bac 2023 corrigé HLP

Bac 2023 : le corrigé de l’épreuve de spécialité HLP du mardi 21 mars 2023

À lire dans cet article :

Bac 2023. L’épreuve de spécialité HLP s’est tenue les lundi 20 et mardi 21 mars dernier. Dans cet article, nous te proposons un corrigé de la session du mardi 21 mars 2023, rédigé par l’une de nos rédactrices expertes, Léna.

Bac 2023 : le sujet de l’épreuve de spécialité du mardi 21 mars 2023

Découvre ci-dessous le sujet sur lequel les candidats des centres d’examen de France métropolitaine, de Guyane, des Antilles et de Mayotte ont planché le mardi 21 mars 2023.

Sujet HLP J2 publié par AuFutur

Lire aussi : Bac 2023 : tous les sujets des épreuves de spécialités

Bac 2023 : le corrigé de l’épreuve de spécialité HLP du mardi 21 mars 2023

Interprétation philosophique

Introduction

Dans Aurore, publié en 1881, Nietzsche reprend la distinction platonicienne classique entre être et paraître pour  défendre l’idée selon laquelle nous ne sommes jamais ce que nous paraissons être. La raison principale en est le  langage : à travers les mots que nous utilisons pour nous qualifier nous-mêmes, nous construisons une identité  qui diffère pourtant de la personne que nous sommes réellement, celle-ci étant alors inaccessible à tout mouvement de réflexivité. Mais comment la parole, et plus généralement la conscience, peuvent-elles nous éloigner à ce point de nous-mêmes, alors que nous sommes ceux qui profèrent ces mots et ces structures qui nous  décrivent ? Nietzsche soutient d’abord que ce que nous sommes véritablement est toujours en inadéquation avec  ce que l’on pense être, puisque le langage qui sert à nous décrire n’exprime que nos variations les plus « extrêmes », et non pas la totalité de ce que le soi peut ressentir, manifester et en dernière instance, constituer. Or, nous ne pouvons constituer ce « soi » sans langage : ce dernier est donc à la fois tributaire et destructeur du soi. Ce que nous pensons être n’est donc qu’une construction morale établie par la médiation du langage, toujours insuffisant et réducteur, en tant qu’il ne fait qu’assigner une valeur à notre identité plutôt que de la décrire objectivement. 

Première partie

La thèse du texte est énoncée dès la première ligne, qui sera néanmoins développée et ainsi défendue durant  toute la suite du paragraphe : il s’agit de condamner le langage, en tant qu’il est la structure par laquelle notre réflexivité passe pour constituer un moi qui ne peut être que faux. En effet, le langage (« la langue », ligne 1) est notre outil de constitution du moi, puisque nous nous pensons par le langage, le logos, la raison ; or, celui-ci est empli de « préjugés », c’est-à-dire de mots en inadéquation avec le réel, qu’ils déforment en n’en décrivant que les aspects extrêmes. Autrement dit, selon Nietzsche, le langage manque le moi par imprécision : il ne suffit pas à décrire la complexité de ce que nous sommes et ne réussit qu’à circonscrire nos sentiments, nos « états extrêmes » (ligne 9), sans parvenir à retranscrire la complexité du flux incessant qui nous caractérise, décomposable en « degrés » qu’il n’atteint pas, par sa rigidité. Il prend alors l’exemple des sentiments dont nous usons pour nous décrire habituellement par une énumération qui montre bien au lecteur qu’à se contenter de cette liste simpliste pour décrire le soi, nous manquons nécessairement quelque chose. Or, le langage ne nous donne accès à rien d’autre que cette description et barre donc l’accès au soi. 

Deuxième partie

Si l’on pourrait alors rétorquer que le langage ne se contente pas de décrire des émotions, Nietzsche anticipe le reproche qu’on pourrait lui faire pour montrer, dans un deuxième temps, que même ce qui est en deçà du langage, ce que nous intériorisons, la conscience, ne suffit pas non plus à rendre justice au soi. On pourrait en  effet croire que la connaissance de soi, puisqu’intérieure, coïncide davantage avec ce que nous sommes ; or, selon  Nietzsche, il n’en est rien, puisqu’elle aussi ne se contente que des « manifestations extrêmes » (ligne 14) qui « égare[nt] l’observateur » (lignes 16 et 17), c’est-à-dire le détournent du soi. Ce chemin vers ce que nous sommes  est donc parsemé d’ombre — et peut-être même inaccessible : celui qui tente de l’emprunter, selon Nietzsche, se retrouve désorienté par des signaux (les mots que la conscience utilise elle-même, bien qu’intériorisés) qui « déchirent (…) la toile » (ligne 15) d’un moi complexe pour ne garder que des bribes simplifiées. Nietzsche reprend donc la thématique platonicienne de la connaissance de soi, ce soi vers lequel le regard doit s’orienter ; or ici, quelque chose l’en empêche, qui est en réalité la morale. 

