corrigé HLP bac 2023

Bac 2023 : le corrigé de l’épreuve de spécialité HLP du lundi 20 mars 2023

À lire dans cet article :

Bac 2023. Les épreuves de spécialité se sont tenues les lundi 20, mardi 21 et mercredi 22 mars derniers pour tous les candidats des centres de France métropolitaine, des Antilles, de Mayotte et de Guyane. Nombreux sont les candidats à avoir planché sur l’épreuve de spécialité HLP (humanités, littérature et philosophie) les lundi 20 et mardi 21 mars 2023. Dans cet article, nous te proposons un corrigé de l’épreuve de HLP du lundi 20 mars 2023, rédigé par l’une de nos rédactrices expertes, Léna.

Bac 2023 : le sujet de l’épreuve de spécialité HLP du lundi 20 mars 2023

Tu trouveras ci-dessous le sujet tombé pour l’épreuve de spécialité HLP le lundi 20 mars 2023.

Sujet HLP J1 publié par AuFutur

Bac 2023 : le corrigé de l’épreuve de spécialité HLP du lundi 20 mars 2023

Sujet d’interprétation littéraire

Ici, il s’agissait d’étudier la manière dont la poésie permet à l’héroïne de « redevenir un être nouveau » (l.25).

Introduction

Dans cet extrait du Journal d’une femme de chambre publié en 1900, Mirbeau met en scène Célestine, qui lit pour son maître Georges des poèmes, et finit par y trouver une échappatoire. Ce récit à la première personne donne en effet à voir la métamorphose de l’héroïne, qui sous l’égide des poèmes qu’elle récite à son maître, ainsi que ses compliments, semble se doter d’une toute nouvelle vision de soi-même. Pourtant, l’extrait met en avant les « déchéances » de Célestine, ainsi que les commentaires parfois acerbes de Georges, qui la qualifie d « ’ignorante ». Celle-ci reprend alors cet adjectif à son compte pour en tirer une force : mais comment la mise en scène d’une telle ignorance, d’une forme d’amateurisme de l’héroïne, permet en dernière instance de renouveler le personnage de Célestine en lui accordant une force ? Cet angle de lecture pousse à découper le texte en trois parties : de la première ligne à la ligne 10, la relation entre Célestine et Georges porte un aspect pédagogique, Georges se faisant le médiateur entre la lecture de Célestine et sa compréhension des poèmes. Ensuite, des lignes 11 à 22, le dialogue entre les deux personnages installe le rapport entre l’appréciation esthétique et la connaissance savante, soulevant la situation paradoxale d’un personnage qui par son manque de connaissance, serait d’autant plus apte à apprécier la beauté des mots. Les dernières lignes, des lignes 23 à 31, exposent la manière dont Célestine se réapproprie alors les mots de son maître pour s’en servir — consciemment ou non — de ressort narratif et personnel.

Première partie

Dans le premier moment de cet extrait du Journal, Mirbeau peint une scène de transmission, qui s’avèrera double par la suite : Célestine lit pour Georges comme Georges lit Célestine et cherche à la décrire. L’énumération initiale évoquant les grands noms de la poésie (« de Victor Hugo, de Baudelaire, de Verlaine, de Maeterlinck ») semble d’abord déconcertante : Célestine est submergée par une histoire littéraire qui ne correspond visiblement pas à sa classe sociale et à laquelle elle doit néanmoins se dédier entièrement, jour et nuit semblerait-il (« des heures entières », « le soir »), et partout (« sur la terrasse », « dans sa chambre »). Mais cette sensation d’abondance ne fait que mieux introduire l’influence de ces lectures sur Célestine, qui s’approprie alors le vocabulaire des correspondances baudelairiennes en évoquant « le chant de la mer » à la ligne 1. On comprend donc d’emblée que ces lectures, bien qu’elles ne lui soient pas destinées, pénètrent le personnage au point d’influencer la forme de son discours. Le personnage de Georges participe et aide à cette transmission — et plus, à cette transformation —, puisqu’il est celui qui la relance (lignes 5 et 6), comme un moteur mettant en mouvement la machine. L’image du tuteur est ainsi omniprésente : il est celui qui oriente Célestine (« il cherchait (…) à me faire comprendre »), l’emmenant dans l’élan poétique ensorceleur dont l’attirance se traduit par l’abondance des points de suspension qui évoquent un sentiment d’élévation, d’hypnose presque, d’emportement. Car c’est bien ici des sens dont il s’agit (« m’en faire sentir la beauté »), sens sur lesquels Georges aura un impact si profond que Célestine gardera ce souvenir longtemps.

