d’équipe, car je ne voulais pas me contenter d’une seule fête au siège de Lyon. Nous avons donc, en plus des soirées dans chacune de nos écoles, organisé des événements ponctuels tout au long de l’année. Nous avons organisé d’un tournoi d’urban soccer. On y a convié les 30 écoles avec des équipes de cinq et le tournoi s’est déployé avec des finales régionales et puis chaque meilleure équipe est venue à Lyon pour y disputer la finale.
Nous avons aussi créé un concours de négociation commerciale pour valoriser nos filières commerce : bachelor en immobilier, le MBA commerce, le BTS Négociation et Digitalisation de la Relation Client (NDRC). À l’occasion des 175 ans de Pigier, nous avons accueilli les meilleurs négociateurs de chacune des 30 écoles. Ces événements ont vraiment plu aux étudiants qui se sont tous rencontrés pour la première fois, ce qui arrive rarement.
Cela a permis de faire vivre ces 175 ans partout en France, en impliquant pleinement nos équipes, nos étudiants et nos partenaires.
Que voulez-vous que tous les membres Pigier, des étudiants jusqu’aux alumni, s’approprient cette date et le devenir de l‘école ?
J’aimerais qu’il y ait un maintien de ce lien d’appartenance envers Pigier, que ce lien perdure au-delà du parcours étudiant. Pour les alumni, nous les faisons intervenir dans des jurys, en tant qu’annonceurs ou entreprises partenaire. Nous avons aussi une newsletter mensuelle, des vidéos d’alumni quant à leur avenir qui valorisent leurs réussites. Nos alumni, aujourd’hui chefs d’entreprise, recrute à leur tour, en alternance, des étudiants de leur ancienne école. C’est une vraie satisfaction et fierté pour les directeurs d’école et équipes pédagogiques !
Avec une telle réponse positive, pensez-vous que ce type d’événement sera renouvelé pour créer un esprit de cohésion ?
Absolument ! C’était même une demandes des étudiants ayant participé, surtout avec le tournoi d’urban soccer et le concours de négociation commerciale. Nous essayons donc de mettre en place d’autres types d’événements, pourquoi pas en 2026 un événement autour du running, qui relieraient les 31 écoles, ouvert aux collaborateurs, étudiants et formateurs. Également, grâce à nos BDE (Bureau des élèves), nous essayons d‘organiser un week-end de ski pour les écoles proches des Alpes ou des Pyrénées.
Un mot de clôture pour célébrer ces 175 ans ?
Depuis 150 ans, Pigier forme, accompagne et inspire des générations d’étudiants à travers toute la France. Cette longévité, nourrie par l’innovation, l’accompagnement et un ancrage territorial fort, continue aujourd’hui de porter une vision audacieuse de l’alternance. Plus qu’un anniversaire, cette célébration marque un cap : celui d’une école toujours en mouvement, fidèle à son histoire et résolument tournée vers l’avenir.