Entre ses cours en école de commerce et la Lamborghini Super Trofeo, Hugo mène une double vie intense. Statut de sportif de haut niveau, saisons en GT4, recherche de sponsors, préparation mentale et ambitions professionnelles : il raconte à AuFutur comment il construit pas à pas son rêve de devenir pilote, sans jamais lâcher ses études.
Parcours et vie étudiante d’Hugo Bac
Tu es en école de commerce, pourquoi ce choix et sert-elle tes ambitions en tant que pilote ?
Je n’ai pas commencé par une école de commerce. J’ai d’abord fait deux ans en école d’ingénieur, parce que je suis compétiteur dans l’âme et que ça me semblait être la voie la plus naturelle. À ce moment-là, je faisais du karting.
Quand je suis passé à l’automobile en deuxième année, j’ai compris que tenir le rythme serait presque impossible : je n’avais plus de vie en dehors des cours et du sport auto. J’ai donc postulé à l’IÉSEG, mon unique choix, en me disant que si j’étais pris, ce serait un signe. Le fait d’entrer directement en 2e année et le statut de sportif de haut niveau ont aussi pesé dans la balance. Une école de commerce m’aide vraiment dans mes ambitions : gérer une carrière sportive, c’est comme gérer une entreprise. Il faut s’occuper de la communication, des financements, des sponsors… donc je m’y retrouve dans mes études. L’école me permet de performer à la fois en cours et sur la piste, c’est un vrai contrat gagnant-gagnant. Toute la rigueur du sport automobile m’aide bien sûr dans ma scolarité.
Je suis actuellement en année de césure entre mon M1 et mon M2. J’ai consacré le premier semestre à ma carrière, et je ferai un stage chez Stellantis&You au second. Ces deux mondes se complètent parfaitement.
Quel type d’élève étais-tu, te prédestinais-tu à faire de longues études ?
J’ai toujours aimé l’école. Au lycée, je me voyais faire des études parce que j’aimais ça. On sait à quel point les études sont importantes, même si mon rêve est d’être pilote professionnel. C’est aussi quelque chose qui plait beaucoup aux équipes de constructeurs. Ça montre l’organisation, ce sont des points positif à leurs yeux. J’ai toujours pris ça au sérieux. Mes parents m’ont beaucoup accompagné, mais sans me mettre trop la pression parce que je le faisais déjà suffisamment tout seul. Quand je revenais avec un 8/20, c’était vraiment la catastrophe.
Comment arrives-tu à combiner ta passion et tes études ? Bénéficies-tu d’un aménagement spécifique ?
J’ai le statut de sportif de haut niveau et c’est vraiment une grande fierté, parce que je l’ai eu dans mes deux écoles. J’ai également participé au développement de ce statut, avec 4 autres sportifs. Au delà du nom, il n’y avait pas vraiment de choses mises en place. On n’avait pas forcément de suivi personnalisé, alors que chaque sport a des besoins spécifiques. Les écoles de commerce ont leurs codes, leurs habitudes et il a fallu qu’elles les modifient sans créer d’injustice avec les étudiants sans statut particulier. Maintenant, c’est vraiment très personnalisé pour qu’on puisse gérer au mieux.
La vie de pilote automobile d’Hugo, étudiant à l’IÉSEG
Comment t’es-tu lancé dans cette aventure, d’où te vient cette passion ?
Ça a commencé sur les genoux de mon grand père dans le 4×4 de la maison de campagne. Depuis tout petit, à chaque fois qu’on partait en vacances, on m’apprenait à conduire et j’ai accroché. Dans ma famille, personne n’a de carrière automobile ou sportive. Comme j’étais très demandeur, mes parents m’ont inscrit au karting, et j’aimais beaucoup, j’ai fini par passer mes 3 diplômes en kart de location. Comme j’avais un bon niveau, le propriétaire du karting a contacté mes parents pour leur parler de compétitions. C’est comme ça que j’ai commencé les compétitions de karting, jusqu’à mes 19 ans. C’est un sport très onéreux, parce que tu payes pour participer aux concours auto, on est à plus de 100 000 euros l’année. Je n’avais pas trop envisagé de passer en automobile, mais on me répétait que, de toute façon, ce serait impossible. C’est là qu’une frustration a commencé à naître, surtout quand j’ai vu mes amis passer en auto. Un jour, je me suis décidé à avoir la discussion avec mes parents. Leur plus grande peur, c’est que je subisse une désillusion, une grande déception s’ils n’arrivaient pas à suivre et à me soutenir financièrement. Mais je préfère avoir des remords que des regrets. Si jamais je devais arrêter un jour, je sais que j’aurais tout tenté.
Ma carrière a aussi basculé grâce à deux rencontres sur les circuits. Ils m’ont accompagné et soutenu dès mes débuts. Sans eux, je n’en serais probablement pas là. De l’extérieur, le sport automobile paraît très inaccessible, presque fermé, et leur soutien a tout changé.
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans cette discipline ?
J’ai beaucoup réfléchi à cette question, parce que c’est difficile d’y répondre. C’est un sport très intense, plein d’adrénaline. Le côté risque / danger est vraiment présent. En Super Trofeo, on atteint les 292 km/h.
J’aimerais un jour concourir pour le championnat du monde, notamment les 24 Heures du Mans. Il ne faut pas oublier que c’est un sport d’équipe : on ne roule pas seul. Je suis en binôme, mais ça peut monter à trois ou quatre pilotes. Et derrière, il y a énormément de gens qui travaillent avec nous : les ingénieurs perf, les ingénieurs data, les mécaniciens… sans oublier le soutien de ma famille, mes parents, ma sœur. C’est tout ce côté partage qu’on ne voit pas forcément de l’extérieur.