Deuxième partie

Emportée par l’amour que Georges porte à la poésie, Célestine opère donc un voyage initiatique vers les contrées où tout n’est que « Luxe, calme et volupté », comme écrirait Baudelaire ; mais sa métamorphose ne s’opère véritablement qu’à entendre le manifeste poétique de Georges — ou est-ce celui de Mirbeau ? —, qui accorde d’autant plus de valeur esthétique aux poèmes récités par sa servante que ceux-ci peuvent être saisis par son « âm[e] (…) simpl[e] » (ligne 16). S’ensuit en effet une caractérisation de l’âme de Célestine — c’est-à-dire à la fois de son esprit et de sa sensibilité —, qui est infantilisée (« une petite âme toute nue, comme une fleur ») et décrite comme malade et impuissante : Georges énonce en effet que les poèmes ne peuvent être compris que par les « âmes des simples, des tristes, des malades » — or Célestine en saisit la beauté selon lui, et correspond donc à de tels adjectifs. Ces qualificatifs à première vue péjoratifs sont alors apposés à des caractéristiques tout à fait nobles qui rappellent les manifestes poétiques des grands poètes du XIXe, qui se voulaient rester dans l’éternité, — « gard[er] l’essence divine » des choses, écrit Baudelaire dans « Une charogne » ; Célestine, qui « dit des choses (…) belles comme des vers », est alors comparée à ces poètes (« toi-même ») « éternels ». Parce qu’elle est la médiatrice entre les œuvres poétiques et le personnage de Georges, Célestine s’élève donc au « sublime » (ligne 12), et ce qui pourrait être un obstacle à cette valorisation (son âme supposément naïve) n’est en fait que le catalyseur d’une telle sensibilité poétique. L’abondance de suspension, encore une fois, se fait vectrice d’un sentiment d’extase — comme si Célestine vivait un processus mystique de métamorphose, devenant muse ou peut-être même poètesse.

Troisième partie

Mais ce n’est qu’en se réappropriant ces dires — c’est-à-dire ici en les ré-écrivant — que la transformation de soi a véritablement lieu. Le dernier paragraphe présente d’emblée un passé simple signalant l’importance de l’évènement passé : les dialogues avec Georges furent décisifs en tant qu’ils mènent Célestine à se décrire comme « un être nouveau ». L’expérience de la poésie et de l’échange avec Georges est ici comme une véritable épiphanie (et on note encore une fois l’aspect quasi religieux), c’est une « révélation » (ligne 26) d’une potentialité en elle qui ne pouvait émerger et se manifester que par un geste d’autrui. Le discours de l’autre est alors ce qui révèle les potentialités du soi comme existantes, mais celles-ci ne sont décrites et descriptibles que parce que ce sujet les pose sur papier. Il faut en effet noter l’impact du récit à la première personne : plus qu’elle ne raconte, Célestine se raconte, se métamorphosant peut-être ainsi au fur et à mesure qu’elle écrit. On peut alors interpréter ce choix de Mirbeau — l’utilisation de la première personne — comme un véritable manifeste littéraire : l’écriture est moins descriptive que vectrice de changement de l’auteur et peut-être guide-t-elle l’auteur davantage que celui-ci la maîtrise. On peut donc interpréter les derniers mots du texte comme une fausse piste : Célestine ne doit-elle pas davantage à elle-même, qui décrit et donc écrit sa métamorphose en la faisant exister, qu’à celui qui ne l’a qu’initiée ?

Conclusion

Cet extrait est donc un manifeste poétique, et même littéraire : si la poésie transforme le soi, c’est surtout l’écriture de ce soi qui opère cette métamorphose. Transportée dans un voyage initiatique vers les contrées de la poésie, Célestine se réapproprie les caractéristiques qui lui sont accolées pour faire l’expérience d’une épiphanie finalement très personnelle : face à l’abondance des termes liés au savoir, triomphe le champ lexical de la sensibilité et de la transformation, qui montre la valeur de l’attention et de l’écriture de soi comme pratique transformatrice.