Troisième partie

Fidèle à sa pensée, Nietzsche termine en effet par dénoncer la morale qui se cache derrière les mots et la conscience, seuls outils dont nous disposons pour définir un moi. Cette thèse surprenante — mais typique de l’auteur — est introduite par le parallélisme de la ligne 19 (« de conscience et de mots — et par conséquent  d’éloge et de blâmes »), qui établit ainsi une équivalence entre le mouvement réflexif d’un sujet qui se définit et le « blâme » ou la louange qu’il s’attribue à lui-même. Autrement dit, le caractère simplificateur des mots ne doit pas seulement être dénoncé parce qu’il ne respecte pas les nuances que chaque homme referme en soi, mais également parce qu’il est porteur de valeur : en ne désignant que nos aspects « extrêmes », nous nous attribuons, du même mouvement, une caractéristique péjorative ou méliorative ; la connaissance du soi relève donc de la morale et non de l’ontologie, c’est-à-dire du devoir être et non de l’être. La métaphore du chemin nous confirme donc que nous sommes bel et bien mal orientés par le langage, nous sommes sur une « mauvaise voie » (ligne 24) qui n’indique nullement la direction du soi, mais plutôt celle d’un paraître qui cache derrière lui ce que nous sommes vraiment. La mise en exergue par l’auteur des mots « nous sommes tous autre chose » peut alors  signifier que nous sommes non seulement tous autre chose que ce que nous prétendons être, mais également  autre chose que le langage — c’est-à-dire l’outil même de Nietzsche peut désigner : la subordonnée complétive importe donc peu, puisque quelque soit le référent, celui-ci sera toujours inscrit dans le langage, et donc inadéquat. Reprenant les mots exacts de la ligne 11, Nietzsche termine ainsi sur une note pessimiste : cette idée  du « moi », forgée uniquement par les mots, une extériorité dénaturante, tisse la toile « de notre caractère et de  notre destin », et a donc un impact durable — et donc dangereux — sur nos existences. 

Conclusion

Dans ce texte acerbe, Nietzsche attribue à la parole et à la conscience — qui de même use de mots pour circonscrire le soi qu’elle prétend atteindre — une visée purement morale, qui rend donc tout mouvement  réflexif vain. Il y va alors de notre devenir — puisqu’il y va de notre soi et donc de notre être — que de déceler  cette fraude du langage ; mais si celui-ci ne peut nous donner à voir notre soi, quel outil peut donc le faire ?

Essai littéraire

Introduction

Dans ce texte, Nietzsche avance que le langage ne peut circonscrire notre moi ; or, c’est dire que la littérature, qui s’écrit évidemment par les mots, ne peut non plus « déchiffrer l’alphabet (…) de notre moi », à jamais condamné, donc, à rester occulté. Et en effet, l’écrivain, qui use de sa conscience et du langage pour décrire le monde, ne peut peut-être circonscrire le moi, qui resterait ineffable et indescriptible. Pourtant, la poésie et ses jeux de correspondances, le je lyrique, le romancier réaliste et sa propension à décrire le monde comme un pur « miroir »  (Stendhal), le théâtre de mœurs, ne sont-ils pas autant d’exemples qui montrent que la littérature est non seulement ce qui permet de comprendre le moi, mais également de le mettre à jour d’une manière incomparable avec d’autres types d’expression ? 

Première partie

La nature défectueuse du langage — et donc, par extension, de la littérature — est en effet ce que déplorent de nombreux écrivains : l’autobiographie, par exemple, qui prétend littéralement écrire (graphie) le soi (auto), est toujours insuffisante, en tant que la description de ce soi passe par la médiation du langage et donc par une extériorité qui ne peut correspondre à l’intériorité que nous sommes. Woolf déplorait ainsi le retrait du moi qui avait lieu lorsqu’elle écrivait, malgré la technique du flux de conscience qui visait à rendre raison de la continuité caractérisant le sujet profond ; de même Ernaux, dans L’événement, s’avoue dépassée par le caractère gigantesque de ce qui lui arrive, qui empêche alors de décrire ce qu’elle est. Le langage, outil premier de la littérature, se retrouve pauvre face à la complexité du réel et des sentiments qu’il provoque sur ce soi — or, ces sentiments constituent ce soi et l’impossibilité de les décrire précisément entraîne donc l’incapacité à déchiffrer complètement ce que nous sommes. 

Deuxième partie

Mais le propre de la littérature n’est-il pas, justement, d’être irréductible au langage et de constituer un réseau de signes qui transcende celui-ci, et donc ses incapacités ? C’est par exemple le projet des Correspondances baudelairiennes ou des synesthésies proustiennes : en associant les cinq sens par des variations infinies, la  littérature réarrange le réel en puisant dans le langage, par des figures de style notamment, les matériaux nécessaires à un nouveau dévoilement du moi. Proust écrit ainsi, dans Le Temps retrouvé, que « chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même » : c’est parce que l’écrivain a son propre langage, qui dépasse les normes usuelles et joue avec elles, qu’il dit d’autant mieux le moi, le style permettant de décrire ce que la simple langue ne peut dire. 

Troisième partie

Dès lors, on peut donc avancer que la littérature est non seulement capable de « déchiffrer (…) l’alphabet du moi », mais qu’elle est également et surtout la forme de langage la plus à même de le faire. En effet, écrire, et écrire en tant qu’art, c’est toujours passer par la médiation de l’extériorité (la recherche d’un style, des mots  justes) : c’est donc toujours objectiver ce que nous voulons dire. Ce mouvement inverse de la réflexivité, qui  consiste à se situer hors de soi et non pas au plus proche du soi, permet alors, paradoxalement, de se rapprocher  le plus de ce que nous sommes. En effet, la mise en récit est ce qui permet le recul nécessaire à une écriture correcte du soi, c’est-à-dire davantage adéquate à la réalité de ce que nous sommes ; Ricœur avance ainsi, dans Soi-même comme un autre, que l’altérité constituée par cette mise en récit — autrement dit, le fait de raconter le soi par la littérature — est ce qui constitue, proprement, notre identité. En tant qu’elle nécessite le passage par l’altérité, la littérature permet donc de décrire le soi mieux que n’importe quelle autre forme de langage ; peut-être est-elle même la seule forme de langage qui en est capable.

Lire aussi : Bac 2023 : le corrigé de l’épreuve de spécialité HLP du lundi 20 mars 2023

Tu veux plus d’informations et de conseils pour réussir tes examens et trouver ton orientation ? Rejoins-nous sur Instagram et TikTok !

À la une