Et puis il y a la saveur de la victoire. Dans un sport d’équipe classique, comme le foot, la moitié des joueurs est satisfaite à la fin du match. En sport automobile, il n’y a qu’un seul gagnant. Avec tous les aléas, quand tout s’aligne enfin, c’est incroyable. Pendant mes deux premières années, je n’ai pas fait un seul podium en sport auto. Mais j’aimais tellement ce sport que je n’ai jamais lâché. Le plus important, c’est d’être passionné.
Comment s’est déroulée ta progression dans le sport automobile, depuis tes débuts en GT4 jusqu’à ton arrivée en Lamborghini Super Trofeo, et quels objectifs tu te fixes aujourd’hui ?
J’ai passé trois ans en GT4, puis cette année je suis arrivé en Lamborghini Super Trofeo, un championnat monomarque. J’avais bien performé en GT4, et on m’a dit qu’ils cherchaient des pilotes en Lamborghini. On s’est mis en contact, les discussions se sont super bien passées et j’ai intégré l’équipe.
Cette année, c’était une année de découverte, et j’aimerais refaire une saison dans une coupe monomarque pour jouer le titre de champion d’Europe.
Le sport automobile, c’est un mélange de méritocratie, d’argent et d’un soupçon de chance. Il y a quatre catégories :
- le bronze, où on paye pour rouler
- le silver, ma catégorie, où on aspire à devenir pro
- puis gold, les pilotes expérimentés
- et platinum, les pilotes officiels
C’est seulement à partir des deux dernières catégories qu’on est rémunérés.
As-tu un rituel avant chaque course pour contrer le stress ?
Le problème d’avoir une routine, c’est que si ça se passe mal, ça peut créer du stress. Les seules habitudes que je me permets, ce sont des choses que je peux contrôler : décompresser, parler avec les ingés, avoir toutes les infos. Avoir la maîtrise de mon environnement m’aide à performer.
Souhaites-tu en faire ton métier ?
Oui, même si je suis conscient que comme dans toutes les carrières sportives, c’est très difficile de finir professionnel. Il y a tellement d’éléments qui entrent en compte. Ça restera toujours un milieu très complexe avec une progression incertaine, même si je suis sur une bonne lancée. Il n’y aura jamais la probabilité d’y arriver à 100%, mais je vise 50. Si j’ai une chance sur deux que ça m’arrive, c’est que je suis sur la bonne voie.
Avec la préparation nécessaire et tous les entraînements, trouves-tu le temps d’avoir une vraie vie sociale et étudiante ?
On a entre cinq et huit courses dans un championnat sur un an, ce qui fait entre quatre et six journées d’entraînement. On ne roule pas énormément, mais on a un gros travail préparatoire. J’ai fait ma césure pour voir ce que ça donnait en me consacrant à 100% à ma carrière, pour tout optimiser. Dans ce sport, il y a un très gros aspect mental, parce que les différences se jouent sur des détails quand on atteint un certain niveau. Le sommeil, bien manger… tout ça compte. Je passe beaucoup de temps sur le simulateur, qui est très ludique. Mes potes disent que ce n’est pas un vrai sport, mais quand ils essaient le simulateur, au bout de cinq minutes, ils transpirent à grosses gouttes.
Sur la piste, tu n’as aucune marge d’erreur et tu peux rester deux ou trois heures dans la voiture. Ça demande une préparation énorme, dont je ne me rendais pas compte avant.
Aujourd’hui, je suis content de l’équilibre que j’ai réussi à trouver. Je ne roule pas tant que ça, plutôt par gros blocs, donc j’ai un peu plus la maîtrise sur le reste. Au lycée, je me privais de tout : ma vie, c’était le karting et l’école. Maintenant, je peux sortir, surtout hors saison. Mais il faut aimer cet équilibre pour que tout fonctionne.
Il faut aussi être organisé : la préparation physique sert mon objectif, donc j’y vais avec plaisir. Le plus difficile, ce sont les relations romantiques, parce que ça demande du temps. Il faut quelqu’un qui accepte mon emploi du temps. Dans ce sport, que ce soit la famille ou le partenaire, tout le monde doit faire des concessions.
As tu une anecdote à nous raconter sur cette double vie que tu mènes ?
Oui, j’en ai une drôle. Tous les ans, on a des tests physiques avec des académies. Un matin, je suis arrivé en retard en cours parce que j’avais une séance avec mon entraîneur.
La veille, j’avais envoyé un mail à ma prof pour la prévenir… enfin, je pensais l’avoir envoyé.
Quand je suis arrivé au milieu du cours, elle m’a demandé où j’étais. J’ai répondu, hyper détendu : « Ben, à la salle. » Toute la classe a éclaté de rire.
C’est là que j’ai compris que mon mail n’était jamais parti. C’est quand mes deux mondes se croisent qu’on a ce genre de moments.
Si tu avais un conseil à donner ?
Même si c’est cliché : dans la vie, rien n’est impossible. Mais il ne faut pas se voiler la face sur la difficulté du chemin. Je partage beaucoup de choses sur les réseaux sociaux, et je prends le temps de répondre, parce que j’aurais aimé qu’on le fasse pour moi. Sur le papier, je n’aurais jamais imaginé en arriver là. Donc n’hésitez pas à oser.