Sujet d’essai philosophique

La deuxième partie consistait en un essai philosophique. Le sujet était : « Le savoir nuit-il à la sensibilité ? »

Introduction

Le sujet invite à remettre en question la contradiction apparente entre savoir et sensibilité, c’est-à-dire entre la capacité de connaître et la propension à ressentir. On peut en effet penser que savoir et sensibilité sont incompatibles, en tant que ces deux facultés n’ont pas les mêmes objets : l’un est la vérité, l’autre est l’esthétique. Pourtant, le jugement de goût, la propension à ressentir des émotions face à un objet quel qu’il soit, peut être exacerbé par la connaissance qu’on a des critères de beauté de cet objet — son histoire, sa technique, son message. Comment le savoir peut-il donc être à la fois vecteur d’une sensibilité accrue et obstacle à un rapport purement émotionnel et donc sensible à l’objet contemplé ?

Première partie

Il faut d’abord admettre que le savoir peut en effet l’emporter sur la sensibilité et mettre à mal cette dernière, lui « nuire » en tant qu’elle l’empêcherait de s’exprimer. Comme suggéré par le personnage de Georges dans l’extrait du Journal, une approche savante d’une œuvre — un poème, mais aussi par exemple un tableau — peut l’emporter sur une approche sensible et sensibilisée de celle-ci, puisqu’on l’aborde alors par des traits objectifs, scientifiques, qui ne laissent guère la place à l’émotion personnelle et singulière du sujet unique qui contemple l’œuvre. La sensibilité ne porte en effet pas sur la vérité, l’objectivité d’un élément mathématique ou physique ; les deux facultés, et donc les deux approches, ne sont pas les mêmes.

Deuxième partie

Pourtant, le spectateur ou le lecteur peut tout à fait devenir sensible à une œuvre pour laquelle il n’avait pas d’intérêt émotionnel préalable, et ce par la médiation d’un savoir supplémentaire qu’il aurait acquis entretemps. La connaissance des règles de l’art, des normes esthétiques, et donc des gestes de l’artiste et de leur conformité à ces normes, peut en effet donner à la sensibilité des critères qui ne sont alors plus l’apanage unique de la faculté de connaissance et de savoir. Reconnaître dans une œuvre un geste artistique difficilement reproductible, une forme de technicité remarquable, peut par exemple accroître la sensibilité qu’on lui porte, alors que celle-ci serait restée moindre si ce savoir n’avait pas été présent. Le critère de mimèsis, par exemple, peut constituer un critère de goût et donc de sensibilité — or Aristote nous rappelle bien, dans sa Poétique, que c’est alors croiser connaissance et sensibilité, apprendre et ressentir, que d’apprécier une œuvre parce qu’elle imite convenablement les formes naturelles que nous connaissons déjà. Le savoir peut donc non seulement ne pas nuire à la sensibilité, mais au contraire, parfois, la conditionner.

Troisième partie

Il apparaît alors que le rapport entre savoir et sensibilité dépende de ce que l’on attend d’une œuvre, ou de manière générale, de ce qui peut nous rendre sensibles, ce à quoi nous pouvons être sensibles. Mais n’y a-t-il donc pas une forme universelle de sensibilité, un critère, un savoir du sensible, bref, une science du goût ? Si les règles de l’art se discutent, certes, et varient selon les époques, les lieux et les genres, on peut également avancer que ce qui est véritablement beau relève du savoir, qu’il y a un critère de véracité esthétique — « cela est beau » ne pourrait alors être contesté, et relèverait à la fois de la sensibilité et du savoir. Un tel critère universel doit donc se loger dans ce qui chez les Hommes est universel, à savoir la capacité à trouver du beau dans les choses ; alors celle-ci est à part, ni savoir, ni sensibilité, elle regroupe les deux et les réconcilie. C’est le sens du goût chez Kant : une capacité universelle qui dépasse la singularité de chaque individu, et n’est pour autant ni complètement savoir, ni complètement sensibilité, mais réunion des deux en tant, qu’elle est savoir d’une sensibilité universelle et commune. Le savoir ne peut donc plus nuire à la sensibilité, les deux étant aussi subjectifs l’un que l’autre, mais universels.

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